PERSPECTIVES

L’arrogance du roi dollar

70ee3a7912591298ce9e0cf30598408f

Le commencement de la fin

Derrière la naissance d’une banque de développement sous la signature du BRICS se profile l’influence économique rampante de la Chine. Pékin joue la carte de l’impérialisme américain et de l’hégémonie contestée du roi dollar pour se positionner en contrepoids auprès des pays émergents. Rien de très dérangeant… pour l’instant.​

La tournée latino-américaine du président chinois a été fertile en contrats et en partenariats commerciaux. Cette opération charme de Pékin auprès de l’Argentine, du Venezuela et de Cuba avait été précédée de cette signature symbolique, mais historique, au Brésil, réunissant les pays du BRICS autour d’une nouvelle banque de développement. Le message est multiple avec, à la clé, un tandem Chine-Russie toujours plus complice.

À petits pas, la Chine étend son influence sur cette « planète économique » abritant les pays émergents. Pour ses besoins en ressources naturelles, mais aussi pour se dénicher de nouveaux débouchés. Mais toujours ce rêve de Pékin, vieux d’une quinzaine d’années maintenant, de voir la devise chinoise, sinon détrôner, du moins s’offrir en solution de rechange à la domination du billet vert. Il y a évidemment loin de la coupe aux lèvres tellement la Chine éprouve des problèmes de convertibilité de sa devise, de crédibilité et de restructuration économique. Mais s’il est vrai que l’influence économique entraîne la devise avec elle…

L’hégémonie du billet vert, toujours décriée et longtemps condamnée mais jamais compensée ou remplacée, a survécu à tous les scénarios. Même cette répartition de l’économie mondiale entre trois grands blocs s’agglutinant chacun autour d’une monnaie pivot, dessinée durant les années 1980, demeure théorique pour les uns, utopique pour les autres. En Asie, tout devait graviter autour du yen. Or le Japon a raté son rendez-vous. Pour sa part, l’euro souffrira encore et pour longtemps de cette perte de confiance engendrée par la crise de la dette souveraine. Ce choc secouant l’Europe a mis en exergue une banque centrale disposant d’une force de frappe limitée, sa puissance étant subordonnée aux intérêts nationaux.

Le dollar trône

Ce faisant, le dollar américain trône encore sur les deux tiers des réserves mondiales de change, nous rappelle le quotidien français Le Monde. Il entre dans près de 90 % des échanges internationaux. Surtout, et la crise de 2008 l’a démontré, le billet vert reste la valeur refuge en temps trouble, peu de titres offrant la sécurité et la liquidité des bons du Trésor américain.

Cette domination n’est pas sans provoquer un certain débordement d’arrogance. L’amende record infligée à BNP Paribas pour des transactions réalisées hors des États-Unis a été aussitôt qualifiée de « détournement de pouvoir » par les autorités françaises. Le jugement rendu par un tribunal de New York condamnant l’Argentine à rembourser les fonds vautours a valu à la justice américaine des accusations d’être à la solde du capital.

S’ajoute à l’équation la fin de l’assouplissement monétaire pratiqué par la Réserve fédérale. Cette action exceptionnelle a provoqué l’instabilité des devises chez les pays émergents. Sous l’ancien régime monétaire, ces derniers étaient les grands bénéficiaires d’un apport miraculeux de capitaux ainsi libérés, à la recherche d’un rendement digne de ce nom. Ils affluaient à coups de centaines de milliards, rendant nombre de ces pays dépendants d’investissements étrangers de court terme et volatils.

Il y a eu déstabilisation. Aujourd’hui, les pays les plus affectés par le mouvement de retour des capitaux vers les économies développées sont ceux qui remettaient à plus tard les réformes structurelles nécessaires. Brésil, Turquie, Inde, Argentine, Indonésie, Afrique du Sud, Thaïlande… La plupart souffrent de comptes courants déficitaires, s’étant trop longtemps contentés d’une croissance venant d’une demande gonflée par l’abondance du crédit.

À ce besoin de s’extirper de l’influence du billet se greffent des institutions nées dans le sillage de la Deuxième Guerre mondiale demeurant, encore aujourd’hui, sous la férule américaine et européenne.

La nouvelle banque de développement et la mise sur pied d’une réserve de change commune, même si elle ne représente qu’une fraction de la force d’intervention du FMI et de la Banque mondiale, symbolise une soif d’affranchissement qui sied bien à la Chine.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->