Pas tendre pour Couillard, Barrette et Harper

Le dernier livre de Claude Castonguay vaut le détour

Les indépendantistes doivent entendre l'autre version.

Tribune libre

EXCELLENTE ANALYSE DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ.

Félicitations au journaliste du Devoir Louis Cornellier pour sa recension du dernier livre de Claude Castonguay intitulé " La fin des vaches sacrées " (Éd. La Presse, 2015) affichant le sous-titre " Réflexions sur l'avenir du Québec ". L'article de Cornellier porte le titre: " Les clichés de Claude Castonguay ". (14-15 mars 2015, page F 6 )

J'aime bien lire Castonguay lorsqu'il parle du système de santé du Québec comme dans le chapitre 6 intitulé " Un système de santé captif ". Cela paraît qu'il connaît le système de l'intérieur: il prône l'exclusion du Québec de la loi canadienne sur la santé, il parle de la surconsommation des médicaments, du surdiagnostic exigé par la pratique médicale et d'une absence d'une garantie de sécurité pour les patients contre les erreurs médicales et les incidents qui se produisent dans le réseau de la santé.

Dans les dernières pages de son livre, ( pp.202-203 ) il est incisif lorsqu'il s'en prend à la " pensée autoritaire hiérarchique " du Dr Barrette. Il estime que la méthode Barrette est vouée à l'échec.

STEPHEN HARPER APPORTE DE L'EAU AU MOULIN DES INDÉPENDANTISTES.

Les quelques pages sur Stephen Harper, (pp 163s) sont consolantes aux yeux de tout indépendantiste québécois. Les oeuvres d'Harper sont contre-productives pour le sentiment d'appartenance au Canada comme il l'écrit au bas de la page 164. Citation: " Au Québec, tous ces changements ont pour effet de refroidir encore davantage le sentiment d'appartenance des gens à l'endroit du Canada. Au moment où les indépendantistes se cherchent, Harper et son gouvernement leur apportent de l'eau au moulin ".

LES CONTRADICTIONS DE CLAUDE CASTONGUAY.

Le choix répété de Castonguay du Québec dans le Canada est une affaire d'acte de foi. Mais ce choix n'est pas à l'abri de nombreuses contradictions ou de faiblesses argumentaires qui surgissent ça et là dans son texte.

Affirmation page 61: "..., nous contrôlons largement notre économie." Ailleurs, il déplore le fait que les finances du Québec soient à la merci des agences de notation qui déterminent les hausses des taux d'intérêts exigés par les investisseurs.

Affirmation page 124: " C'est cette fédération qui a évolué pour devenir le pays qu'est le Canada. Un pays prospère qui a acquis une excellente réputation à l'échelle internationale."

Cette affirmation est contredite par une autre de la page 179: " Pendant ce temps, nous continuons de subir les conséquences négatives de la division qui règne au sein de la population et du climat d'incertitude quant à l'avenir qui refait surface périodiquement. Cette situation fait aussi en sorte que la gouvernance du Canada demeure fondamentalement dysfonctionnelle."

LE CANADA: UN GOUVERNEMENT DYSFONCTIONNEL, UN PAYS AUSSI.

Juste au sujet de la "gouvernance du Canada ... fondamentalement dysfonctionnelle", il faut se demander pourquoi et comment le Canada anglophone s'accommode du dysfonctionnement relaté par Claude Castonguay ?

On connaît bien le penchant naturel de plusieurs canadiens anglophones et de leurs médias à détester le Québec, ce qui s'appelle le "Québec bashing". Face à la loi canadienne des langues officielles adoptée en 1969, une visite dans la ville d'Ottawa démontre chez des milliers de commerçants que le coeur n'y est pas. Le visiteur francophone est accueilli à 90% par des immigrants qui ne parlent pas le français et cela se passe dans la capitale nationale. Le commissaire aux langues, Graham Fraser, déplore d'année en année les failles dans le bilinguisme de plusieurs institutions à caractère national. Le seul avantage pour un anglophone d'occuper un poste bilingue est la prime au bilinguisme.

