La position du Québec sur Trans Mountain irrite Ottawa et l’Alberta

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À la veille des élections, le régime libéral attaque l'Alberta

Le Québec s’attire des critiques du reste du Canada pour s’être immiscé dans la dispute historique entre l’Alberta et la Colombie-Britannique sur le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain.


Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jim Carr, s’est dit étonné mardi d’entendre Philippe Couillard soutenir qu’un feu vert d’Ottawa au projet d’acheminement de 325 millions de barils de brut par année sur la côte ouest n’enverrait « pas un bon signe pour le fédéralisme ». « [Le premier ministre québécois] se préoccupe du fédéralisme de collaboration, mais il n’aimerait pas beaucoup qu’une autre province lui dise qu’il ne peut pas exporter de l’hydroélectricité à l’échelle internationale », a déclaré M. Carr dans un impromptu de presse lundi.


En Alberta, le chef du Parti conservateur uni, Jason Kenney, s’est dit désolé de voir le gouvernement québécois « appuyer l’opposition » au projet Trans Mountain, soit le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique et les communautés autochtones. « Mais ils sont heureux de recevoir 12 milliards de péréquation cette année, [montant] en gros généré par l’industrie énergétique de l’Alberta », a-t-il fait valoir sur Twitter.


L’ancien député de Fort McMurray-Conklin, Brian Jean, a qualifié de « dégueulasse » et d’« immoral » l’appel en faveur d’une nouvelle procédure d’évaluation environnementale fédérale-provinciale lancé par le gouvernement québécois alors que Trans Mountain est menacé. Le Québec « attaque » ni plus ni moins l’Alberta, a soutenu l’ex-chef du Wildrose Party — et grand défenseur de l’industrie des sables bitumineux — sur Twitter, déclenchant un torrent de commentaires.


Au Québec, le ministre des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, appelait toujours lundi le gouvernement Trudeau à modifier le projet de loi visant à créer l’Agence canadienne d’évaluation des impacts (C-69) pour inclure un « processus d’étude [environnementale] conjoint » entre Ottawa et les provinces concernées par le projet à l’examen. « Les fonctionnaires provinciaux et les fonctionnaires fédéraux seront à une même table. Ils étudieront les projets en fonction de leur [propre] législation. Ils feront les recommandations que la loi leur impose de faire. Puis, les décisions seront prises. Conséquemment, il y aura plus de clarté et certainement plus de chance de développer l’acceptabilité sociale », a expliqué M. Fournier dans un entretien avec Le Devoir. M. Fournier demande du bout des lèvres à Ottawa de surseoir à sa volonté de déposer un projet de loi afin de ressusciter le projet Trans Mountain. « Il y en a déjà un projet de loi qui est à l’étude présentement », souligne-t-il. « Ce serait un message très positif pour tout le monde, incluant l’Alberta — qui s’est déjà plainte de l’imposition fédérale à une certaine époque —, si on ajoutait un processus clair qui permet de respecter les législations fédérales et provinciales. […] On a eu suffisamment de problèmes. Est-ce qu’on peut, pour l’avenir, proposer une autre voie ? » a-t-il demandé.


La réforme réclamée par Québec ne donnerait pas pour autant un droit de vie ou de mort sur un projet à une province au détriment d’Ottawa. « Je ne suis pas en train de donner des droits de veto », a précisé M. Fournier.


« Le critère, on le voit se dessiner : les provinces peuvent avoir un mot à dire pour ajouter des normes à portée générale, mais dès que ça a pour effet d’entraver la compétence fédérale, ça ne marchera pas », explique Patrick Taillon. Le professeur spécialisé en droit constitutionnel qualifie de « bizarre » la volonté du gouvernement fédéral de, « dans une loi, se déclarer compétent, alors que personne ne conteste sa compétence ». M. Taillon soupçonne Ottawa de chercher à « rassurer l’entreprise Kinder Morgan » et d’éventuels investisseurs. Le gouvernement fédéral peut difficilement clouer le bec à la Colombie-Britannique ou encore aux autochtones qui sont hostiles au projet Trans Mountain, souligne-t-il. « Rien ne va empêcher la Colombie-Britannique d’aller quand même devant le tribunal et de faire perdre au minimum quelques années » au projet, fait remarquer le juriste. « Dans tous les cas, le temps joue en faveur des opposants. »


Avec Marie Vastel et Hélène Buzzetti


LA RÉPONSE ALBERTAINE


Le bras de fer engagé entre l’Alberta et la Colombie-Britannique a encore gagné en intensité, lundi, le gouvernement de Rachel Notley ayant déposé un projet de loi pour permettre au ministère de l’Énergie de contrôler la quantité de pétrole, d’essence et de gaz naturel livrés à l’extérieur de la province. 


> La suite sur Le Devoir.



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