Laïcité: 250 universitaires contre le projet de loi 21

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Souvenez-vous de ces noms : ce sont les collabos du régime fédéral


Nous, les 250 chercheurs, chercheuses, professeurs et professeures signataires de cette lettre, constatons avec regret que le projet de loi 21 constitue une atteinte aux droits fondamentaux et qu’il est discriminatoire. Alors que la Charte des droits et libertés de la personne constitue un socle fondateur de l’État de droit, le gouvernement prévoit d’y déroger de manière à l’affaiblir et à porter atteinte à des droits fondamentaux au nom d’une laïcité antireligieuse. Par cette manoeuvre, le gouvernement entend faire taire toutes possibilités de contestation, ce qui nous semble très préoccupant. D’autre part, ce projet conforte des préjugés envers les minorités religieuses et contribue à cibler des personnes sur la base de leurs croyances religieuses.


Il importe de rappeler que la base d’une société démocratique, ouverte et inclusive est l’égalité de toutes et de tous dans un État de droit. Or, ce projet de loi est basé sur un principe discriminatoire qui est le profilage des individus sur la base de la religion. Avant même d’être appliquée, de par les débats qu’elle autorise, cette loi contribue à stigmatiser des communautés et des individus déjà fortement affectés par le racisme et la discrimination, et plus spécifiquement les femmes musulmanes, les communautés juives et sikhes.


Quelle laïcité ?


Par ce projet de loi, le gouvernement entend interdire les signes religieux portés par des individus qui travaillent dans les institutions publiques. Le ministre Simon Jolin-Barrette assure que ce projet découle de la volonté de la nation québécoise et qu’il répond à un besoin social. Pourtant, comme plusieurs chercheurs et chercheuses l’ont montré, la plupart des controverses sociales autour de la laïcité se basent sur des préjugés à l’égard des minorités religieuses et sur des médiatisations polémiques de certaines affaires présentées à tort comme des accommodements raisonnables. Le gouvernement a la responsabilité de ne pas alimenter ces polémiques, qui ont principalement visé les personnes issues des minorités religieuses, racisées et de l’immigration.


Loin de toute neutralité, c’est le contraire que fait ce projet : valider les préjugés, profiler des groupes minorisés, alors même que ces groupes sont l’objet de pratiques et de normes discriminatoires tant dans les institutions publiques que sur le marché de l’emploi. Si le gouvernement assure qu’il ne vise aucun groupe particulier par ce projet de loi, les nombreuses recherches montrent que les communautés musulmanes, surtout les femmes qui en sont membres, sont les principales cibles de la discrimination et du racisme à la suite des polémiques sociales sur la laïcité.


Ce projet de loi, comme tous les précédents projets visant à restreindre le port des signes religieux, ne répond à aucun problème concret. La laïcité ne devrait pas servir de moyen idéologique pour profiler des individus ni pour appuyer des préjugés discriminatoires. Opposer le bon fonctionnement de l’État et la neutralité des institutions au port de signes religieux conduit à considérer comme suspects les individus et les communautés religieuses. Cela détourne la laïcité nécessaire des institutions vers le profilage des individus, qui ne seront jamais à l’abri du soupçon de porter « secrètement » des signes religieux. Finalement, cela ouvre la porte à des surenchères permanentes sur la définition et le repérage des signes religieux, des métiers ciblés et des sanctions à appliquer.


Alors que le climat sociopolitique au Québec pâtit des fortes polarisations et tensions sociales, la CAQ insiste sur la nécessité d’éviter les dérapages. Pourtant, ce projet de loi constitue en soi un dérapage politique tant il rendra acceptables l’atteinte aux droits fondamentaux et la discrimination des groupes déjà minorisés.


Ne pas céder aux préjugés


Par ailleurs, dans un climat politique où les crimes haineux visant les communautés musulmanes et juives connaissent une hausse sans pareil au Canada (le Québec, l’Ontario et l’Alberta étant les provinces les plus concernées par cette hausse), il est de la responsabilité du gouvernement de ne pas céder aux préjugés qui visent les communautés religieuses minorisées et racisées, et encore moins de les alimenter. Nous sommes particulièrement inquiets des conséquences de ce type de loi sur la banalisation des violences que subissent ces communautés.


Nous demandons le retrait de ce projet de loi discriminatoire. Compte tenu de l’état des recherches sur le racisme et la discrimination, nous encourageons le gouvernement à développer des politiques publiques inclusives qui luttent contre la discrimination en emploi et qui favorisent la participation publique des minorités, des politiques qui contribuent donc à une plus grande justice sociale.



Parmi les 250 signataires: Leila Celis, OIRD, UQAM; Paul Eid, OIRD, UQAM; Leila Benhadjoudja, OIRD, UOttawa; Vincent Romani, OIRD, UQAM; Micheline Milot, UQAM; François Crépeau, McGill; Sirma Bilge, UdeM; Daniel Weinstock, McGill; Maryse Potvin, UQAM; Charles Taylor, McGill; Céline Bellot, UdeM; Georges Leroux, UQAM; Cécile Rousseau, McGill; Victor Piché, UdeM; Martine Delvaux, UQAM; Christian Nadeau, UdeM; Ryoa Chung, UdeM; Rabkin Yakov, UdeM; Michèle Vatz Laaroussi, USherbrooke; Alia Al-Saji, McGill.

 









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