UN BEAU CLICHÉ: LA MÉFIANCE DES QUÉBÉCOIS ENVERS LES INVESTISSEURS.

D'une part, Castonguay déplore la méfiance de plusieurs groupes de Québécois(ES) envers les milieux financiers et les investisseurs. Il ne devrait pas s'en surprendre surtout qu'il écrit avec justesse son appréciation de la crise de 2008 en page 112, je cite: " Les débats provoqués par la crise de 2008 sont immenses et n'en finissent plus."

Chez nous, la crise économique de 2008 a été écrite par le président de la Caisse de dépôt du Québec, Henri-Paul Rousseau, qui a quitté le navire en mai 2008 sentant la tempête faire des ragaves. Ces ravages se sont appelés des pertes de plusieurs milliards d'épargne de Québécois(Es) placés dans des produits financiers toxiques appelés "Papiers commerciaux adossés à des actifs" (PCAA) actifs contaminés même s'ils étaient notés d'excellente qualité par une agence de notation, l'agence DBRS.

En page 185, Castonguay écrit, je cite: " Nous sommes fiers des Céline Dion, Guy Laliberté et Michel Tremblay, de CGI, de Bombardier et du Canadien de Montréal pour ne nommer qu'eux." Bizarre, il n'a pas inclus dans sa liste les SNC-Lavalin et Power Corporation. Sans doute, il s'est gardé une petite gêne.

À la même page, il a cette affirmation: " Nous sommes fiers de penser que c'est ici que les inégalités sociales sont les moins prononcées en Amérique du Nord ". Cette seule affirmation est un monument de fierté et des milliers de Québécois(ES) veulent conserver et améliorer cet héritage.

Pourquoi les néolibéraux veulent chambarder les institutions social-démocrates du Québec, bâties solides avec des résultats encore meilleurs en 2015 que dans toutes les autres sociétés qui entourent le Québec ? Le capitalisme cher à Castonguay est incapable d'appuyer et de pérenniser les services publics qui permettent une plus grande égalité sociale. La Rapport de la Commission Godbout sur la fiscalité qui vient d'être déposé ce 19 mars 2015 est un autre mirage: on déshabille Pierre pour habiller Paul. Les modèles mathématiques retenus par les membres de la Commission vont encore faire la démonstration que l'économie est une science humaine imprécise.

HYDRO-QUÉBEC: CANTONGUAY COMPARE LE QUÉBEC À L'ONTARIO !?!

Étant retraité d'Hydro-Québec, je ne peux m'empêcher de souligner l'incongruité de la proposition de Castonguay à la page 198 et suivantes. Au bas de la page 198, il écrit: " Si les tarifs étaient les mêmes qu'en Ontario, ..." Une telle hypothèse ressemble au locataire d'un logement qui dirait à son propriétaire: quand tu vendras ta maison, je veux que tu me remettes ma part ...!" Il est presqu'insensé de comparer le commerce de l'électricité entre le Québec et l'Ontario pour des raisons de géographie physique, de décisions politiques du Gouv. fédéral dans le nucléaire favorisant l'Ontario sur le plan de la recherche scientifique. Sauf que l'électronucléaire est un cadeau empoisonné car cette filière impose d'énormes déficits d'opération.

Durant la même période ( 1960 à aujourd'hui ) le Québec en 1963 a procédé à la 2e nationalisation des compagnies privées d'électricité grâce à la vision et à la volonté de René Lévesque qu'il a su inculqué à ses collègues du Conseil des ministres.

En résumé, le 600 M$ payé par les Québécois en 1963 pour la nationalisation des compagnies d'électricité a transformé les clients d'Hydro-Québec en propriétaires de leur unique* compagnie d'électricité. Cela rapporte encore aujourd'hui des dividendes qui se matérialisent sous la forme de tarifs résidentiels avantageux. Ce n'est que normal et la chance joue en faveur du Québec alors que le choix du nucléaire en Ontario est un choix empoisonné encore aujourd'hui qui accumule les déficits de jour en jour.

