La mauvaise qualité du français au Québec atteint désormais les plus hautes sphères de la société où même les professeurs d’université ne maîtrisent plus leur langue. Une situation qui semble laisser dans l’indifférence une institution qui fait pourtant de la défense du français et de sa qualité une mission officielle, l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Dans une conférence scientifique organisée par et à l’UQAM, le mois dernier, à l’intention d’un nombreux auditoire francophone issu du grand public et des rangs estudiantins, deux chercheurs québécois francophones de calibre, rompus à l’enseignement universitaire et formés en français au Québec, ont massacré la langue française sans qu’on ne s’en émeuve parmi les responsables de l’institution d’enseignement.
L'un et l'autre conférencier ont abreuvé leurs auditeurs de fautes de grammaire et d'orthographe multiples -- jusqu'à quatre ou cinq dans un même court paragraphe -- en plus d'inventer carrément des mots tirés la plupart du temps de l'anglais, sans compter l'usage inapproprié de certains verbes. Un conférencier a dit et écrit (et projeté sur grand écran) qu'on pouvait « fixer le problème » (to fix the problem), un autre que « l'information ilumine (sic) le consommateur » (au lieu de l’éclairer), qu’un aliment doit être « palatable » (mot éminemment anglais qui signifie « agréable au goût ») ou encore qu'on est à l'ère du « prêt-à consommé » (au lieu de prêt-à-consommer). La conférence. qui portait sur les rapports entre l’alimentation et l’obésité, était très intéressante sur le plan scientifique, mais extrêmement décevante, sinon consternante, quant à qualité de la langue utilisée.
L'UQAM avoue son impuissance
Interpellée par l’auteur de ces lignes, la responsable de la conférence et directrice du programme Coeur des sciences, mis sur pied par l’UQAM pour promouvoir la diffusion de la science, Mme Sophie Malavoy, a répondu « comprendre votre frustration », en ajoutant: « Nous ne pouvons malheureusement pas y faire grand-chose. Nous essayons d’avoir le meilleur contenu possible pour nos conférences, mais nous ne pouvons vérifier à l’avance la qualité du français de nos conférenciers. »
Il s’agit d’une déclaration étonnante de la part de l’UQAM, qui possède des « Politiques linguistiques» officielles faisant une priorité de la qualité du français et du soutien à cette qualité.
La « Politique no 40 » stipule que « Conformément à la Charte de la langue française, elle ( l'UQAM) se dote d’une politique linguistique par laquelle elle entend non seulement renforcer l’emploi du français, mais rehausser la qualité de la langue écrite et parlée. En tant qu’établissement de haut savoir, elle estime devoir assumer un rôle exemplaire à cet égard. »
Les professeurs en faute
La « Politique no 50 » préconise notamment des « mesures d’aide et de soutien (…) afin d’assurer la maîtrise du français »… par les étudiants. Qu’en est-il lorsque ce sont les professeurs qui sont en faute? La même « Politique no 50 » dit aussi: « Les programmes ont la responsabilité de développer des stratégies pédagogiques de telle sorte que les cours suivis par chaque étudiante, étudiant puissent contribuer à l’amélioration de ses habiletés de lecture et d’écriture en français. »
Ni le recteur de l’UQAM, M. Robert Proulx, ni le service des communications de l’université n’ont répondu à nos questions sur l’incongruité de la situation et la démission manifeste de l’université devant la détérioration de la langue française.
La mauvaise qualité du français chez les professeurs et chercheurs d’université n’est d’ailleurs pas l’apanage exclusif de l’UQAM. Une étude publiée en décembre 2012 par le Conseil supérieur de la langue française du Québec, portant sur les cycles supérieurs de la formation scientifique à l’UQAM, à l’Université de Montréal et à l’Université Laval, faisait état de l’inquiétude des étudiants devant la piètre qualité du français parlé et écrit par leurs professeurs!
Absence d'un service de révision
Au cégep, la détérioration du français a été maintes fois pointée du doigt: encore 15% des élèves ne peuvent, cette année, obtenir leur diplôme parce qu’ils échouent à l’épreuve uniforme de français au collégial.
Interrogés sur leurs propres lacunes linguistiques et les manières de les atténuer, les deux conférenciers de l’UQAM précités se sont dits « conscients » du problème, aggravé par leur manque de temps dans la préparation de la conférence. M. Michel Lucas, un nutritionniste et épidémiologiste professeur à l’Université Laval, et M. Jean-Claude Moubarac, anthropologue de l’Université de Montréal rattaché au Centre de recherche pour le développement international à Ottawa, ont tous deux déploré l’absence d’un service de révision de la langue qui leur aurait été fort utile avant la tenue de leur conférence. M. Moubarac se serait empressé de recourir à un tel soutien, tandis que M. Lucas a dit croire qu’un tel service « devrait exister ».
M. Lucas, qui comme son collègue publie essentiellement en anglais dans les revues scientifiques, a ajouté que ses textes en anglais « sont révisés » avant publication…
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2014Cet article est très pertinent!
Je crois que Coeur des sciences pourrait offrir un service de révision... coût qui par ailleurs devrait être à la charge du présentateur, qui doit être responsable de sa production.
Serge Jean Répondre
5 novembre 2014Des paresseux (surtout ceux qui lorgnent des poste de pouvoir sur les autres après coup) qui n'ont juste une envie; se vautrer dans la grisaille du pouvoir pour leurs propres petites affaires. Voilà ce que sont devenus nos enfants du savoir pour une grande partie.
Heureusement il en reste encore des gens pour agrandir le paysage culturel qui nous préoccupe NOUS le peuple bonyeu!
Serge Jean
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
4 novembre 2014De la plus haute pertinence!
Dans un de ses discours pendant sa brève visite au Canada, le Président de la République française a appuyé sur le danger d'une langue qui s'éloigne du français, une langue échevelée, une langue truffée de barbarismes, qui ne s'écrit même plus...
A-t-il été frappé par notre langage parlé, par les communications écrites qu'il a vues, par les animateurs de télé, les journalistes?... En tout cas il est plus terrorisé par notre syntaxe que par les anglicismes mal formulés du snobisme de France...
N'a peut-être pas été informé de la moitié de notre population analphabète fonctionnelle.
Système d'éducation qui attend avec impatience l'indépendance culturelle, économique et politique de la République verte du Québec en Amérique.