Publication d'un livre controversé

La Caisse est ulcérée, l'auteur persiste

L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau

Alexandre Shields - Le livre La Caisse dans tous ses états, très sévère envers la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec sous la gouverne de Henri-Paul Rousseau, est de nouveau sur les tablettes des librairies, après en avoir été retiré pendant quelques jours à la suite d'une mise en demeure. L'institution n'en dément pas moins certains propos de son auteur, qui réplique que son ouvrage est tout à fait crédible.
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[->19856]La Caisse dans tous ses états, le livre censuré de Mario Pelletier

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Visiblement ulcérée par la publication de La Caisse dans tous ses états, qui en dresse un portait très critique, la Caisse de dépôt et placement du Québec a senti le besoin de réaffirmer, hier, l'exactitude de ses états financiers. Elle exige d'ailleurs que l'auteur retire certains des propos qu'il tient dans l'ouvrage qui vient à peine de paraître, ce qu'il refuse de faire.
«L'exactitude des états financiers revêt pour la Caisse un caractère crucial qui ne doit laisser aucune place à l'ambiguïté, a valoir le porte-parole de Caisse, Maxime Chagnon. Alléguer qu'ils peuvent être manipulés est non seulement faux mais aussi de nature à porter gravement préjudice à l'intégrité de l'institution.» La Caisse a d'ailleurs assuré par voie de communiqué que tous les états financiers sont préparés «selon les principes comptables généralement reconnus du Canada». Ils sont aussi vérifiés par le Vérificateur général du Québec.
Ce qui n'empêche pas l'auteur, Mario Pelletier, d'affirmer que «plusieurs actifs, notamment Vidéotron, ont été dépréciés à la fin de 2002 de manière importante de façon à améliorer les résultats des années subséquentes». «C'est très très grave et on ne peut pas laisser passer ça», a ajouté M. Chagnon.
L'auteur du livre, qui suit les activités de la Caisse depuis plusieurs années, soutient en effet qu'après l'arrivée de Henri-Paul Rousseau, en septembre 2002, «beaucoup d'actifs se sont retrouvés dépréciés outre mesure, notamment Vidéotron à la fin de 2002». Dans ce cas, il chiffre la dépréciation à 85 %, «alors que, dans les livres de Quebecor, on l'avait dévalué de 65 %. C'est une différence de 20 %».
«Par contre, comme par magie, ces actifs sont revenus à leur juste valeur à la fin de 2003, ajoute M. Pelletier dans son ouvrage publié à compte d'auteur aux Éditions Carte Blanche. La beauté de la chose, c'est que cela contribuait à rehausser le rendement de la première année complète de l'administration Rousseau. Le magicien du rendement était déjà à pied d'oeuvre.» L'auteur se montre d'ailleurs très sévère, et ce, à plusieurs reprises, envers la gestion qui prévalait sous la gouverne de M. Rousseau.
Chez les libraires
Le livre, arrivé chez les libraires jeudi dernier, a immédiatement été retiré des tablettes à la demande de l'éditeur, qui avait reçu une mise en demeure de la part de la Caisse de dépôt et placement. On y exigeait d'insérer dans l'ouvrage une lettre contenant un certain nombre de rétractations sur certaines allégations, a précisé M. Chagnon. «On voulait s'assurer que l'auteur et la maison d'édition prennent les moyens pour se rétracter, a-t-il ajouté. Il n'a jamais été demandé que le livre soit retiré.»
Le lendemain, on demandait plutôt à M. Pelletier de se rétracter officiellement, ce qu'il a refusé de faire. Hier, les livres étaient de nouveau en vente et M. Chagnon a simplement indiqué que la Caisse évaluait la possibilité d'entreprendre d'autres recours, sans préciser lesquels.
Mario Pelletier n'en démord pas pour autant. «Je ne crains aucune sorte de recours possible, a-t-il dit hier. C'est déjà odieux ce qu'ils ont tenté de faire. Ils ont réussi à geler le livre pendant la fin de semaine, quelques jours avant que M. Rousseau comparaisse en commission parlementaire. Je pense que, politiquement, c'était un geste qui visait à ce que ça ne sorte pas trop avant qu'il comparaisse. Je ne vois pas d'autre raison d'agir aussi excessivement.»
HPR nie les allégations
Rejetant l'idée qu'il ait voulu se lancer dans une vendetta contre Henri-Paul Rousseau, il estime au contraire que son travail repose sur des «sources très crédibles». En commission parlementaire, l'ancien p.-d.g. de la Caisse a toutefois répliqué que les allégations contenues dans le livre étaient complètement fausses.
Pour la députée péquiste Véronique Hivon, cette situation dénote surtout l'incohérence du gouvernement en matière de poursuite-bâillon. «Pendant que la ministre [de la Justice Kathleen Weil] se targue de défendre la liberté d'expression et la participation aux débats publics de citoyens, une société d'État telle que la Caisse de dépôt et placement fait travailler ses avocats pour imposer le silence à un homme et à une maison d'édition qui s'exprimaient sur les agissements de la Caisse de dépôt», a fait valoir Mme Hivon.
La ministre Weil, qui s'apprête à faire adopter mardi prochain une loi anti-SLAPP, a simplement indiqué qu'il n'y avait toujours aucune poursuite intentée pour le moment.


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