La France dans le viseur des manifestants anti-laïcité à Montréal, les islamistes en embuscade

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Le Québec au centre de la presse internationale pour son combat contre le multiculturalisme canadien


Le projet de loi phare de la mandature de François Legault continue de provoquer des remous dans la Belle Province. A Montréal, des Québécois ont défilé contre l'initiative gouvernementale, scandant que la France ne devait pas être prise en exemple.


«Le Québec c'est pas la France, vive la différence !» : tel est l'un des slogans scandé en masse 7 avril à Montréal où des milliers de personnes ont manifesté leur opposition au projet de loi controversé du gouvernement Legault. Celui-ci entend interdire le port de signes religieux ostentatoires à tout employé de l'Etat en position d'autorité : policiers, notaires, enseignants ou encore certains membres de l'administration. Cette loi ne s'appliquerait pas en revanche aux personnes déjà en poste, conservant un «droit acquis» tant qu'ils occupent «la même fonction dans la même organisation».


Cette dérogation n'a empêché plusieurs milliers de Montréalais de défiler le 7 avril, accusant notamment l'exécutif québécois de «racisme», et usant de slogans choc contre le projet de loi 21 – abrégé «PL 21» – du gouvernement Legault.


Les manifestants ont également scandé de nombreux propos hostiles à la loi française sur la laïcité, présentée comme un épouvantail, l'accusant d'être «discriminatoire» et «islamophobe». Selon ces manifestants, la loi française de 1905 ne doit pas être une inspiration pour le Québec, au contraire.


Deux prédicateurs controversés à l'origine des manifestations


Si des personnes de confessions juive et sikhe étaient présents lors de la manifestation, l'écrasante majorité étaient des musulmans. Leur réthorique anti-française est principalement attisée par deux figures de l'islamisme radical québécois.


En première ligne et l'un des organisateurs de la marche, le prédicateur controversé Adil Charkaoui a tenu un discours en compagnie du président du conseil musulman de Montréal, Salam Elmenyawi, à l'appel du Collectif canadien anti-islamophobie. Les deux hommes ont également donné la parole à deux rescapés de la tuerie de Québec qui avait fait six victimes dans une mosquée en janvier 2017. Le tout rythmé de «Allah akbar» (Dieu est le plus grand), repris en cœur par la foule.


Le premier, déjà à l'origine d'une manifestation en septembre 2013 contre le projet de Charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois, a prévenu : «Personne ne va nous dicter comment vous habiller ou comment travailler», fustigeant une «loi discriminatoire et anti-hijab». L'homme est bien connu des Québécois. Imam controversé et président du Collectif québécois contre l’islamophobie, il a été soupçonné en 2003 d’être affilié à al-Qaïda puis a été incarcéré pendant 21 mois avant de porter un bracelet électronique. Naturalisé canadien en 2014, Adil Charkaoui est accusé l'année suivante d'avoir participé à la radicalisation de jeunes québécois partis pour la Syrie, par le biais du centre communautaire islamique Assahaba qu'il dirige.


Sur les réseaux sociaux, celui qui est également co-fondateur de l’Institut des sciences islamiques de Montréal, vilipende la situation que vivent selon lui les Français musulmans. S'adressant à «ceux et celles qui pensent que la clause des droits acquis va protéger les droits des enseignantes en fonction aujourd'hui», le religieux les invite à se «rappeler la progression de l’interdiction du voile en France». 


Dans un autre tweet, il, prévient les Québécois musulmans «qui se disent non concernés car l'interdiction touche uniquement les fonctionnaires "en position d'autorité"». «Dites-vous qu'en France, ils ont commencé par cibler le niqab pour finir avec les jupes longues des écolières», justifie-t-il. Une référence à la loi française de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public ainsi qu'à l'accusation en 2016 d'une jeune Française convertie à l’islam qui estimait que son lycée l'avait exclue en raison d’une jupe trop longue perçue comme un signe religieux.


Le second, Salam Elmenyawi a défrayé la chronique à de nombreuses reprises. En 2004, il réclamait l'instauration d'une instance d'arbitrage et de médiation qui rendrait ses décisions en vertu de la charia, la loi islamique. Dans le cadre des auditions du projet de loi 59 portant sur les discours haineux ou incitant à la violence, il a également appelé de ses vœux en 2015 une loi interdisant explicitement à quiconque de se moquer de la religion – en l'occurrence l'islam – et particulièrement du «prophète».


Le vice-directeur du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, David Ouellette, a d'ailleurs refusé de participer à la manifestation à cause du profil sulfureux de ses organisateurs, qu'il a qualifiés «d’intégristes religieux radicaux» à la «rhétorique incendiaire».


Légiférer sur la laïcité : une antienne de la vie politique québécoise


La célèbre commentatrice Denis Bombardier a elle commenté dans un billet intitulé «La haine dans les rues de Montréal», publié sur le site du Journal de Montréal : «Si la manifestation de dimanche, où flottaient des drapeaux algériens, où s’affichait un bilinguisme généralisé, où même des fillettes étaient voilées et où un imam s’est adressé en arabe et en anglais à la foule d’où sortaient quelques voix criant "Allah akbar", est une indication du type des relations communautaristes à venir, il y a péril en la demeure au Québec.»


 

Cette initiative de l'exécutif – une des promesses de campagne de la formation politique du Premier ministre, la Coalition avenir Québec (CAQ) – visant à doter la province d'une législation encadrant le port des signes religieux ostentatoires, est une antienne de la vie politique québecoise. Il y a plus de dix ans, les recommandations de la Commission Bouchard-Taylor – connue sous le nom de Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles – avaient déjà suscité de nombreux débats.



C'est du nettoyage ethnique, pas avec un fusil, mais avec une loi. C'est raciste et c'est ignoble



Cette fois, alors que François Legault appelait de ses vœux un débat «sans dérapages», une atmosphère délétère s'est emparée des rives du fleuve Saint-Laurent. Le chef du gouvernement canadien, Justin Trudeau, a en effet affirmé que le texte était «impensable» dans une «société libre» et qu'il légitimait «la discrimination contre des citoyens en raison de leur religion». La maire de Montréal, Valérie Plante, s'est elle dite «très préoccupée par le message qu'envoie ce projet de loi», qui porte selon elle «atteinte aux droits fondamentaux de certains individus». Preuve de l'hystérie qui entoure désormais ce débat, William Steinberg – maire de Hampstead, une commune de l'agglomération montréalaise – a défrayé la chronique le 5 avril en accusant le gouvernement québécois de «nettoyage ethnique». Enjoint à s'excuser, l'édile en a remis une couche, expliquant qu'il parlerait plutôt désormais de «nettoyage ethnique pacifique». 


«C'est du nettoyage ethnique, pas avec un fusil, mais avec une loi. C'est raciste et c'est ignoble», s'est-il défendu, ajoutant lors d'une conférence de presse appelant à manifester de nouveau le 14 avril : «C'est une tentative d’expulser ceux qui pratiquent des religions minoritaires, ne laissant que des non-croyants et des chrétiens au Québec» Réitérant son appel à débattre «dans un climat serein», le Premier ministre François Legault a réagi : «Les Québécois sont des gens accueillants, les Québécois ont le droit de demander qu'au Québec, les personnes qui travaillent pour le gouvernement qui sont en autorité ne portent pas de signes religieux. C'est raisonnable et modéré [...] c'est une demande qui est légitime.»


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