L’arrogance des nouveaux empereurs

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Pas de soutien les yeux fermés





À la veille du premier budget présenté par le gouvernement Trudeau, Bombardier se montre à nouveau bien peu reconnaissant en retour des fonds publics qu’elle entend recevoir de Québec pour son programme CSeries... et qu’elle espère recevoir du fédéral.


Le Globe and Mail rapporte en effet que Bombardier chercherait à délocaliser une partie de la production de son programme Q400 vers la Chine et le Mexique. Ce qui ferait perdre un autre 200 emplois, cette fois-ci, dans la région torontoise.


En échange du 1,3 milliards de dollars en fonds publics (empruntés de surcroît) par le gouvernement Couillard en soutien à Bombardier pour son programme CSeries, Bombardier supprimerait pourtant déjà des milliers d’emplois.


Sacrifiés sur le même autel, les anciens employés d’Aveos en savent péniblement quelque chose.


Résultat: l’automne dernier, dès l’annonce de l’«entente» négociée entre Bombardier et le gouvernement Couillard, le chef péquiste Pierre Karl Péladeau et François Legault la qualifiaient en choeur de «mauvaise» pour le Québec. Le premier ministre Philippe Couillard, selon eux, s’était fait avoir comme un «enfant d’école» en «culottes courtes».


D’où leur demande : renégocier l'entente. Ou, en d'autres termes, comment peut-on offrir autant de fonds publics à Bombardier – en pleine «austérité» en plus -, sans s’assurer de protéger au moins les emplois existants?


Comme je l’écrivais ici en octobre dernier, le dossier est également miné par l’apparence d’un possible conflit d’intérêts politique:


«Ces fonds publics empruntés seraient gérés par Investissement Québec. Et par un heureux hasard, le CA de ladite société en commandites sera présidé par l’ex-premier ministre libéral Daniel Johnson qui, sur le site web de Bombardier, est également listé comme son avocat-conseil.


Ce qui, l’an dernier, soulevait d’ailleurs déjà des questions alors qu’il présidait bénévolement le comité de transition du nouveau gouvernement Couillard tout en étant membre du CA de Bombardier – une compagnie, comme tant d'autres, en constante quête de contrats ou de subventions publics. Le Journal de Montréal rapportait également que l’ex-premier ministre possédait aussi «près de 150 000 actions différées de l'entreprise, qui valent plus d'un demi-million de dollars, selon le plus récent rapport annuel de la firme».»

Et comme si le vase ne débordait pas déjà suffisamment, le premier ministre Couillard, au lieu de négocier une meilleure entente, préfère accuser les partis d’opposition de «nuire» à l’économie québécoise par leurs critiques.


Pis encore, si l’on peut dire, en février, John Paul Macdonald, vice-président principal, resssources humaines et affaires publiques de Bombardier, allait jusqu’à se plaindre de l’existence même d’un débat politique autour de cette même entente :

«Quand il y a de la dissension, s'il y a des choses négatives écrites sur Bombardier ou s'il y a des échanges corsés à l'Assemblée nationale, par exemple, nos compétiteurs coupent tout ça et le présentent à nos clients prospectifs. Ils disent : "Regardez, Bombardier, ça va mal, ils ne sont pas ici pour longtemps, pourquoi vous voudriez acheter un avion d'eux autres? Ils ne seront plus là!" Alors, ça ne nous aide pas


***



Chercher à faire taire tout questionnement des partis d’opposition sur une «mauvaise entente» pour le Québec, n'est-ce pas là l'ultime démonstration de cette arrogance des nouveaux empereurs que sont devenues ces immenses corporations? 


Leurs mains sont toujours tendues pour y accueillir l’argent des contribuables, mais ils se fâchent dès qu’on ose exiger quelque chose d'eux en échange. Comme s'ils disaient aux parlements: payez-nous et taisez-vous.


Au-delà des frontières, pour ces nouveaux empereurs de l’ère moderne, enrichir leurs dirigeants et leurs actionnaires à même les mamelles de l’État au détriment de leurs employés ne semble aucunement les gêner. Il faut croire que ce réflexe est dans leur nature même.


Sur le plan politique, le problème, le vrai, ce sont les gouvernements qui, face à ces empereurs, n’osent même plus exiger la protection du bien public en retour d'un généreux soutien financier.


Un soutien fort possiblement nécessaire, mais qui ne saurait s'accorder pour autant les yeux fermés...


 


 



 




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