Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances français, dans le film documentaire américain de Charles Ferguson, "Inside Job".SONY PICTURES
Parmi les singularités de la crise financière de 2008, on retiendra que l'une des chroniques les plus impitoyables en a été tenue dans un magazine destiné justement à ceux qui l'avaient provoquée (Vanity Fair) et que le documentaire qui en dépeint le mieux le mécanisme est distribué par une multinationale, Sony. C'est qu'Inside Job est un film catastrophe, un genre que défend souvent le studio japonais - souvenez-vous de 2012. On tremble, on est indigné, on souhaite que les héros s'en sortent malgré tout. Mais la fin est déjà écrite et ces héros défaits par les forces du mal - les ouvrières d'une usine chinoise, les chômeurs d'un camp de toile en Floride - n'occupent pas l'écran très longtemps. Ce sont les méchants qui ont gagné - et le film leur donne abondamment la parole.
Charles Ferguson - qui avait déjà réalisé en 2007 un documentaire sur l'engagement américain en Irak, nommé aux Oscars mais resté inédit en France - est un virtuose de cette forme de documentaire qui a été façonnée par l'expérience télévisuelle. Les séquences sont courtes, soulignées d'une musique dramatique mais discrète, due à Alex Heffes, jeune compositeur britannique très couru par les réalisateurs ces temps-ci ; les interlocuteurs sont filmés de près entre talk-show et interrogatoire de police ; de temps en temps, un hélicoptère survole les lieux du drame (l'Islande, Manhattan, Washington) pour en souligner encore l'ampleur.
Cette nervosité spectaculaire est ici mise au service d'une grande rigueur intellectuelle. Non seulement Inside Job offre une analyse détaillée des mécanismes qui ont conduit à l'effondrement du système financier international à l'automne 2008, mais il ajoute des informations, des pistes de réflexion qui étaient restées jusqu'ici à l'arrière-plan, ou tout simplement cachées.
Enfin, Inside Job est une vraie comédie, qui tourne en ridicule quelques-uns des membres de ce groupe aux frontières floues qui a inventé et promu les machines étranges que sont ces produits financiers qui ne finançaient rien d'autre que les institutions financières qui les émettaient.
Avant de se faire cinéaste, Charles Ferguson est devenu millionnaire à l'occasion de la première bulle Internet. Si bien qu'il parle d'égal à égal avec ses interlocuteurs. Il faut voir l'exaspération de Glenn Hubbard, professeur d'économie, lorsqu'il comprend que son interrogateur est en mesure de le confondre. On pourrait presque les prendre en pitié, comme Frederic Mishkin, qui explique sa démission du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale à l'été 2008 par l'urgence qu'il y avait à mettre à jour un manuel universitaire. Sa confusion est d'autant plus spectaculaire qu'il ressemble à Darry Cowl.
C'est la seule consolation qu'offre ce constat terrible : un peu de joie mauvaise devant l'embarras de ces hommes, tout en se disant que les sales quarts d'heure que leur fait passer Charles Ferguson seront leur seule sanction.
LA BANDE-ANNONCE (avec Preview Networks)
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Film documentaire américain de Charles Ferguson. (1 h 50.)
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Thomas Sotinel
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