Non seulement Poutine n’est pas fou, mais ce grand homme d’État courageux, digne du tsar Pierre le Grand, est sur le point de mettre fin en Ukraine à la domination américaine, depuis 1945, dans le monde. Poutine est aujourd’hui le champion de la multipolarité. Le fait que la Russie, agressée économiquement par l’Occident, trouve un grand nombre de partenaires économiques dont la Chine, l’Inde, le Brésil et de nombreux pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Sud, soit plus des 2/3 de l’humanité, démontre la fin de la prépondérance politique, militaire et économique de l’Occident dans le monde. Si l’Ukraine connaît la défaite militaire, ce sera aussi la défaite de l’OTAN et de l’UE droit-de- l’hommiste, va-t-en-guerre, en raison de leur implication démesurée dans le conflit !
Quant aux sanctions économiques suicidaires de l’UE, Poutine a mis aussi en garde l’Occident : « Tout cela, une fois de plus, montre que les sanctions prises contre la Russie font beaucoup plus de dégâts dans les pays qui les imposent. Sans exagérer, la poursuite de cette politique de sanctions pourrait avoir des conséquences encore plus graves, voire catastrophiques sur le marché mondial de l’énergie ».
Lors d’un discours face à la Douma, le Parlement russe, Poutine a déclaré que « les choses sérieuses n’ont pas encore commencé en Ukraine ». Il semble donc que les troupes russes ne vont pas s’arrêter après la prise du Donbass. Le Président russe a même mis au défi les Occidentaux qui veulent défaire la Russie de le faire sur le champ de bataille : « Qu’ils essaient ! » a-t-il lancé. Il a aussi ajouté d’une façon ironique et réaliste : « Nous avons souvent entendu qu’ils voulaient se battre jusqu’au dernier Ukrainien et l’on semble aller dans cette direction. Une vraie tragédie pour le peuple ukrainien ».
Vladimir Poutine a aussi évoqué le « libéralisme totalitaire » occidental et estimé que l’offensive en Ukraine marquait le début d’une transition d’un monde marqué par « l’égocentrisme mondialisé américain vers un monde vraiment multipolaire ». Pour décocher enfin une pique à l’adresse de la pensée unique impérialiste occidentale : « Dans la plupart des pays, les gens ne veulent pas d’une telle vie ou d’un tel avenir. Ils sont fatigués de se mettre à genoux et de s’humilier devant ceux qui se croient exceptionnels », sous -entendu l’Amérique, l’OTAN, l’UE, les défenseurs de la pensée LGBT et « woke », les caniches atlantistes tels que Macron, von der Leyen et Scholz. Les paroles et l’action de Poutine trouvent un écho en Russie puisque sa cote d’approbation a augmenté ces dernières semaines, selon un avis unanime de tous les instituts de sondage, à plus de 75 % !
La crise ukrainienne est en fait l’aboutissement d’un projet de domination mondiale concocté depuis 30 ans par le mouvement néoconservateur américain. Il suffit de rappeler les frappes américaines en Serbie (1999), en Afghanistan (2001), en Irak (2003), en Syrie (2011) et en Libye (2011) ainsi que l’expansion sans fin de l’OTAN à l’Est, ce qui constituait une provocation inacceptable pour la Russie. Gardons toujours en mémoire les dessins satiriques cruels de vérité qui faisaient florès, représentant les bombes américaines lâchées sur les populations avec la mention : « Si vous ne venez pas à la mondialisation, la mondialisation viendra vers vous » ou bien « Si tu ne veux pas de la démocratie, la démocratie viendra à toi ».
Selon les préceptes du mouvement néo-conservateur, apparu dans les années 1970, les États-Unis doivent dominer militairement, économiquement et culturellement toutes les régions du monde. Ils doivent donc affronter toutes les puissances régionales montantes qui pourraient contester leur hégémonie. C’est la raison pour laquelle les seuls États-Unis, et non pas la Russie ni même la Chine, disposent de centaines de bases militaires dans le monde, la plus importante en Europe étant celle de « Bonsdsteel » au Kosovo. La pensée néo-conservatrice préconisant l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est a été exprimée pour la première fois en 2002 par Paul Wolfowitz. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN était présentée comme une exigence nécessaire et fondamentale. On oubliait donc la promesse explicite qui avait été faite en 1990 à Gorbatchev par le ministre allemand des Affaires étrangères de l’époque, Hans Dietrich Genscher, que la réunification allemande ne serait pas suivie par l’expansion de l’OTAN vers l’Est, tandis que Gorbatchev s’était époumoné à demander en vain la création d’une « Maison commune Europe ».
