Le condo du Québec

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Les Québécois sont-ils éternellement nés pour un petit pain ?

Il y a quelques jours, comme à peu près tout le monde, je suis allé voir 1991, le dernier film de l’excellent Ricardo Trogi. Et comme tout le monde, j’ai passé ma soirée à rire de bon cœur. Mais ce n’est pas pour faire le critique de cinéma que je vous en parle.


Trogi est un observateur perspicace de la société québécoise et il sème ici et là des réflexions qui l’éclairent brillamment.


Trogi


Sans vous vendre le punch, j’en évoque une : le jeune Ricardo, qui fait un périple italien, perd son passeport canadien, et pour le retrouver, il doit se rendre à l’ambassade canadienne de Rome.


Et là, il avoue candidement que s’il a toujours eu de la sympathie pour René Lévesque, il n’est pas mécontent de se retrouver devant le presque palace qui sert d’ambassade au Canada. Il incarne la puissance et la prospérité.


Trogi ajoute que si le Québec avait eu sa propre ambassade, cela aurait plutôt ressemblé à un condo.


Cette réflexion toute simple en dit beaucoup sur la psychologie politique des Québécois. Au fond d’eux-mêmes, ils sont fondamentalement attachés au Québec et lorsqu’ils sont à l’étranger, ils précisent très rapidement qu’ils sont québécois plutôt que canadiens.


Mais ce même Québec, ils le trouvent toujours trop petit, et dans le cas qui nous intéresse, à peine digne d’un condo diplomatique. S’il devait se projeter à l’étranger, il aurait l’air ti-coune. Le prestige, la grandeur, la puissance, c’est pour Ottawa : au Québec, nous sommes bons pour l’entre-soi provincial et la cabane à sucre déglinguée. Inversement, quand un Québécois a des idées de grandeur pour le Québec, on l’accuse vite de se prendre pour un autre et on l’invite à se calmer le pompon.


Le Québec est-il né pour un petit trois et demi ?


Cela évoque une controverse du milieu des années 1990. On avait décidé que le premier ministre du Québec devait disposer d’une résidence de fonction. Jacques Parizeau, qui n’avait pas la psychologie du Québécois tapoché gêné d’exister, avait ainsi emménagé au 1080, rue des Braves, à Québec. Mais les moqueurs, qui font l’opinion au Québec, avaient tout fait pour le ridiculiser. Lucien Bouchard, une fois arrivé au pouvoir, n’a pas voulu habiter cette maison, comme s’il fallait donner l’exemple en matière d’austérité. Quand un premier ministre canadien fait des coupes, il ne sent pas le besoin d’abandonner le 24 Sussex, sa résidence officielle.


Aujourd’hui, le premier ministre a un appartement de fonction. C’est l’équivalent symbolique du condo diplomatique.


Petit


Pourquoi le Québec se sent-il toujours insuffisant ? Pourquoi s’imagine-t-il qu’il n’a qu’une prospérité empruntée, et que sans le cadre canadien, il serait condamné à une forme de médiocrité économique ? Avons-nous toujours besoin d’une béquille extérieure ?


D’où nous vient cette incapacité à croire en nous-mêmes ? Contrairement à ce qu’on pense, cette psychologie de gagne-petit qui nous vient de notre passé de peuple colonisé nous limite encore et nous empêche d’atteindre notre plein potentiel.


Elle explique en bonne partie notre difficulté à devenir un pays.