Ukraine: la guerre contre la Russie pour pouvoir entrer dans l'OTAN!...

Interview d'Oleksiy Arestovytch en mars 2019

Conseiller militaire actuel de Zelensky

Tribune libre



     Jacques Baud est un ancien colonel d’état-major général et un ex-membre du Service de renseignement stratégique suisse.  Il a effectué de nombreuses missions pour les Nations unies et l’OTAN, et a été partie prenante des négociations après la fin de l’URSS.  Il est un spécialiste des pays de l’Est.

     Dans une rencontre organisée le 17 mai 2022 par Association Dialogue Franco-Russe sur le thème:  « Guerre en Ukraine:  vers la rupture définitive Russie-Occident? », il cite une interview (disponible sur YouTube) qu’a accordée le conseiller militaire actuel de Zelensky, Oleksiy Arestovytch (on peut voir sur internet son prénom écrit de plusieurs autres façons:  Aleksey, Alexey, Alexeï, Alexei; et son nom de famille est souvent écrit:  Arestovitch), à une chaîne de télévision ukrainienne en mars 2019, donc juste avant l’élection de Zelensky:


[…] En mars 2019, c’est-à-dire avant l’élection de Zelensky, son conseiller, Oleksiy Arestovych, a donné une interview à une chaîne de télévision ukrainienne, dans laquelle il explique que le prix à payer […] par l’Ukraine, pour entrer dans l’OTAN, est de créer une guerre contre la Russie.  Et quand la journaliste lui demande:  « Mais quand ça […] sera? », il a dit:  « Mais 2021, 2022 ». (1) 


     Baud donne aussi ces informations dans une vidéo mise sur YouTube le 18 avril 2022 par Max Milo Éditions:


[…] On a instrumentalisé l’Ukraine, et la population ukrainienne, au profit d’objectifs qui ont été formulés par les Américains […] Dans cette stratégie, […] l’idée était d’isoler la Russie sur la scène internationale.  Et, en fait, on a utilisé à cette fin l’Ukraine, et on l’a poussée jusqu’au conflit.  […] C’est Oleksiy Arestovytch, le conseiller de Volodymyr Zelinsky, qui, dans une interview de 2019, explique, pratiquement mot pour mot, ce que l’on observe trois ans plus tard, en 2022, en Ukraine, et où il explique qu’on a fait miroiter à l’Ukraine une entrée dans l’OTAN, à condition qu’elle fasse en sorte que la Russie l’attaque.

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[…] Ce qui est certain, c’est que le conseiller de Volodymyr Zelinsky, en 2019, avait énoncé les conditions qui permettaient de rendre presque inévitable l’intervention russe en Ukraine, et, dans sa vidéo, qui est visible d’ailleurs sur YouTube, il dit que la période sera […] 2021, 2022. (2) 


     Voici les coordonnées sur YouTube de cette interview d’Arestovytch: 

AΠOCTPOՓTV, « Predicted Russian-Ukrainian war in 2019 ─ Alexey Arestovitch », vidéo mise sur YouTube par Roman Vynnytskiy, 18 mars 2022, durée totale:  13 min 31 s.


1. Une guerre contre la Russie pour pouvoir entrer dans l’OTAN!...


     Dans cette interview, Arestovytch diabolise on ne peut plus à outrance la Russie et Poutine, qui voudraient, semble-t-il, dominer toute l’Europe au complet en 2032-2035…  Également, il réduit la possible position de neutralité de l’Ukraine à un poids incommensurable qui ferait que l’Ukraine serait absorbée par la Russie en 10 ou 12 ans…  

     Mais on comprend bien que la diabolisation de l’ennemi fait partie de la propagande de guerre, et Arestovytch a parfaitement étudié les mécanismes de la propagande.  Il s’est d’ailleurs entraîné à utiliser ces mécanismes pendant la guerre du Donbass; et est chargé, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, de la propagande militaire pour la population ukrainienne.   

     Il est entré en 2004 dans le (micro-) parti d’opposition Bratstvo (Fraternité) à la Rada (Parlement ukrainien), et en est rapidement devenu, en 2005, le numéro deux (vice-président).  Ce parti est associé par plusieurs à l’extrême-droite ukrainienne.  Mais l’ultranationalisme d’Arestovytch a quand même été remis en question, c’est-à-dire amenuisé, et ce même carrément par lui-même.

