Un grand nombre risquent d’être hantés par leur dette étudiante toute leur vie

Le conflit des frais de scolarité : les prêts-bourses la solution ?

Il faut éviter que le Québec se rende là.

Tribune libre

Suite à mon récent billet « Une manifestation étudiante pas comme les autres », je veux traiter ici brièvement de la réponse du premier ministre Jean Charest qui demeure inflexible face aux revendications des étudiants. Le PM insiste pour augmenter de 75 %, durant le 5 prochaines années, les frais de scolarité universitaires québécois. Pour lui, la réponse aux critiques de ces hausses importantes est le régime de prêts-bourses du gouvernement qui permet de financer les frais de ceux qui ne peuvent pas payer.
Vous n’avez pas suffisamment d’argent pour faire votre cours universitaire, pas de problème puisque le gouvernement s’assurera que vous en aurez et vous pourrez le rembourser avec intérêts, selon les critères établis, lorsque vous exercerez votre profession. Pour calmer les esprits, Charest se même dit prêt à « rendre meilleur » le régime existant. Ça à l’air bon et simple ! Mais l’est-ce ?
J’ai exprimé mon appui aux étudiants pour les raisons invoquées dans mon texte précédent. Plus les frais de scolarité seront élevés, plus les dettes de plusieurs étudiants seront importantes. Et, je suis convaincu qu’un très grand nombre d’entre eux risquent d’être hantés par cette dette toute leur vie. D’autres, craignant de trop s’endetter auront choisi de ne pas suivre de cours universitaires. Et, il y en a beaucoup plus que l’on pense !
Aux USA, les frais de scolarité sont très élevés, pour ne pas dire excessifs, et les prêts-étudiants privés et publics existent. Le remboursement des dettes devient un problème majeur pour d’innombrables Américains dont beaucoup sont devenus des personnes âgées. Le comité sénatorial responsable de la question en discute vivement et le président Obama est intervenu récemment avec une proposition pour faciliter le remboursement des emprunteurs qui peinent à rencontrer leurs obligations.
Un long article du journaliste Ylan Q. Mui dans le journal The Washington Post, du 1er avril dernier, traite de la question : Senior citizens bear burden of student loans (les citoyens seniors portent le fardeau des prêts-étudiants).
Ce texte explique bien le potentiel de mauvaises répercussions des prêts-étudiants et l’auteur décrit les difficultés vécues par plusieurs Américains en rapport avec les remboursements de leurs emprunts. Il faut éviter que le Québec se rende là.
J’ai traduit cet article en français et je le soumets aujourd’hui à mes lecteurs pour fins de réflexions et commentaires.
Claude Dupras
Senior citizens bear burden of student loans
Le fardeau de payer pour les études collégiales fait des ravages sur les finances des personnes âgées aux USA.
Une nouvelle étude de la Federal Reserve Bank de New York démontre que les Américains de 60 ans et plus doivent encore environ 36 milliards $ en prêts-étudiants. Plus de 10 % de ces prêts sont en souffrance. Les organismes de défense des consommateurs affirment qu’il n'est pas rare pour la Sécurité Sociale d’émettre aux collecteurs de dettes des informations sur les emprunteurs de 80 ans et plus, avec lesquelles ils harcèlent des derniers afin de récupérer des prêts-étudiants vieux de plusieurs décennies.
Face à cette situation, un nombre grandissant de législateurs, d'économistes et d’experts financiers dénoncent ce qui est devenu un conflit important au cœur même du système de l'enseignement supérieur de la nation. Les avantages espérés que devait donner un diplôme d'études collégiales sont dilués par des taux de frais de scolarité en hausse et la longévité de la dette.
Certains de ces Américains âgés sont encore aux prises avec leur premier prêt-étudiant, tandis que d'autres se sont encore plus endettés quand ils sont retournés à l'école, plus tard dans la vie, dans l'espoir de devenir plus compétitifs dans le marché du travail. De plus, plusieurs ont endossé ou cosigné des prêts avec leurs enfants ou petits-enfants pour les aider à faire face à la croisssance rapide des frais de scolarité.
La récente récession a aggravé ce problème rendant plus difficile pour les Américains plus âgés - ou les jeunes qu'ils soutiennent à l'école – de trouver des emplois bien rémunérés. Et, contrairement à d'autres dettes, les prêts-étudiants ne peuvent pas être effacés en cas de faillite. En conséquence, certains Américains plus âgés découvrent à leur stupéfaction qu'un diplôme d'études collégiales qui devait leur garantir une carrière prospère est devenu une vie à l'ombre d’une dette.
«Un prêt-étudiant devient une boule et une chaîne que vous devez tirer jusqu’à votre tombe», a déclaré William E. Brewer, président de l'Association Nationale des Procureurs de la Faillite à la Consommation. "Vous ne pourrez le décrocher qu’au moment où il vous mettront dans le cercueil."
Sandy Barnett, 58 ans, de l'Illinois, pensait qu'elle faisait la bonne chose quand elle a décidé de poursuivre une maîtrise en psychologie clinique à la fin des années ‘80. Elle avait su faire son chemin au collège sans trop de problèmes financiers, mais elle a décidé de contracter un emprunt d'environ $ 21 000 pour payer ses études supérieures afin d’avoir plus de temps pour mieux se consacrer à ses études.
