L’autocritique de Robert Lepage

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Sommes-nous une société totalitaire où la moindre entorse au politiquement correct appelle une autocritique publique, comme en URSS ?


 Cela s’est passé entre Noël et le Nouvel An, une période idéale pour passer sous le radar. 


 Robert Lepage est revenu dans une lettre ouverte sur sa difficile année 2018, qui s’est déroulée sous le signe de la censure avec l’annulation de deux de ses spectacles. 


 Racisme 


 On s’en souvient, SLĀV avait été annulé sous la pression de militants racialistes (en fait, d’authentiques racistes anti-Blancs) qui jugeaient que des « Blancs » ne pouvaient reprendre des chants composés par des « Noirs ». Ce fut ensuite le cas de Kanata, une pièce revisitant l’histoire du Canada du point de vue des Amérindiens, accusée toutefois de ne pas les associer suffisamment à l’entreprise. 


 Au fil des événements, Lepage fut accusé d’appropriation culturelle, de colonialisme et même de racisme. 


 Sur le coup, on s’en souvient, Robert Lepage fut secoué et dénonça cette logique de censure. 


 Mais Lepage était habitué à appartenir au camp de la bien-pensance, aujourd’hui caractérisé par son hypercritique de la civilisation occidentale. Il n’avait pas l’habitude de se faire déborder sur sa gauche. 


 Manifestement, il a fait un malaise à l’idée d’être dans le camp des adversaires de la rectitude politique. 


 Alors il s’est amendé. 


 Dans sa lettre du 28 décembre, publiée sur Facebook, on a vu Robert Lepage se soumettre avec zèle à une autocritique de type soviétique en racontant être allé à la rencontre de ses accusateurs dans une réunion sous le signe du « dialogue ». Il les a présentés comme « des gens qui faisaient preuve d’une grande ouverture et qui se sont avérés très sensibles, intelligents, cultivés, articulés et pacifiques ». 


 Il ajoutera que « dans ce climat d’ouverture et de transparence, il était plus facile pour moi d’admettre mes maladresses et mes manques de jugement et de tenter d’expliquer le bien-fondé de notre démarche ». Il s’est aussi désolidarisé de ceux qui l’avaient soutenu pendant la controverse, comme s’ils étaient malpropres. 


 Mieux encore, il confessera que « ce n’était peut-être pas par hasard que les problèmes dramaturgiques dont souffrait le spectacle correspondaient exactement aux problèmes éthiques qu’on lui reprochait ». 


 L’auto-accusation était complète. La faille esthétique était d’abord une faille éthique, et c’est en s’alignant idéologiquement sur ses accusateurs que Lepage améliorera sa pièce, enfin soumise à la nouvelle morale diversitaire ! 


 On le comprend : Lepage, désormais, créera sous surveillance idéologique en sollicitant même l’avis de ses accusateurs de l’été dernier, comme en d’autres temps, on recherchait l’imprimatur du clergé. 


 Ces militants fanatiques et haineux sont ainsi parvenus à mettre en tutelle un de nos grands créateurs. 


 Rampant 


 Pourquoi revenir sur cet épisode malheureux ? Parce qu’il représente de manière caricaturale le phénomène de la rectitude politique et le pouvoir immense de certains lobbies victimaires prétendant représenter les minorités et qui utilisent une rhétorique culpabilisatrice. 


 Il faut une solide colonne vertébrale pour résister à leurs campagnes d’intimidation. Manifestement, Robert Lepage n’en avait pas. Il a préféré faire le rampant. Je lui en veux moins que je ne le plains.