Gardons en mémoire les paroles historiques suivantes qui tuent, afin de bien comprendre l’enjeu de l’Ukraine pour l’Amérique impérialiste. Washington cherche à établir un protectorat américain en Europe avec l’OTAN en créant un ennemi russe artificiel qui devrait être au contraire l’allié naturel et complémentaire des Européens :
– Tout d’abord la maxime célèbre du premier secrétaire général de l’OTAN, Lord Hastings Ismay, qui avait pu dire en 1949 que l’OTAN avait été créée pour, faisant allusion à l’Europe, « garder les Américains dedans, mettre les Russes dehors et garder les Allemands sous tutelle (« To Keep the Americans in, the Russians out, and the Germans down »). On devrait remplacer les Allemands par « les Européens », pour actualiser en 2022 le texte, datant de 1949, de Lord Hastings Ismay.
– Au moment de l’effondrement de l’URSS, l’ambassadeur américain à Moscou, Robert S. Strauss, écrit à Washington : « L’évènement le plus révolutionnaire de l’année 1991 pour la Russie n’est pas l’effondrement du communisme, mais la perte de l’Ukraine ! »
– En 1997, Zbigniew Brezinski a écrit noir sur blanc dans le « Grand Échiquier » : « L’Amérique doit absolument s’emparer de l’Ukraine parce que l’Ukraine est le pivot de la puissance russe en Europe. Une fois l’Ukraine séparée de la Russie, la Russie n’est plus une menace. »
– Déclaration récente du grand politologue Alexandre Douguine : « Sans la victoire en Ukraine, c’est la fin de la Russie »
– Déclaration du Président tchèque Vaclav Klaus : « Prise en otage par l’OTAN, l’Ukraine est, depuis le début, uniquement un pion sur l’échiquier d’un jeu plus vaste. »
– Déclaration récente de l’ambassadeur de Chine à Paris : « On doit réfléchir sur la cause profonde de la guerre. D’après nous, Chinois, ce sont les cinq cycles d’expansion à l’Est. »
– Déclaration cruelle, récente et réaliste du président du Mexique : « Ce que font les Américains, c’est : on vous fournit les armes, vous fournissez les cadavres. »
Les néo-conservateurs partent du principe que la supériorité militaire, financière, technologique et économique des États-Unis leur permet de dicter leurs conditions dans toutes les régions du monde. Or, selon l’économiste et politologue Jeffrey Sachs, la réalité est exactement le contraire de ce qu’ils affirment : « C’est une position qui contient à la fois une arrogance considérable et un mépris des faits. Depuis les années 1950, les États-Unis se sont mis en difficulté ou ont perdu dans presque tous les conflits régionaux auxquels ils ont été impliqués. »
Il n’y a plus que l’ « Institute for the Study of War », un groupe de réflexion néo-conservateur fondé en 2007, ou bien la journaliste Laure Mandeville du Figaro, ou le journal « Le Monde » et tous les médias bien-pensants de la pensée unique, pour croire encore que l’Ukraine va gagner la guerre avec les milliards de dollars des États-Unis et les fournitures d’armes lourdes à l’Ukraine, dont les 18 canons Caesar de Macron, soit le quart des canons de l’armée française !
Il semble en fait que la Russie a déjà gagné la guerre dans le Donbass, les Ukrainiens mal équipés se rendant en masse et laissant du matériel sur place, suite à la puissance de l’artillerie russe et à la maîtrise du ciel par l’aviation de Poutine. La guerre se terminera probablement par la conquête complète de Novorossia le long des côtes de la Mer noire dont Odessa jusqu’à la Transnistrie, et par la prise de nouveaux territoires à l’Est du Dniepr, y compris Kharkov.
Si les Ukrainiens sont défaits dans la guerre par procuration qu’ils mènent pour le compte de l’Amérique, cela signifiera la fin de l’arrogance impérialiste des États-Unis et la fin des fantasmes néo-conservateurs. La défaite de la politique des sanctions économiques occidentales et la défaite militaire en Ukraine peuvent conduire à terme à l’explosion de l’OTAN, à un rapprochement nécessaire de la France avec la Russie, à l’avènement d’un monde nouveau multipolaire, à la concrétisation du rêve gaullien d’une Europe libre et européenne, au réveil des Européens et au début de la mise en œuvre d’une Europe Puissance, ce que souhaitait déjà le général de Gaulle dans sa fameuse déclaration prémonitoire, absolument géniale du 29 mars 1949 au Palais d’Orsay :
« Moi je dis qu’il faut faire l’Europe avec un accord entre Français et Allemands. Une fois l’Europe faite sur ces bases, alors on pourra songer une bonne fois pour toutes à faire l’Europe tout entière avec la Russie, aussi, dût-elle changer de régime. Voilà le programme de vrais Européens, voilà le mien ».
Conférence de presse du général de Gaulle au Palais d’Orsay, le 24 mars 1949
Marc Rousset
Auteur de Comment sauver la France/ Pour une Europe des nations avec la Russie