Après avoir obtenu sa maîtrise, Barnett a lutté longtemps pour trouver un emploi qui payait plus de $ 25 000 par an. Elle tomba rapidement en retard sur ses paiements de remboursement. Puis, elle a souffert d'une mise à pied, d’une période de chômage et de la mort de son mari. Durant ce temps, son prêt-étudiant gonfla à environ $ 54 000.
Barnett a déposé son bilan en 2005, mais elle ne pouvait pas y inclure la dette de son prêt-étudiant. Elle raconte qu’une agence de recouvrement a commencé à soutirer, depuis un an, une bonne part de son salaire de son emploi à plein temps de représentant de service à la clientèle et, maintenant qu’elle a peu d’argent pour vivre, elle doit choisir entre l'achat du gaz et l'achat de nourriture. Un climatiseur pour son mobil-home est devenu pour elle un luxe inimaginable.
"Je me secoue la tête chaque jour à la pensée que je travaille pour rien," a dit Barnett. "C'est vraiment un trou noir parce qu'il n'y a pas de fin en vue.
Un diplôme d'études collégiales a traditionnellement été considéré comme une garantie virtuelle d'un emploi mieux rémunéré et un niveau de vie élevé. Et dans l'ensemble, cela reste vrai. Le taux de chômage pour les Américains détenant seulement un diplôme d'études secondaires est de 9,2 pour cent - plus du double du taux chez les personnes avec des diplômes collégiaux. L'an dernier, selon les données du gouvernement, les revenus hebdomadaires moyens des diplômés du secondaire étaient de 638 $ comparativement à 1053 $ pour les jeunes diplômés de collège.
Mais à cause de la récente récession qui a créé des mises à pied dans des cabinets d'avocats, des banques d'investissement, des usines d'automobiles et des entreprises de construction, de plus en plus d'Américains se retrouvent sans travail et profondément endettés.
Lors d'une audience du sous-comité sénatorial la semaine dernière, le secrétaire au Trésor Timothy F. Geithner a déclaré que le coût de l'enseignement supérieur devrait refléter la qualité de l'éducation reçue. Beaucoup d'étudiants "n'ont pas été en mesure d'obtenir un rendement qui justifie la dépense" a-t-il dit.
Au cours de la dernière décennie, le coût des études collégiales a augmenté entre 2 et 6 pour cent par an selon le type d'établissement, affirme le College Board.
Entretemps, la Fed de New York estime que les Américains doivent 870 milliards de dollars en prêts-étudiants au cours du troisième trimestre de l'an dernier, dépassant largement la dette des cartes de crédit ou les prêts-auto. Les emprunteurs de 60 ans ont 5 % de la dette. La part des 50 ans et plus est de 17 %.
Dans certains cas, la dette étudiante est aussi un fardeau pour des Américains plus âgés et financièrement responsables.
Maxine Bass, 60 ans, du Minnesota a expliqué que sa petite-fille rêvait d'aller à l'université depuis qu'elle était enfant. Mais sa mère ne pouvait même pas se permettre de lui fournir l'argent du déjeuner et, encore moins, pour les frais de scolarité. Bass, de son côté, avait un bon crédit et un emploi stable.
Alors, lorsque sa petite-fille a été acceptée à l'Université Sainte-Catherine pour étudier la biologie, Bass a accepté de co-signer un prêt $ 38,000 conjointement avec elle. Mais la petite-fille a pris du retard dans ses paiements de remboursements parce qu’elle peinait à trouver un emploi avec un salaire décent et les finances de Bass en ont subi le contrecoup.
«J’ai paniqué ne sachant ce que je pouvais faire?" affirme Bass.
En raison de frais de retard et des paiements non versés, Bass a expliqué qu'elle et sa petite-fille doivent maintenant environ $ 69 000. Ils font une contribution mensuelle, mais Bass est inquiète qu'elle ne sera pas en mesure de rattraper son retard.
«Beaucoup de parents qui rêvaient à l’âge de retraite avec un enfant qui avait fait des études supérieures ont dû continuer à travailler parce qu’il ne peuvent payer complètement la dette étudiante de leur enfant » a déclaré le sénateur Richard J. Durbin (D-Ill.) lors d’une audience la semaine dernière.
Durbin a présenté un projet de loi qui permettrait que la dette étudiante privée puisse être déchargée dans la faillite, mais que les emprunteurs soient tenus quand même de rembourser la partie des prêts fédéraux. Sallie Mae, un des plus grands prêteurs privés de prêts-étudiants, et des groupes de protection des consommateurs soutiennent que tous les prêts-étudiants devraient être effacés dans un cas de faillite. L'année dernière, le président Obama a abordé la question en assouplissant les exigences de remboursement des prêts-étudiants du gouvernement fédéral. Les nouvelles règles permettent aux emprunteurs de payer 10 pour cent de leur revenu pendant 20 ans avant que le prêt soit pardonné.
Pour plusieurs, le projet de loi ne fait que répondre à un aspect de ce problème qui est plus fondamental: le coût des études collégiales. Jusqu'à ce que soit résolu, Suzanne Martindale, une avocate de l'Union des Consommateurs, a déclaré qu'elle prévoit que la part des prêts-étudiants à rembourser par les Américains âgés ne fera qu'augmenter.
"La génération actuelle d’emprunteurs deviendra une génération de personnes âgées accablées de dettes", a-t-elle prédit.


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