Langues officielles - Essentielle rengaine

Cour suprême: le bilinguisme des juges



De façon générale, les rengaines lassent le public. Attendu, le propos qu'elles contiennent ne choque ni n'ébranle même ceux dont il est question. Si juste soit leur contenu, elles risquent de sombrer dans l'indifférence la plus totale.
On aurait tort de recevoir le dernier bilan du commissaire aux langues officielles comme une banale rengaine, ce que font de toute évidence les autorités politiques. Année après année, elles accueillent ses critiques dans la plus spectaculaire insouciance, comme le confirme l'absence de changement.
L'actualité de la dernière année a fourni deux magnifiques exemples de ce que le commissaire Graham Fraser décrit comme une malheureuse incapacité du système à considérer la dualité linguistique comme une valeur. Il a tendance, hélas, à la porter comme un fardeau.
D'abord, les Jeux olympiques de Vancouver, où en dépit de promesses en or, le français a malgré lui fait bien piètre figure. Les athlètes ont beau être d'inspirants modèles fièrement bilingues, la langue française n'a même pas été inscrite à la cérémonie d'ouverture, hormis pour les présentations des sportifs et les déclamations officielles, inscrites en français au protocole des Jeux!
Ensuite, la fermeture du gouvernement Harper au bilinguisme des juges de la Cour suprême illustre magnifiquement l'incapacité des autorités responsables de reconnaître le bien-fondé du bilinguisme. M. Fraser croit essentiel le bilinguisme au plus haut tribunal du pays. Mais le ministre du Patrimoine, James Moore, ne voit pas la pertinence d'un critère de sélection associé à la langue. Il n'y voit que matière à «diviser» les Canadiens, et la poursuite d'un débat lassant.
Dans cette réaction se niche l'indifférence politique qui alimente les bilans du commissaire aux langues officielles: un soutien financier qui tarde tellement qu'il est presque vain au moment où il tombe; une décentralisation des responsabilités qui pourrait signer un recul — encore plus important! — de la dualité linguistique; une fonction publique qui n'applique pas les principes pourtant autorisés du bilinguisme.
Interrogés par le commissaire aux langues officielles sur la langue de travail, seuls 63 % des fonctionnaires francophones estiment qu'ils peuvent rédiger dans leur propre langue au travail, un droit que leur procure pourtant la Loi! Combien de francophones assistant à des réunions adoptent spontanément, et sans malaise, l'anglais au bénéfice d'une seule personne qui ne maîtrise pas le français? Un changement de culture s'impose, de part et d'autre.
Graham Fraser espère que l'autre langue soit perçue comme un «précieux avantage» plutôt qu'une obligation ou une concession forcée par la loi. Il faut toutefois croire à la richesse que procure cette dualité linguistique pour en être le promoteur et l'acteur. Ce n'est pas le cas du gouvernement conservateur, dont la passivité en cette matière démontre qu'il reçoit les critiques comme de plates rengaines qu'on entend pour oublier aussitôt.
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machouinard@ledevoir.com


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