Le Canada ratifie l’Accord de Paris

Les libéraux obtiennent l’appui du NPD et du Bloc, mais pas des conservateurs. Comme pour le Protocole de Kyoto…

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Le ratifier, c'est une chose. Le respecter, c'est autre chose...

L’histoire aura-t-elle le hoquet ? Mercredi, la Chambre des communes a voté en faveur de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, comme elle avait, 14 ans plus tôt, entériné le Protocole de Kyoto. Comme à l’époque, le gouvernement libéral a su rallier les néodémocrates et les bloquistes, mais pas les conservateurs. Et, encore une fois, même ceux qui l’appuient prédisent que le gouvernement faillira à respecter Paris, comme il a failli dans le cas de Kyoto, parce que son plan d’action ne fait pas le poids.

Le vote s’est soldé par la marque de 207 voix en faveur de l’Accord et de 81 voix opposées. Tous les libéraux, néodémocrates et bloquistes présents ont voté pour la motion gouvernementale, tandis que tous les conservateurs ont voté contre elle. La chef du Parti vert, Elizabeth May, n’était pas en Chambre. Le candidat à la chefferie conservatrice, Michael Chong, pourtant en faveur de la tarification du carbone, a voté contre la motion. Le vote n’était que symbolique : le gouvernement de Justin Trudeau aurait pu ratifier l’accord sans l’appui du Parlement. Cette entente n’établit pas de cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) : elle exhorte plutôt les pays à prendre les moyens nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète à deux degrés Celsius.

La ministre de l’Environnement, qui avait pris la parole quelques heures avant le vote — dont l’issue ne faisait pas de doute, en raison de la majorité parlementaire des libéraux — s’est dite « heureuse ». « Nous faisons un grand pas en avant, a déclaré Catherine McKenna. Nous allons prendre des mesures concrètes pour nous attaquer aux changements climatiques. »
Pour l’accord, contre le prix plancher

Les conservateurs se sont opposés non pas parce qu’ils boudent l’Accord de Paris, mais parce qu’ils refusent d’entériner le moyen privilégié par M. Trudeau pour le respecter. « Nous sommes pour l’Accord de Paris. Nous sommes pour l’Accord de Paris. Nous sommes pour l’Accord de Paris. Est-ce que je peux être plus clair que ça ?, a lancé Gérard Deltell. Nous ne sommes pas en faveur de l’imposition d’une nouvelle taxe. »

Le chef par intérim du NPD, Thomas Mulcair, estime qu’il s’agit d’une erreur de leur part. « Les conservateurs se placent du mauvais côté de l’histoire. » M. Mulcair estime néanmoins que la taxe libérale ne contribuera pas à réduire les GES et que la seule solution possible est l’instauration d’un système de plafonds et d’échanges de crédits d’émissions à l’échelle du pays. « Si le NPD avait été au pouvoir, nous aurions respecté l’Accord de Paris, on ne l’aurait pas que signé pour poser. […] N’oubliez pas que les libéraux ont admis avoir signé l’accord de Kyoto à des fins de relations publiques. »

Une taxe plus flexible qu’on pense

Lundi, le premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé que les provinces devront soit instaurer une taxe sur le carbone sur leur territoire, soit créer une Bourse du carbone. Sinon, Ottawa leur imposera à partir de 2018 un prix plancher du carbone de 10 $ la tonne, qui atteindra 50 $ en 2022.

La question se pose : comment ce prix plancher pourra-t-il s’appliquer au Québec ou à l’Ontario, qui se sont joints à une Bourse du carbone ? Les grands émetteurs s’y voient attribuer gratuitement des crédits pour 80 % de leurs émissions historiques. Ils doivent soit réduire leurs émissions restantes, soit acheter des crédits ou « droits de polluer ». Ces crédits sont vendus par le gouvernement, qui en contrôle le prix, mais aussi par d’autres entreprises ayant réduit leur pollution et disposant de crédits excédentaires. Les prix sur ce marché secondaire sont moins élevés et soumis aux aléas de l’offre et de la demande.

Comment pourra-t-on les contrôler ? En coulisses, à Ottawa, on explique qu’on ne les contrôlera pas, justement. Le fédéral a concocté un système d’équivalence entre prix sur le carbone et réductions de GES. On évaluera l’efficacité de la Bourse en fonction des réductions de GES qu’elle génère et non du prix auquel s’y transigent les crédits de carbone (environ 13 $US la tonne, ces jours-ci). Il est donc envisageable que le prix des crédits à la Bourse soit en deçà du prix plancher d’Ottawa et satisfasse néanmoins aux normes fédérales. Ces calculs seront rendus publics dans les prochaines semaines.

Des provinces agacées

La Saskatchewan s’oppose catégoriquement à une taxe sur le carbone, plaidant qu’elle a un système de capture et de stockage. Dénonçant « l’une des plus importantes hausses d’impôt nationales de l’histoire canadienne », le premier ministre Brad Wall a avancé que la mesure fédérale coûterait 2,5 milliards à l’économie de sa province et 1250 $ par famille. En coulisses, à Ottawa, on fait valoir que le stockage du carbone n’est pas obligatoire en Saskatchewan : il ne peut faire office de plan de lutte contre les changements climatiques.

La Nouvelle-Écosse martèle, de son côté, qu’elle a imposé un plafond d’émissions de GES au secteur de la production d’électricité, dont le prix a augmenté de 62 % depuis 2005. Une « taxe sur le carbone indirecte », fait valoir le premier ministre, Stephen McNeil. Sa province a déjà atteint la cible, fixée par Ottawa, de réduction, d’ici 2030, des GES de 30 % par rapport au niveau de 2005.
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