     Il a aussi déclaré dans cette interview qu’une grande guerre de la Russie contre l’Ukraine aura lieu très probablement en 2021 ou 2022, et la description qu’il fait de cette guerre concorde fort bien avec ce que l’on voit aujourd’hui.  

     Ces déclarations étaient une « prédiction » de commentateur spécialisé dans les questions militaires, rôle qu’il a joué dans les médias après Euromaïdan (2014).  Le titre de la vidéo susmentionnée indique d’ailleurs précisément:  « Prédicted ».  C’était au reste facile pour bien des commentateurs de prédire l’entrée en guerre tôt ou tard de la Russie contre l’Ukraine, compte tenu de la guerre du Donbass qui n’en finissait pas depuis 2014.

     Cependant, Arestovych a quand même précisé que cette grande guerre était une condition sine qua non pour l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, ce qui dépasse quand même totalement le cadre d’une simple prédiction d’une guerre à venir entre la Russie et l’Ukraine.  Il a aussi décrit l’aide qu’apporterait l’Occident à l’Ukraine dans ce conflit, et termine l’interview en affirmant que l’Ukraine, grâce à cette aide occidentale, ne pourra que l’emporter contre la Russie.

     Il a travaillé au département du renseignement du ministère de la Défense d’Ukraine pendant plusieurs années (1994-2005), et a agi pendant une année (septembre 2018 à septembre 2019) comme agent de renseignement dans la guerre du Donbass.   Ces services du renseignement comme toute l’armée ukrainienne sont carrément reliés depuis 2014 (après Euromaïdan) aux services de renseignement des États-Unis et de l’OTAN.  

     On pourrait ainsi croire que ces « prédictions » d’Arestovytch relativement à la guerre Russie-Ukraine étaient davantage des informations d’« initié » apprises dans le cadre de son travail dans le renseignement militaire, d’autant plus qu’elles ont été faites en mars 2019 alors qu’il était carrément agent de renseignement dans la guerre du Donbass.  On a en tout cas de la difficulté à croire qu’il ait inventé de toutes pièces, ou déduit subtilement, l’idée que le prix à payer par l’Ukraine pour entrer dans l’OTAN est une guerre majeure avec la Russie qui sera gagnée par l’Ukraine.

     D’autre part, il y a une multitude d’ultranationalistes dans l’armée ukrainienne.  C’est même cette extrême-droite qui bombarde depuis 2014 les villes des oblasts ou régions de Donetsk et de Louhansk.  Ces ultranationalistes, qui ne voulaient rien savoir d’une paix avec les russophones du Donbass et qui ont bénéficié d’assistance militaire de la part de l’armée états-unienne et de l’OTAN, ont sûrement tous bien compris la « game » qui se jouait de la part des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie.    

     Ce que l’on est obligé de comprendre là-dedans, c’est que les États-Unis et l’OTAN auraient attiré les ultranationalistes ukrainiens à souhaiter et même à provoquer cette guerre avec la Russie, en leur promettant une aide militaire et des sanctions contre la Russie si fortes que l’Ukraine ne pourrait que gagner et être ensuite d’emblée admise dans l’OTAN.  

     Qui est le Diable dans tout ça?  Poutine et la Russie ou les États-Unis et l’OTAN (ou l’Occident)?


2.  Résumé


     Voici sommairement et dans l’ordre chronologique ce qu’a déclaré Arestovytch tout au long de cette interview de treize minutes, dans laquelle cette guerre qui se déroule aujourd’hui en Ukraine apparaît avoir été planifiée depuis au moins 2019, depuis nombre d’années.


     C’est impossible d’arrêter la guerre au Donbass.  Le but de Poutine est de recréer l’Union soviétique et de rejouer et gagner la guerre froide, de détruire le système de sécurité en Europe, et de faire en sorte que s’effondrent l’OTAN et l’Union européenne.

     Toute la domination de l’Europe par la Russie est ainsi planifiée pour 2032-2035.  Seule l’accession de l’Ukraine à l’OTAN pourrait empêcher ce plan.

