La haute direction de l'UPAC « joue une game politique », accuse Lino Zambito

A9264b051ec92a5ae103b07eca9e291a

La «game politique» de l'UPAC


Dans des entrevues accordées jeudi à Radio-Canada à l'occasion de la publication de son livre intitulé Le témoin, l'ancien entrepreneur en construction déplore les « relations malsaines » que l'UPAC entretient avec le bureau du premier ministre du Québec.

Après quatre ans de collaboration avec l'UPAC, et 35 rencontres avec ses enquêteurs, M. Zambito dit avoir longtemps espéré que la haute direction de l'UPAC « ferait [sa] job correctement », avant de déchanter.

[Mon livre] est une façon polie de dire aux dirigeants de l'UPAC qu'ils ont le mandat clair de faire le ménage dans l'industrie de la construction et dans le financement politique des partis provinciaux. Je trouve qu'ils ne le font pas. C'est une façon polie de leur dire de se réveiller et d'assumer leurs responsabilités.

Lino Zambito

« Je me suis aperçu que les enquêtes étaient mises sur des bureaux et qu'elles ne débouchaient pas », explique-t-il. « La seule façon de donner ma version et de poser des questions [...], c'est d'écrire les faits dans un livre. »

Les enquêteurs de l'UPAC font un « excellent travail », précise M. Zambito, mais « la haute direction de l'UPAC [...] décide de finaliser certains dossiers et de ne pas amener des accusations dans d'autres dossiers. »

La haute direction de l'UPAC [...] joue une game politique. Il y a des relations malsaines avec le bureau du premier ministre. On décide de temps en temps d'accuser une personne [...] On tente de faire baisser la pression médiatique. [...] Ils ont la preuve pour arrêter beaucoup plus de monde qu'ils ne l'ont fait.

Lino Zambito

M. Zambito soutient par exemple qu'un enquêteur de l'UPAC dans un dossier lié à la Ville de Boisbriand lui a confirmé lors de son passage à la commission Charbonneau que ses supérieurs avaient fait pression pour qu'il soit arrêté. « Lui a tout le temps voulu me rencontrer, et on lui a dit : "non, tu vas l'arrêter" », relate-t-il

« Quand il y a nécessité, ils sont prêts à frapper », poursuit-il, en disant tenir pour preuve l'arrestation de l'ex-ministre libérale Nathalie Normandeau, survenue en mars dernier, alors que le patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, sollicitait un nouveau mandat.

L'enquête s'est faite en deux mois, ça pressait. Il y avait urgence. J'ai été rencontré le 23 décembre, le 5 janvier. Ils sont venus chez nous, [déclaration assermentée] KGB, notaire. [...] J'ai dit aux enquêteurs sur le terrain : "votre boss a besoin de renouveler sa job?". Ils se sont mis à sourire.

Lino Zambito

L'UPAC affirme pour sa part que cette arrestation résulte de la fusion des opérations Joug et Lierre, ouvertes en 2014, avant d'être fusionnées.

Couillard nie toute ingérence

À l'Assemblée nationale, le premier ministre Philippe Couillard a nié toute ingérence de son cabinet dans les enquêtes de l'UPAC. « Jamais, jamais il n'y a quelque communication entre mon cabinet et les forces policières au sujet de l'enquête », a-t-il dit. « Il y a, comme c'est normal que ce soit le cas, des contacts pour les vérifications de sécurité qui entourent les nominations de membres du Conseil des ministres, ce qui est tout à fait régulier, normal. »

M. Couillard répondait à une question du chef péquiste, Jean-François Lisée, qui réclamait que des vérifications soient faites. Dans un point de presse tenu plus tôt en journée, M. Lisée disait être « énormément troublé » par les allégations de M. Zambito sur ces liens. M. Lisée disait espérer que l'UPAC ne soit pas sous influence politique, mais soutenait que les dires de M. Zambito « ouvrent des pistes que c'est peut-être pas le cas ». 






Quand la commission Charbonneau fait l'impasse sur le financement politique

M. Zambito soutient également que la commission Charbonneau a effectué du bon travail pour débusquer des rouages des systèmes de collusion et de corruption mis en place au niveau municipal, mais pas en ce qui concerne le financement politique.

Il dit cependant avoir été surpris de constater que l'ancien grand argentier libéral Marc Bibeau et l'ex-premier ministre Jean Charest n'aient pas été appelés à témoigner.

« Pourquoi on ne l'a pas fait? Pour des raisons politiques? », lui a demandé l'animateur Alain Gravel, jeudi matin, à son émision de radio. « Je ne vois pas d'autre raison. [...] La question se pose sur pourquoi on ne l'a pas fait », répond M. Zambito.

