Le coming out fédéraliste d’une certaine gauche

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Le moment de vérité: vous êtes indépendantistes ou non?

J’en entends plusieurs, dans la petite gauche mondaine qui se pince le nez depuis vendredi soir (horreur, horreur, PKP à la tête du PQ!), en profiter pour dire qu’ils étaient souverainistes mais qu’ils ne le sont plus. Comme s’ils retenaient depuis longtemps leur coming out fédéraliste et qu’ils peuvent enfin le faire. L’occasion est là, ils nous expliquent qu’ils ne croient plus que le Québec devrait devenir un pays, qu’il devrait demeurer une province canadienne. Que doit-on en comprendre ? Qu’ils croyaient que le peuple québécois devait se gouverner lui-même, mais puisqu’ils n’aiment pas la tronche du chef du PQ, ils n’y croient plus? Leur adhésion à la souveraineté était-elle si fragile? Nous disent-ils plutôt qu’ils croyaient auparavant que le Québec devait disposer de tous les pouvoirs d’un État souverain, mais que finalement, la chose n’est plus nécessaire et qu’il vaut mieux que les pouvoirs qu’ils réclamaient hier restent à Ottawa?
Certains, qui se croient subtils, ajouteront que même s’ils cessent d’être souverainistes, ils ne deviennent pas fédéralistes pour autant. Ah bon? On a beau avoir peur des mots, la réalité a quand même ses droits. Si vous ne souhaitez plus que le Québec devienne un pays souverain, et plus encore, si vous vous y opposez au point de voter Non lors d’un éventuel référendum, alors vous devenez pratiquement, même si le nom ne vous plait pas, des fédéralistes. En dernière instance, on est à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada – même s’il y a, théoriquement, plusieurs manières d’être à l’intérieur (le fédéralisme de Robert Bourassa n’était pas celui de Pierre Trudeau). On est un pays ou on n’en est pas un. Faudrait-il trouver un nouveau mot pour désigner ceux qui voteraient Non sans pour autant se dire fédéralistes?
Je note d’ailleurs que ceux qui ne sont plus souverainistes ne nous disent pas pour autant qu’ils souhaitent quand même rapatrier certains pouvoirs à Québec. Non. Ils ne sont plus souverainistes et ils prennent le Canada tel qu’il est. Ils confessent leur indifférence à la constitution - sauf lorsqu’il s’agit de la Charte des droits de 1982, parce qu’alors, ils s’inclinent devant elle et n’imaginent pas qu’on puisse y voir un corset limitant la souveraineté de l’Assemblée nationale. D’ailleurs, on pourrait presque croire qu’il leur est indifférent que la constitution sous laquelle nous vivons nous ait été imposé et qu’on ne l’ait jamais signé. Comme s’ils s’y étaient habitués, comme s’ils s’étaient aussi habitués à la subordination nationale du Québec. Leurs droits individuels sont préservés, ils sont satisfaits, tout va bien. Mais le Québec comme collectivité ? Bof. Ils se désaffilient de leur peuple et portent à la boutonnière leur cosmopolitisme dont ils sont si fiers.
Et pourtant, ils parleront souvent de solidarité. Mais qui doit être solidaire avec qui? C’est d’abord à l’intérieur d’une communauté nationale que la solidarité se concrétise et s’exerce parce qu'elle est instituée. Ils nous diront peut-être : la nation est un cadre dépassé et je me sens plus proche d’un Bostonais et d’un Toulousain que d’un Longueillois ou d’un Trifluvien. Intéressant. Ils veulent la solidarité, mais seulement avec les gens qu’ils choisiront. Ils n’aiment que la solidarité sélective. Ils veulent être solidaires entre eux. Ils regardent la carte du monde et laissent gambader leur cœur. Mais la solidarité avec les gens de son pays? Ah non, c’est déphasé. Le génie de la nation, pourtant, c’est de créer une solidarité entre des classes et des régions qui se découvrent à travers des institutions et une histoire communes un destin partagé. Elle oblige les classes à relativiser leurs intérêts économiques spécifiques pour construire un bien commun. Il faut bien le dire, ils sont bien peu solidaires ceux qui embrassent le vaste monde tout en dédaignant leurs voisins.
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Petite note finale à propos de ceux qui pratiquent le souverainisme conditionnel.
Certains disent vouloir l'indépendance à condition que le pays soit social-démocrate ou progressiste. Que doit en comprendre ? Que dans un Québec souverain, de leur point de vue, il faudrait une constitution "de gauche" qui rendrait anticonstitutionnels les partis "de droite" ? Que se passera-t-il si cinq ans après l'indépendance, un parti de droite se fait élire ? Lui sera-t-il interdit d'appliquer son programme ? Proposera-t-on la dissolution de l'Assemblée car les résultats électoraux seraient contradictoires avec l'idéologie officielle de la constitution ? Et ceux qui voulaient l'indépendance à condition qu'elle soit de gauche diront-ils qu'ils souhaitent leur rattachement au Canada, pour peu que le NPD le gouverne ? Il y a dans ce souverainisme conditionnel un autoritarisme qui ne dit pas son nom. Et il y a dans ce patriotisme conditionnel une forme de chantage affectif, à moins qu'il ne s'agisse d'un snobisme idéologique : je n'aimerai mon pays, je n'y appartiendrai, que s'il se soumet à mes idées, que s'il se soumet à ma doctrine politique. On ne se donne pas un pays pour mettre au pouvoir des valeurs de gauche ou de droite, on s'en donne un parce que comme peuple, on veut se gouverner par soi-même. Est-ce si compliqué ?


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