La «catho-laïcité» de la CAQ...

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Quand est-ce que la gauche comprendra que les Québécois ne veulent pas de la laïcité, mais seulement la neutralité des agents de l'État ?


On en vient qu’à se demander si les troupes de François Legault ne font pas exprès pour faire avorter le projet de laïcité!  


À force d’incohérences...  


Lors des élections de 2015 au fédéral, Justin Trudeau avait frappé un grand coup à la fin de la campagne électorale en promettant un changement de mode de scrutin. On se souvient de sa bravade devant des troupes en liesse : «ceci est la dernière élection sous un mode de scrutin uninominal à un tour!» (First past the post en anglais)  


Une fois bien installé au pouvoir, largement majoritaire avec 39% des voix, tout à coup cette promesse phare de sa campagne électorale est devenue encombrante. Certains se sont même demandé si les Libéraux y avaient déjà cru.   


À force d’incohérences dans la mise en œuvre de cette promesse – comme la mise sur pied d’un comité pour étudier une question de démocratie où le parti au pouvoir s’arroge la majorité décisionnelle – le projet est rapidement sombré dans les oubliettes.   


Un an après son élection, le PM Trudeau a ouvert son jeu. La promesse de changer le mode de scrutin ne pouvait se faire «que si cela récoltait une approbation large dans la population». Or, selon le premier ministre , le taux d’approbation de son gouvernement était si grand à l’époque que rien ne justifiait un tel changement. «La volonté d’un tel changement n’y est tout simplement pas», avait-il dit pour se dédouaner de sa promesse.  



Le premier ministre François Legault et la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy

Caricature d'Ygreck




Laïcité : les incohérences de la CAQ  


C’est un difficile début d’année pour François Legault. Plusieurs ministres ont commis des bourdes et le chef de la CAQ se retrouve souvent sur la défensive.   


À peine avait-il fini de digérer la tourtière du temps des Fêtes qu’il se vît contraint de montrer la parte à sa ministre de l’Environnement. Mais cela n’a pas empêché le ministre de l’Agriculture de faire un fou de lui. Ou à sa vice-première ministre de lancer des messages contradictoires sur la question de l’islamophobie.  


Déjà, la position de la CAQ concernant le crucifix (et autres symboles qui l’entourent) à l’Assemblée nationale sent l’opportunisme politique à plein nez. Tout pour protéger ce vieux fond conservateur catholique qui a largement appuyé le parti de François Legault.   


Je le répète, rien ne justifie que les députés d’une Assemblée nationale qui marque le changement, fondamental, pour la laïcité, siègent à l’ombre du plus puissant symbole religieux de son histoire.   


Comment ensuite justifier que l’on demandera à un enseignant qui porte la kippa ou une enseignante qui porte le voile de respecter le principe de la laïcité au seuil d’une école laïque quand les députés continuent de siéger à l’aune du crucifix.   


Mais voilà que le ministre de l’Éducation en rajoute une couche. Pour justifier que la CAQ projette d’exclure les écoles privées subventionnées de l’arc de son projet de loi sur la laïcité, Jean-François Roberge argue que c’est parce que «les parents qui envoient leurs enfants au privé font ce choix par attachement aux valeurs religieuses».   


Pardon? Non, mais je rêve ou quoi?   


Le porte-parole du ministère a tempéré plus tard, mais quand même!  


Le gouvernement subventionne les écoles privées à hauteur de 60%, leur nombre explose – au détriment de la qualité du système public le plus souvent, rappelons-le – et la CAQ projette d’exclure cette part non négligeable du système d’éducation du projet de laïcité?   


L’explication du ministre Roberge : «Énormément d'écoles privées sont des écoles qui ont été fondées par des religieux et sont des écoles dont la clientèle fait le choix... parce qu'ils souhaitent que l'école transmette certaines valeurs religieuses.»  


Un peu de cohérence bordel!   


Où le gouvernement cesse de subventionner ces écoles religieuses au nom de la laïcisation du système d’éducation; ou ces écoles sont assujetties aux mêmes règles que les autres, car elles sont financées majoritairement par le public!   


La «transmission de valeurs religieuses» peut très bien se faire en dehors du cadre scolaire; c’est d’ailleurs un ancrage d’une société laïque, cette séparation assumée, préférable, de l’école et de la religion.  


Ah oui... j’oubliais. C’est que la majorité de ces écoles privées subventionnées sont catholiques au Québec.   


Considérons ceci :   


«À ce sujet, le document intitulé «Le fait religieux dans des écoles privées du Québec» est à lire absolument. Il fait rapport d’une étude menée par le Comité sur les affaires religieuses, du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), de 2010 à 2012.  


Ce rapport a permis de tracer un portrait d’ensemble bourré d’informations pertinentes. On apprend ainsi que 71% des élèves du réseau privé fréquentent des écoles se rattachant à une tradition religieuse ou à une communauté de foi. Ces écoles forment 55% du total des écoles privées.  


L’une des premières constatations de ce rapport est l’importance des effectifs des écoles catholiques. Ils accueillent 86% des élèves qui fréquentent une école confessionnelle. La seule augmentation des effectifs des écoles catholiques au cours des douze dernières années (15 366 élèves) est supérieure au nombre total d’élèves fréquentant toutes les autres écoles confessionnelles (12 655).  


Ainsi, les écoles des minorités religieuses (juives et musulmanes) accueillent relativement peu d’élèves (1,3% de la totalité des 995 233 élèves du Québec). De plus, la majorité des enfants issus de ces minorités ne fréquentent pas des écoles privées religieuses de leur confession.»   



Le premier ministre François Legault et la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy

PHOTO D'ARCHIVES, STEVENS LEBLANC




La laïcité selon la CAQ : un gruyère qui favorise les catholiques  


La CAQ est en train de nous concocter un beau projet de «catho-laïcité» fait sur mesure pour contenter la majorité historique de confession catholique. Une laïcité en forme de gruyère qui sera très accommodante pour les catholiques et discriminante pour les autres.  


Si on continue dans cette voie, ce projet de loi sera si «divisif» et incohérent qu’il risque de créer une opposition légitime à son institution. La laïcité institutionnelle n'aura de légitimité que si elle s'applique à tous de façon égale et non-discriminatoire.    


À force d’incohérences, la CAQ aura fini par faire avorter la laïcité.