L’Espagne, face à la colère de Bruxelles et à celle des syndicats

Crise — Espagne


Ce lundi 12 mars, le ministre de l’économie espagnol, Luis de Guindos, participe à la réunion mensuelle de l’Eurogroupe, avec un objectif concret : expliquer au reste des ministres des finances européens pourquoi l’actuel gouvernement conservateur, en fonction depuis le 23 décembre, a décidé de s’engager sur un déficit de 5,8% du PIB en 2012 au lieu des 4,4% prévus.
La décision du chef du gouvernement, Mariano Rajoy, annoncée le vendredi 2 mars, de ne pas respecter l’objectif de déficit pour 2012 a créé un malaise au sein de la Commission européenne qui, la semaine dernière, a menacé l’Espagne de sanctions. “Notre décision est raisonnable, avance un haut responsable du ministère de l’économie espagnol. “L’objectif de déficit de 4,4% du PIB pour 2012 avait été fixé lorsque les prévisions de croissance pour cette année était de l’ordre de 2,3% du PIB et en partant de l’idée qu’en 2011, le déficit devait être de 6%. Aujourd’hui, nos prévisions tablent sur une récession de 1,7% et le déficit pour 2011 a finalement été de 8,5% du PIB”. Et de rappeler que “Les autres pays européens ont bouclé leur budget l’an dernier sur la base de prévisions de croissance qui sont devenues obsolètes. Eux aussi devront sans doute revoir leurs objectifs de déficit.”
30 milliards d’économies prévues en 2012
Du fait des élections législatives tardives de novembre 2011, l’Espagne ne présentera son budget pour 2012 que le 30 mars prochain, ce qui l’a obligé à prendre en compte le nouveau scénario de récession prévu dans l’Union européenne. Après avoir mené, comme le lui demandait Bruxelles, une réforme du marché du travail, du secteur financier et s’être engagé sur le respect de la règle d’or d’équilibre budgétaire, le pays espère de la compréhension de la part de ses partenaires européens. D’autant plus que réduire le déficit de 8,5% à 5,8% du PIB exigera 30 milliards d’économies.
Le ministre de l’économie a déjà avancé que le budget des ministères baissera de 12% en moyenne, que les investissements publics, déjà largement affectés par les précédents plans d’austérité seraient encore réduit de 40% cette année et que les régions, qui détiennent les compétences en matière d’éducation et de santé devront économiser 16 milliards d’euros.
“Je pense que la Commission européenne est sensible à la question de la récession et qu’il n’y aura pas de sanctions car elle connaît parfaitement le problème de fond de l’Espagne, souligne cette même source. Quant à une possible réaction négative des marchés à cet assouplissement des objectifs ? “Elle est possible mais si pour respecter les objectifs, l’Espagne entrait dans une profonde récession, les pays voisins en ressentiraient les conséquences et il est certain que les marchés deviendraient nerveux.”
Le 9 mars, on apprenait que la Commission européenne avait envoyé deux experts pour étudier la situation réelle de ses comptes publics et comprendre les raisons pour lesquelles le déficit public a été en 2011 de 8,5% du PIB, soit 2,5% de plus que l’objectif fixé avec l’antérieur gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero.
Grève générale le 29 mars
Mais si Bruxelles craint que l’Espagne n’en fasse pas assez, les syndicats, eux, estiment que le gouvernement en fait trop. Ce vendredi 9 mars Les deux syndicats majoritaires, Commissions ouvrières (CCOO) et l’Union générale des travailleurs (UGT) ont appelé à une grève générale le 29 mars prochain, la sixième seulement depuis l’avènement de la démocratie. Ils entendent ainsi protester contre la réforme du marché du travail, qu’ils qualifient de “la réforme la plus agressive de la démocratie” et qui facilitent les licenciements et rend plus flexible le marché du travail.
Prise entre deux feux, entre une contestation sociale de plus en plus vive et des interlocuteurs européens qui exigent une sévère politique de rigueur, l’Espagne est bien en peine de concilier les mesures d’économie destinées à abaisser son déficit fiscal avec la lutte contre la récession et le chômage qui touche 23% de la population active. Or de plus en plus d’économistes pointent du doigt les dangers pour la croissance et l’emploi d’une politique de rigueur trop dure.
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Sandrine Morel


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