* "leur unique compagnie d'électricité", précisons: cela est de moins en moins vrai avec les sociétés étrangères qui exploitent des parcs de turbines éoliennes avec des contrats fermes à prix exorbitants payés par Hydro-Québec pour de l'énergie "inutile". Le même raisonnement s'applique aux mini-centrales hydrauliques. Ce gaspillage entre en collision frontale avec le discours d'austérité de Philippe Couillard.

Autre cliché: Castonguay associe "bas tarifs d'électricité au Québec" à une surconsommation dans les résidences. Il continue son argument, et il n'est pas le seul, en associant des tarifs d'électricité plus élevés à une baisse de consommation, le tout pensé pour le secteur résidentiel. Avec un peu de psychologie animale, le pli de la surconsommation d'électricité est profond. C'est plus une question d'éducation que de prix et je me demande s'il existe une éducation sur les économies d'énergie dans nos écoles.

Une autre piste d'économie de consommation de l'électricité nous vient cette fois de l'Ontario qui pratique deux grilles de tarifs ajustés aux pointes quotidiennes de consommation, celle du matin et celle à l'heure du souper. La grille de l'hiver est l'inverse de la grille de l'été. Il me semble que cette approche est plus prometteuse que de se mettre à calculer les superficies des résidences des Québécois... pour identifier les maisons énergivores ...

Et cette hausse des tarifs devrait être associée, pour son acceptation sociale, à "une réduction correspondante des impôts des particuliers ". Donc, l'opération totale se solderait par un résultat ZÉRO ( même pensée magique que le Rapport de la Commission Godbout ... ) à cause de la "réduction correspondante des impôts des particuliers ". L'approche de Castonguay sur ce sujet n'est pas très productive car il dégage une "opération ZÉRO" sur le plan des "produits" et brasse des structures inutilement. Castonguay oublie que le brassage des structures crée de la démotivation et de l'inquiétude chez les employés de l'État comme dans toute entreprise.

Concernant Hydro-Québec, Castonguay a une autre affirmation qui est tout simplement fausse au milieu de la page 198, je cite: " Or, il existe pour l'avenir prévisible à l'extérieur du Québec, une forte demande d'électricité à des prix élevés. La situation serait idéale ..."

C'est tout le contraire qui se produit quant aux prix du kWh vendus à l'exportation, en majorité vers les États-Unis. Voici ce que nous lisons sur ce sujet dans le Rapport annuels 2013 d'Hydro-Québec: " La forte production de gaz de schiste à proximité de nos marchés d'exportation continue d'exercer une pression à la baisse sur les prix de l'électricité". ( p. 11)

Les exportations d'électricité par Hydro-Québec en 2013 ont été de 30,8 TWh et ont généré 1353M$, pour un prix moyen unitaire de 4,39 ¢/kWh. En 2014, les chiffres correspondants sont des revenus de 1 529 M$ pour 25,4 MWh, soit un prix moyen unitaire de 6,0 ¢/kWh. On est loin du 10 ¢ / kWh de 2009.

Dans un projet d'exportation des Ministres Pierre Arcand et Philippe Couillard de 25 TWh d'électricité vers la région de l'est de l'Ontario, un rapport de l'OCAA, Ontario Clean Air Association, recommandait d'offrir 6,0 ¢ / kWh pour un contrat à long terme d'un important bloc de 25 TWh annuel. Où et comment Hydro-Québec peut-elle garantir un tel contrat quand elle dégage des surplus actuel d'électricité d'environ 13 TWh / an qu'elle paie entre 8 et 10 ¢/kWh ? De plus, cette électricité est intermittente en provenance de turbines au vent et à la petite hydrolicité.

On ne sait pas où Castonguay a puisé son information pour affirmer, je cte: " Or, il existe pour l'avenir prévisible à l'extérieur du Québec, une forte demande d'électricité à des prix élevés. La situation serait idéale ..."

