J'ai été membre du Mouvement Souveraineté-Association (MSA) fondé par René Lévesque en 1968. J'ai voté oui aux référendums de 1980 et de 1995. Pourtant, comme la majorité des Québécois jusqu'à maintenant, je n'ai jamais été indépendantiste à n'importe quel prix.
Mon point de vue sur la question est celui de Daniel Johnson : « l'indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l'indépendance ».
Les indépendantistes auraient tort de m'identifier comme un nationaliste mou. Indépendantiste à la limite, mais je ne suis pas nationaliste pour deux sous. Je ne crois pas que les Québécois forment une nation. Les habitants de cet espace nommé Québec ne partagent pas véritablement une culture commune sinon, peut-être, l'états-unienne. Il y a probablement plus de différences entre un Anglo-Québécois et un Franco-Québécois qu'on en trouve entre ce dernier et un Franco-Ontarien ou un Acadien.
Il y a probablement plus de différences entre un Anglo-Québécois et un Franco-Québécois qu'on en trouve entre ce dernier et un Franco-Ontarien ou un Acadien.
Un certain nombre de Canadiens-français pensent former une nation en raison des liens ethniques, sociaux et culturels qui les unissent, mais ils sont éparpillés partout. Leur pays, ils l'ont déjà. C'est le Canada et le Québec en fait partie.
À la suite des luttes menées jusque dans les années 60 par la Société Saint-Jean-Baptiste et par la Patente, une organisation réputée secrète qui se battait pour la survie du français au Canada et qui disparut au début de la Révolution tranquille, une majorité des Franco-Québécois s'identifie encore à cette nationcanadienne-française.
Toute sorte de gens luttent pour un Québec indépendant. Parmi eux, une minorité tapageuse qui craint souvent ce qu'elle nomme l'invasion migratoire et qui s'ennuie parfois de la revanche des berceaux. Celle-là me fait grincer des dents.
À mon avis, René Lévesque n'a jamais rêvé de faire du Québec un pays totalement indépendant, encore moins xénophobe. Le MSA ne parlait pas de rompre avec le reste du Canada. Il voulait seulement négocier une association d'égal à égal. Que serait-il arrivé si nous avions dit oui au référendum de 1980 ? Nos gouvernements auraient été obligés de se parler. C'était prévu dans la question. La négociation d'un fédéralisme fortement asymétrique aurait probablement accommodé presque tout le monde.
La négociation d'un fédéralisme fortement asymétrique aurait probablement accommodé presque tout le monde.
En fait, le rêve de René Lévesque et de la plupart d'entre nous se résume au cri du cœur d'Yvon Deschamps : « Le vrai Québécois sait ce qu'y veut. C't'un Québec indépendant dans un Canada fort ! ».
Sera-t-il un jour possible de faire l'indépendance ? C'est peu probable et, ajouterais-je, non-souhaitable.
Peu probable, parce que les conditions gagnantes ne seront jamais réunies. Pour cause, autant que je sache, elles n'ont même pas été définies... Personnellement, j'en compte deux. D'abord, il faudrait qu'une majorité de nos leaders québécois dans tous les domaines se sentent floués à l'intérieur du Canada. Cela n'a jamais été le cas. D'autre part, il faudrait que le Québec soit assez riche pour perdre ses milliards en péréquation. C'était comme ça au 19esiècle alors que, parait-il, nous avons épongé la dette canadienne de l'époque. Ce n'est plus le cas depuis belle lurette.
L'indépendance n'est pas souhaitable parce que, de mon point de vue, ce serait une victoire à la Pyrrhus. Le premier référendum nous a appris que 40% des citoyens sont prêts à risquer le oui ; le second, qu'il sera sans doute très difficile de dépasser les 50%. Cela signifie qu'il y aura toujours près d'une personne sur deux pour dire non. Il serait extrêmement hasardeux de bâtir un nouveau pays sur de telles oppositions. Il faudrait s'attendre à de très vives résistances sur l'île de Montréal où le non sera forcément majoritaire. Pour calmer tout le monde, y compris Ottawa, Toronto et Washington, le gouvernement devrait probablement déclarer le Québec officiellement bilingue et offrir systématiquement des services en anglais partout sur son territoire. Par ailleurs, en devenant indépendant, le Québec perdrait vraisemblablement son bouclier francophone en Ontario et au Nouveau-Brunswick. En effet, sans l'aiguillon québécois, le reste du Canada serait encore moins enclin que maintenant à protéger ses Canadiens-français. Nous serions, au mieux, Gros-Jean comme devant. Paradoxalement, un Québec indépendant pourrait accélérer son assimilation à la culture nord-américaine.
Je pense que nous pourrions faire mieux en profitant de la complicité des autres Canadiens qui veulent que leur pays reste officiellement bilingue.
Je serai toujours prêt à défendre la culture française en Amérique. C'est une richesse dont personne ne devrait se priver. Par contre, l'indépendance ne me semble pas la meilleure manière de la protéger. Je pense que nous pourrions faire mieux en profitant de la complicité des autres Canadiens qui veulent que leur pays reste officiellement bilingue. Nous avons besoin les uns des autres pour nous distinguer de notre envahissant voisin. L'idée de souveraineté-association se fonde sur la bonne foi et la collaboration. C'est un concept beaucoup plus proche d'un fédéralisme asymétrique que d'une totale indépendance. Peu de gens l'ont compris, ici comme ailleurs. Se battre pour un maximum d'autonomie et pour continuer de vivre en français n'est certainement pas trahir la mémoire de René Lévesque, quel que soit le parti au pouvoir, même si le combat se déroule à l'intérieur de la fédération canadienne.