Si l'échelle de Richter nous renseigne sur l'importance des mouvements de l'écorce terrestre, qu'en est-il de la mesure des mouvements qui animent... notre société? Plus précisément, existe-t-il une mesure de notre exaspération collective sur certaines questions sociétales? Prenons-en une, comme ça, au hasard!
S'il est une question qui fait l'unanimité présentement, c'est bien la nécessité d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction. Notre niveau d'exaspération n'est-il pas à son comble? Le député Bertrand St-Arnaud a bien résumé le ras-le-bol collectif dans une question très directe au ministre Hamad le 11 mars à l'Assemblée nationale: «Allégations de collusion, travail au noir généralisé, fausses facturations, factures gonflées par des extras et maintenant des cas d'intimidation sur les chantiers: qu'est-ce que ça va prendre de plus?»
Les huit étapes des changements sociaux de l'artisan du changement Bill Moyer (Moyer's 8 stages of successful social movements. Turning the Tide, a programme of Quacker Peace and Social Witness) nous permettent de situer cette crise sur une échelle. Voyons de quoi il retourne.
Nous avons assurément dépassé l'étape 1: un problème existe, mais personne n'en est encore conscient. Quelqu'un ignore-t-il encore au Québec le désordre qui sévit dans l'industrie de la construction? L'étape 2 est formulée comme suit: une vague d'opposition s'amorce; elle doit montrer que les pouvoirs en place soutiennent le statu quo et empêchent le changement. Bon... là, on se reconnaît!
Allons voir l'étape 3: les conditions se détériorent, de nouveaux événements probants se manifestent. À n'en point douter, nous y sommes: chaque semaine amène son lot de surprises! Qu'en est-il alors, de l'étape 4? Un événement déclencheur vient mettre en lumière une violation de valeurs sociales profondes. La valeur d'un environnement sécuritaire pour tous n'a pas à être démontrée. Quand des citoyens trouvent la mort dans l'effondrement d'un viaduc ou que des ouvriers se font tabasser sur des chantiers, alors, oui, nos valeurs sociales sont heurtées de front.
Poursuivons. Étape 5: perception d'échec. C'est bien ici que plusieurs d'entre nous sont rendus, en effet. Après des mois d'appels sans relâche à son gouvernement, la société civile n'a toujours pas obtenu ce qu'elle réclame... Voyons l'étape 6: le mouvement devient un véritable combat à long terme qui galvanise l'ensemble de la société. Alors, n'est-ce pas bien ici que nous sommes? Radios, éditoriaux, reportages d'enquête, blogues, lettres aux journaux sont unanimes à dénoncer le braquage du gouvernement Charest. Quelle sera la suite? Étape 7: une soif de changement met en branle un processus inexorable menant au changement. Il devient plus coûteux pour le pouvoir en place de maintenir sa position que d'en adopter une nouvelle.
Morale: garder espoir et maintenir la pression. Si le gouvernement a changé d'avis sur la question de la confessionnalité des garderies, il pourra et devra le faire sur celle-ci. Quand on a les deux mains sur le volant, on a tout le loisir de changer de direction!
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Louis Langelier - Étudiant à l'UQAM en responsabilité sociale des organisations
La mesure de l'exaspération sociale
Nécessité d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction
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