Québec - Les tribunaux ne doivent pas intervenir dans les privilèges reconnus à l'Assemblée nationale, a plaidé jeudi l'avocat de l'institution, Me Raynold Langlois.
«Une cour ne peut imposer un ordre à l'Assemblée nationale quant au suivi à donner à une pétition», a soutenu Me Langlois devant le juge Jean Bouchard, de la Cour supérieure du Québec.
Le juge Bouchard est saisi d'une demande de jugement déclaratoire en provenance de Yves Michaud, qui soutient que l'Assemblée nationale n'avait pas la compétence de le blâmer le 14 décembre 2000, tout en ne lui permettant même pas de faire valoir son point de vue.
M. Michaud raconté avoir présenté en vain une pétition pour être entendu devant une commission de l'Assemblée nationale, afin de pouvoir y exprimer son point de vue.
Me Langlois admis qu'en vertu de la Charte des droits, tout citoyen avait droit d'adresser une pétition à l'Assemblée nationale.
Mais en citant de nombreux cas de jurisprudence, il a tenté de convaincre le juge Bouchard que la Chambre demeurait libre d'en disposer à son gré.
«Le suivi d'une pétition relève du fonctionnement interne de l'Assemblée, sans ingérence externe», a-t-il dit.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a déjà répondu à la pétition de M. Michaud en mettant en branle un processus de réforme de son règlement et de ses procédures, a fait valoir Me Langlois.
«Le fait que M. Michaud demeure insatisfait de la réponse ne justifie pas la Cour supérieure de la réviser», a-t-il noté.
Le juriste a également plaidé qu'en vertu de l'immunité parlementaire, les députés avaient droit de blâmer M. Michaud pour les propos qu'ils lui attribuaient, même sans l'avoir entendu.
«Le tribunal ne peut pas réviser l'opportunité de la motion adoptée par l'Assemblée nationale et des débats qui ont entouré son adoption», a expliqué Me Langlois.
M. Michaud, ancien député redevenu simple citoyen, a été blâmé par un vote unanime de la Chambre le 14 décembre 2000, à la suite des propos qu'il avait tenus la veille alors qu'il témoignait devant les États généraux sur la langue française à Montréal. M. Michaud avait alors déclaré que le peuple juif n'était pas le seul à avoir souffert dans l'histoire de l'humanité.
Outré par le blâme «injustifié» dont il a fait l'objet, M. Michaud cherche depuis quatre ans à obtenir des excuses de l'Assemblée.
Pour sa part, le procureur de M. Michaud, Me André Bois, a mis en relief le fait que jamais un simple citoyen n'avait, avant l'affaire Michaud, été blâmé par un Parlement dans l'histoire des démocraties occidentales.
Quand des polémistes comme Émile Zola, Charles Maurras ou Ernst Zundel ont été sanctionnés, ils le furent par des tribunaux et non par des parlements, a noté Me Bois.
Me Bois a aussi plaidé que l'Assemblée nationale n'avait pas le droit constitutionnel d'adopter une motion de blâme à l'endroit du citoyen Michaud, puisque ce blâme ne cadrait pas avec les fonctions de l'institution, qui sont d'adopter des lois, de surveiller le pouvoir exécutif et de régir ses affaires internes.
Enfin, le juge a été saisi d'une demande spéciale du procureur de M. Michaud qui exige qu'une partie des frais judiciaires du requérant soit assumée par les fonds publics, vu que M. Michaud défend des principes démocratiques.
Pour l'autre partie, ce sont les citoyens qui, par leurs impôts, assument le coût total des frais judiciaires de l'Assemblée nationale.
«Un simple citoyen n'a pas à supporter seul les coûts de cette défense de droits. Il y a ici un rapport de forces disproportionné», a conclu Me Bois.
Le juge Jean Bouchard a pris l'ensemble de la requête de M. Michaud en délibéré. Il aura vraisemblablement besoin de quelques semaines pour lire l'abondante jurisprudence que les procureurs lui ont remise, et pour rendre sa décision.
Norman Delisle
_ Presse Canadienne jeudi 2 décembre 2004
Affaire Michaud
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