CONCLUSION

Le livre de Castonguay mérite d'être lu car il est représentatif d'une frange importante de Québécois(ES) qui votent aux élections et aux référendums. Avec Castonguay, on fait une bonne visite du propriétaire du Québec de 2015, même si on se promène dans des raisonnements parfois contradictoires et parfois infondés. Il est bon pour l'indépendantiste d'entendre l'autre version qui réconforte à l'occasion devant le projet du Pays du Québec. Castonguay ne peut nier que la sécession du Québec soulagerait les mentalités des deux côtés de la rivière des Outaouais de penchants agressifs et stériles. Le Canada et le Québec en sortiraient gagnants.


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2 commentaires

  • François A. Lachapelle Répondre

    25 mars 2015

    @ André Gignac
    Même si j'ai acheté le dernier livre de Castonguay, je suis entièrement d'accord avec vous.
    Je crois qu'il faut donner raison à Castonguay sur cette phrase: « Accommodons-nous du premier, conclut Castonguay, moins hasardeux sur le plan économique.» Un programme risqué avec l'indépendance du Québec est l'implantation du dollar du Québec chapeauté par la Banque du Québec.
    Je suis de la vieille école et j'utilise très souvent du papier monnaie pour mes transactions. Que ce soit avec la devise électronique ou avec du papier monnaie, l'introduction du dollar du Québec sera une nécessité.
    À cette fin, il faudra faire beaucoup d'éducation populaire pour convaincre les Québécois(ES) de faire confiance à la devise du Québec en lieu et place du dollar $CAN et du $US. J'aimerais faire un parallèle entre la nouvelle devise du Québec et le franc suisse (CHF) qui se maintient très bien à côté de l'euro, même que le CHF s'est apprécié face à l'euro, mais ce parallèle est irréaliste pour plusieurs raisons.
    Imaginez: le franc suisse est considéré sur le même pied que le $US et même plus comme valeur refuge. La principe de la "confiance" en une monnaie est extrêmement volatile. Comment ferons-nous pour convaincre les Québécois(ES) de faire confiance au dollar québécois $QC ?
    Je crois que Jacques Parizeau, Premier ministre, avait prévu le coup en 1995. Il faudrait lui demander ses conseils.

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mars 2015

    Monsieur Lachapelle
    Personnellement, je ne dépenserais pas 25$ à 30$ pour ce livre rempli de clichés comme l'écrit si bien Louis Cornellier dans sa chronique du Devoir du week-end du 14/15 mars 15. Voici un exemple de cliché, je cite Cornellier: COURAGE ET RÉSIGNATION. Afin d'équilibrer le budget du Québec, les seules solutions possibles, selon lui, consistent à s'attaquer aux dépenses, à augmenter les tarifs d'Hydro-Québec et à tarifer certains services publics pour s'assurer que les citoyens qui ne paient pas d'impôts (environ 40%) contribuent au Trésor. N'embêtons pas les riches et les entreprises avec les impôts, suggère Castonguay, mais faisons payer les pauvres parce que la classe moyenne n'en peut plus. De la part d'un homme qui se réclame de la justice sociale, une telle proposition déçoit.
    Autre exemple de cliché, je cite toujours Cornellier: Résigné devant les lois de l'économie de marché, Castonguay l'est aussi dans le dossier de la question nationale. Les Québécois, explique-t-il, auraient souhaité que le Canada reconnaisse officiellement le Québec comme société distincte, mais ça n'arrivera pas. Aussi ne reste-t-il que deux options: le statu quo, c'est-à-dire le Québec province, ou l'indépendance pure et dure. Accommodons-nous du premier, conclut Castonguay, moins hasardeux sur le plan économique. De toute façon, ce n'est pas un vrai problème, les francophones ne se font plus assimiler au Canada et les Québécois devraient s'inspirer des Acadiens. Fin des citations.
    Ça sent le fédéralisme à plein nez. Castonguay nous suggère pratiquement, à nous Québécois, de continuer de ramper, de nous tenir agenouillés dans ce système fédéraliste aliénant et colonisateur. Tout un plan de match! PÉLADEAU ÇA PRESSE! VIVE LE QUÉBEC LIBRE!
    André Gignac 25/3/15