Il déplore du coup qu'un ancien conseiller de M. Charest, Alain Lauzier, ait agi comme conseiller de la commission. « J'ai un problème avec ça », dit-il, en rappelant qu'il y avait un « problème flagrant » avec le financement du PLQ. « Comment voulez-vous qu'on aille au fond de ce sujet-là? »

On veut faire des exemples avec des personnes ciblées, mais les responsables, le système de financement politique au Parti libéral, c'est Bibeau qui le pilotait. Et il avait un chef qui était Jean Charest. Et ces gens-là semblent être protégés par l'UPAC.

Lino Zambito

L'influence de Marc Bibeau


Dans la mire de l'UPAC, Marc Bibeau, est décrit par les dénonciations liées aux mandats de perquisition comme étant « le grand argentier du PLQ ».


Dans la mire de l'UPAC, Marc Bibeau est décrit par les dénonciations liées aux mandats de perquisition comme étant « le grand argentier du PLQ ».

L'ex-entrepreneur soutient avoir été frappé de constater l'influence qu'avait Marc Bibeau dans un évènement politique tenu à Laval en 2009. M. Zambito lui avait alors demandé de l'aider à faire débloquer un projet d'infrastructures à Boisbriand.

L'argentier libéral aurait accepté sans détour, étant donné que M. Zambito lui avait précédemment rendu un service en participant à convaincre la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Milles-Îles de reconduire un bail qu'elle avait dans un édifice lui appartenant.

M. Bibeau aurait alors appelé le chef de cabinet de Jean Charest, Dan Gagnier, au grand étonnement de M. Zambito. Le contrat qu'il souhaitait faire débloquer était d'une valeur de 4 millions de dollars, ce qui ne justifiait pas d'appeler au bureau du premier ministre, selon lui.

L'affaire aurait été réglée en « cinq minutes », et le dossier aurait effectivement été débloqué quelques semaines plus tard. 

Marc Bibeau lui aurait alors lancé : « Quand on forme un Conseil des ministres, on est cinq dans le war room. Je suis un des cinq et les ministres le savent. J'ai du poids. Quand on a besoin qu'un dossier se règle, ils sont mieux de bouger ».

M. Zambito n'est guère surpris que Marc Bibeau ait d'ores et déjà nié avoir tenu ces propos. « Écoutez, ça fait six ans qu'il nie tout ce qu'il fait, tout ce qu'on révèle sur lui », laisse-t-il tomber.

La mairesse de Boisbriand dans la ligne de mire


La mairesse de Boisbriand, Marlène Cordato


La mairesse de Boisbriand, Marlène Cordato (archives)

Lino Zambito a lui-même plaidé coupable à six chefs d'accusation de fraude, de complot et de corruption, après avoir admis avoir illégalement financé le parti de l'ex-mairesse de Boisbriand Sylvie St-Jean en échange de contrats pour sa firme, Infrabec. Il a écopé d'une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité.

En entrevue à Gravel le matin, il a expliqué qu'il venait tout juste de purger sa première année, au cours de laquelle il ne pouvait sortir de chez lui sans prévenir un agent de probation. Depuis minuit, et pour la prochaine année, il peut maintenant sortir librement pendant le jour, mais demeure soumis à un couvre-feu entre 22 h et 6 h.

L'ancien entrepreneur en construction se prépare aujourd'hui à donner des conférences pour inciter la population à s'engager dans la lutte contre la corruption et « à talonner le gouvernement Couillard pour qu'on fasse le ménage correctement ».

Il dénonce notamment que la mairesse de Boisbriand, Marlène Cordato, soit toujours en poste, bien que son rôle dans les histoires de corruption touchant sa municipalité soit consigné dans une déclaration conjointe des faits acceptés dans le cadre du procès de l'ex-mairesse, Sylvie St-Jean. 

« Dans cette déclaration-là, la Couronne accepte que Cordato en 2006 a [pris] part à un système de corruption à Boisbriand. Elle a favorisé la firme d'ingénieurs Genivar et le bureau d'avocats Dunton Rainville. C'est écrit blanc sur noir. Et il y a un juge qui a accepté ça. »

« C'est inacceptable que cette dame-là soit encore à la tête d'une ville », dénonce M. Zambito « Faut que la population se prenne en main, que la population réagisse. Faut faire changer ces mœurs au Québec. »

Cette déclaration n'implique cependant pas une reconnaissance des faits de la part de la mairesse, qui nie avoir participé à un système de collusion. En entrevue à La Presse, elle accuse M. Zambito d'agir par vengeance parce qu'elle l'a dénoncé à la police.



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé