TORTURE

La CIA reconnaît avoir utilisé des méthodes répugnantes

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... Mais n'exprime pas le ferme propos de ne plus recommencer

Le directeur de la CIA John Brennan a reconnu jeudi que certains de ses agents avait utilisé des méthodes d’interrogatoire « répugnantes » après le 11-Septembre tout en jugeant impossible de dire si elles avaient été utiles pour obtenir des informations.

« Il n’y a aucun moyen de savoir si certaines informations obtenues [grâce à ces méthodes], pourraient avoir été obtenues pas d’autres moyens », a déclaré le chef de l’agence du renseignement américaine lors d’une conférence de presse exceptionnelle au siège de la CIA retransmise en direct à la télévision, une première dans l’histoire américaine.

Refusant d’utiliser le mot de torture — « je laisse à d’autres le soin de qualifier ces activités » —, M. Brennan a estimé qu’à de nombreux égards, la CIA avait « navigué en terrain inconnu » après les attentats du 11 septembre 2001. « Nous n’étions pas préparés. Nous avions peu d’expérience dans la détention de prisonniers et peu d’agents avaient été formés aux interrogatoires », a reconnu cet ancien espion, en première ligne depuis des années dans la lutte contre al-Qaïda. S’il n’a pas condamné le programme d’interrogatoire en tant que tel, il a jugé que certains agents étaient sortis du cadre qui leur avait été fixé.

Après la publication mardi d’un rapport parlementaire accablant pour son agence, M. Brennan a souligné que la CIA avait entrepris de nombreuses réformes pour éviter que ce type de dérives ne se reproduisent. Il a cependant contesté l’idée, avancée par la minutieuse enquête sénatoriale qui provoqué une onde de choc à travers le monde, selon laquelle l’agence aurait trompé le public et les responsables politiques.

Après une déclaration de plusieurs minutes retraçant les conditions dans lesquelles la CIA avait réagi après le traumatisme du 11-Septembre, M. Brennan a répondu aux questions en pesant ses mots avec soin, prenant garde de ne pas se placer en porte-à faux vis-à-vis du président Barack Obama. Le président américain, qui a mis fin à ce programme dès son arrivée à la Maison-Blanche en 2009, a jugé que les méthodes utilisées contre les détenus, « que toute personne honnête devrait considérer comme de la torture », étaient contraires aux valeurs des États-Unis.

Dianne Feinstein, présidente démocrate de la Commission du renseignement du Sénat, qui a rédigé ce rapport explosif, a répondu point par point, sur Twitter, au patron de la CIA pendant qu’il s’exprimait.

Plusieurs ténors républicains estiment que sans ces interrogatoires, la CIA n’aurait pas compris le rôle central du messager d’Oussama ben Laden, qui a conduit la CIA au chef du réseau extrémiste. Pour les auteurs du rapport, l’assertion est exagérée : de nombreuses autres sources pointaient vers cet homme.

Depuis la publication du rapport, la Maison-Blanche refuse obstinément de se prononcer sur la question de l’efficacité de la torture en vue d’obtenir des informations sensibles. « La question la plus importante est aurions-nous dû le faire ? et la réponse à cette question est non », a répondu Josh Earnest, porte-parole de l’exécutif américain, interrogé à de nombreuses reprises sur le sujet, tout en réaffirmant que M. Obama conservait toute sa confiance à M. Brennan.

Arrivé en mars 2013 à la tête de la puissante agence du renseignement, ce dernier était l’une des personnes présentes autour du président dans le sous-sol de la Maison-Blanche le jour où Oussama ben Laden a été tué, le 2 mai 2011, par un commando américain, un instant immortalisé par une célèbre photographie officielle.

Les réactions indignées se sont poursuivies jeudi. La Russie a ironisé sur la « prétention » des États-Unis à donner des leçons de démocratie. « Le contenu [du rapport] est choquant », a souligné le délégué pour les droits de la personne au ministère russe des Affaires étrangères, Konstantin Dolgov. Le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch, a de son côté ironisé sur les failles des États-Unis, qui « affirment partout qu’ils sont exceptionnels ».

La Turquie a jugé que les traitements décrits par le Sénat américain étaient « inacceptables et inhumains ».

Le rapport décrit comment des détenus ont été attachés pendant des jours dans le noir, projetés contre les murs, plongés dans des bains glacés, privés de sommeil pendant une semaine, frappés. Khaled Cheikh Mohammed, cerveau présumé du 11-Septembre, ingérait et inspirait tellement d’eau pendant ses séances de « waterboarding » (simulation de noyade) qu’il a fini « quasiment noyé », souligne le document.

L’ancien vice-président, Dick Cheney, en poste sous George W. Bush entre 2001 et 2009, a lui jugé mercredi soir que le rapport du Sénat était « plein de conneries ». « Nous avons fait exactement ce que nous devions faire pour mettre la main sur ceux qui avaient préparé le 11-Septembre, et pour empêcher d’autres attentats », a-t-il martelé.


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