JÉRUSALEM | Après des mois de suspense, Benjamin Netanyahu est devenu jeudi soir (heure locale) le premier chef de gouvernement de l’histoire d’Israël inculpé pour corruption pendant son règne, le plus long pour un premier ministre depuis la naissance de l’État hébreu.
Netanyahu a dénoncé jeudi soir de «fausses accusations motivées par des considérations politiques» après son inculpation pour corruption par la justice. «Tout ceci vise à me faire tomber», a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse à Jérusalem, dans laquelle il a remis en cause l’indépendance de la justice israélienne.
Cette annonce du procureur général Avichaï Mandelblit, un électrochoc en Israël, intervient quelques heures à peine après que le président du pays a mandaté le Parlement pour trouver un premier ministre, M. Netanyahu et son rival Benny Gantz ayant chacun échoué à former un gouvernement dans la foulée des élections de septembre.
M. Mandelblit «a décidé d’inculper le premier ministre Benjamin Netanyahu pour corruption, fraude et abus de confiance dans l’affaire 4000», a indiqué le ministère de la Justice dans un communiqué.
Dans cette affaire également appelée «Bezeq», du nom d’un groupe israélien de télécoms, la justice soupçonne M. Netanyahu d’avoir accordé des faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars au patron de Bezeq en échange d’une couverture médiatique favorable d’un des médias de ce groupe, le site Walla.
Le procureur général a aussi décidé de mettre en examen M. Netanyahu pour «fraude» et «abus de confiance» dans les deux autres dossiers sur lesquels il devait se prononcer, les affaires «1000» et «2000».
Dans la première, le Premier ministre est soupçonné d’avoir reçu de luxueux cadeaux de la part de richissimes personnalités, alors que dans la deuxième, il est suspecté d’avoir tenté de s’assurer une couverture favorable dans le plus grand quotidien payant du pays, le Yediot Aharonot.
M. Netanyahu, le plus pérenne des premiers ministres de l’histoire d’Israël devient aussi le seul chef de gouvernement de l’histoire de ce pays à être inculpé alors qu’il est toujours en fonction.
Ce changement de statut pourrait avoir d’importantes conséquences politiques alors que les députés israéliens ont maintenant trois semaines pour trouver un premier ministre qui a le soutien d’au moins 61 d’entre eux (sur 120).
Selon la loi israélienne, Benjamin Netanyahu peut demeurer premier ministre malgré cette mise en examen, mais il ne peut pas devenir simple ministre dans un éventuel gouvernement de coalition.
Cette inculpation pourrait toutefois minimiser les chances de M. Netanyahu de rallier une majorité de députés de la Knesset pour se maintenir au pouvoir.
Impasse politique
Après l’échec de MM. Netanyahu et Gantz à former un gouvernement, le président Reuven Rivlin a chargé jeudi le Parlement de trouver un premier ministre pour sortir Israël d’une impasse politique unique dans son histoire et éviter la tenue d’un troisième scrutin législatif en moins d’un an, après ceux d’avril et de septembre.
Pour «la première fois de l’histoire d’Israël» selon le président, aucun candidat n’a été en mesure de former un gouvernement à l’issue de législatives, celles du 17 septembre, qui se sont soldées sur une quasi-égalité entre MM. Netanyahu et Gantz.
Les membres de la Knesset ont désormais jusqu’au 11 décembre pour présenter à M. Rivlin un document signé par au moins 61 élus, seuil de la majorité parlementaire, s’engageant à soutenir un député pour le poste de premier ministre.
«L’État d’Israël traverse une période sombre de son histoire», a déclaré M. Rivlin au Parlement, appelant les députés à agir de façon «responsable».
«Votre sort politique n’est pas plus important que le sort d’une vieille dame à l’hôpital», a souligné M. Rivlin, exhortant la classe politique israélienne à cesser de penser à ses intérêts personnels, mais à prendre en considération l’intérêt supérieur de l’État et de la population.
«Aucun mandat»
Benjamin Netanyahu, chef du Likoud, est soutenu par un «bloc» de 54 élus composé également de ses alliés de l’ultra-droite et de partis juifs ultra-orthodoxes.
M. Gantz, leader du parti Bleu-blanc, compte lui sur l’appui de formations de centre gauche, mais aussi des députés arabes israéliens qui ne feraient toutefois pas partie du gouvernement.
S’ils ne sont pas parvenus à former un gouvernement, MM. Netanyahu et Gantz peuvent encore se voir confier cette tâche de premier ministre par les députés, ce qui ouvre la voie à de nouvelles tractations.
«Un premier ministre qui a des allégations de corruption jusqu’au cou n’a aucun mandat public ou moral pour prendre des décisions sur le sort de l’État d’Israël», a déclaré jeudi soir le parti de Benny Gantz, soupçonnant M. Netanyahu de prendre des décisions dans son «intérêt personnel», afin de «survivre» politiquement, et non en fonction des «intérêts de l’État».