     L’Ukraine n’a pas la force, les ressources, pour rester neutre.  La neutralité coûte dix fois plus cher qu’une guerre contre n’importe qui.  L’Ukraine est entourée par la Russie (une frontière de 2700 km), et plusieurs pays ont des revendications territoriales contre elle.  C’est impossible de rester neutre dans une telle position.

     L’Occident a réalisé que la Russie mène une guerre contre l’Ouest et non contre l’Ukraine ou la Géorgie; et elle préfère ainsi voir l’Ukraine de son côté dans l’OTAN plutôt qu’avec la Russie.

     Le principal but du Parlement doit être que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne et l’OTAN. 

     Il n’est pas question de mettre fin à la guerre du Donbass, au contraire, car mettre fin à cette guerre va vraisemblablement pousser la Russie à une opération militaire majeure contre l’Ukraine qui va dévaster le pays, dans le but que l’OTAN ne veuille alors plus de l’Ukraine ainsi ruinée dans ses rangs.

     À 99.9 % de probabilité, le prix pour rejoindre l’OTAN est une guerre à grande échelle contre la Russie.  Et si l’Ukraine ne rejoint pas l’OTAN, elle sera absorbée par la Russie d’ici 10 à 12 années.

     Le mieux est évidemment une guerre majeure contre la Russie et une admission à l’OTAN comme résultat d’une victoire contre la Russie.  

     Cette guerre pourrait être une opération d’invasion aérienne par la Russie, une offensive de l’armée russe à partir de la frontière avec l’Ukraine, le siège de Kiev, une tentative d’encercler les troupes au Donbass, une percée par l’isthme de Crimée, une offensive à partir de la Biélorussie, la création de nouvelles « républiques populaires », du sabotage, des attaques sur les infrastructures critiques, etc.  La probabilité de cette guerre majeure est de 99 %.  

     Ça se passera après 2020, les années les plus critiques étant 2021 et 2022.  Peut-être y aura-t-il même trois guerres avec la Russie.

     C’est impossible d’entrer dans l’OTAN et d’éviter une guerre à grande échelle contre la Russie, sauf si, par exemple, une partie de l’aviation américaine et des contingents de l’OTAN venaient en Ukraine, se tenaient autour de Kiev, etc.  

     Un changement de régime pourrait alors se produire en Russie, si une partie de l’élite considérait qu’être ainsi proscrit et ennemi de l’Occident n’est pas profitable, et qu’elle réussisse à éliminer le groupe en faveur du projet URSS-2.

     Aucun accord de paix ne surviendra.  L’Ouest veut que la Russie change ses plans, mais il n’y a rien à faire en ce sens car elle possède un arsenal nucléaire et aucune pression ne peut l’intimider.  Quant à toutes ces sanctions économiques, elles ne servent à rien contre un pays tel que la Russie.

     L’Ukraine ne pourra définitivement pas maintenir la neutralité, et la tâche la plus importante est donc de rejoindre l’OTAN, coûte que coûte, quand bien même chaque dollar coûterait 250 $.

     Le prix pour rejoindre l’OTAN est vraisemblablement une grande guerre contre la Russie ou une suite de tels conflits.

     Mais l’Ukraine sera activement soutenue dans ce conflit par l’Occident avec des armes, de l’équipement, de l’assistance, de nouvelles sanctions contre la Russie, et possiblement un contingent de l’OTAN, une zone d’exclusion aérienne, etc.  

     L’Ukraine ne perdra pas cette guerre.     


André Lafrenaie


1.  Association Dialogue Franco-Russe, « Guerre en Ukraine:  vers la rupture définitive Russie-Occident?  J. Baud et G. Mettan répondent. », Dialogue Franco-Russe, dialoguefrancorusse.com, YouTube, 23 mai 2022, 46:52 à 47:29 (durée totale:  1h 49 min 52 s).

2.  Max Milo Éditions, « Jacques Baud, sur le conflit Ukrainien:  « En quoi ce conflit est plus sanctionnable qu’un autre? », Max Milo Éditions (Chevilly-Larue, France), maxmilo.com, YouTube, 18 avril 2022, 6:22 à 7:42 et 12:34 à 13:04 (durée totale:  17 min 37 s).  Vidéo en rapport avec le livre de Jacques Baud:  Poutine: maître du jeu?. 



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