Manifestation pour le cessez-le-feu

Harper hué par la rue

Géopolitique — Proche-Orient


Gabriel Béland, la Presse
«Le Liban se meurt et le Canada est complice.» Voilà ce que scandaient les 15 000 manifestants qui ont marché hier à Montréal. Ils ont réclamé un cessez-le-feu immédiat dans le conflit qui perdure depuis 26 jours entre Israël et le Liban. Une organisation juive québécoise a au même moment accusé les manifestants d'être une «source de motivation» pour les terroristes.
Des centaines de drapeaux du Liban frappés du cèdre vert ont valsé hier sous les érables du parc Lafontaine. C'est là que Tarek Bassil attendait les premiers orateurs. «Moi, j'ai voté pour Harper», explique M. Bassil en baissant la voix, comme s'il avouait une faute.
Mais c'était avant que les bombes israéliennes ne s'abattent sur son pays d'origine. Et avant que Stephen Harper ne qualifie cette réaction de «mesurée». «Je suis aujourd'hui très déçu de sa politique étrangère en faveur d'Israël. C'est la dernière fois que je vote pour lui. Ça, c'est certain comme la mort!»
Tout comme Tarek Bassil, le chanteur Dan Bigras n'a pas hésité à attaquer le premier ministre du Canada. «M. Harper, personne ne vous a donné le mandat de nous rendre complices de crimes de guerre», a-t-il déclaré devant la foule.
Les premières manifestations contre les attaques israéliennes étaient surtout le fait de Libanais d'origine. Mais celle d'hier regroupait des marcheurs de tous horizons, dont plusieurs politiciens. André Boisclair, Gilles Duceppe et Denis Coderre ont participé à la marche en dépit d'une campagne du Comité Québec-Israël, qui les a accusés de taire les exactions commises par le Hezbollah.
«Complices des terroristes»
Samedi, trois quotidiens montréalais, dont La Presse, ont publié une publicité pleine page du Comité. Quatre photos montraient des militants du Hezbollah le bras tendu, comme en référence au salut nazi. Sous les photos, les noms d'André Boisclair, de Denis Coderre, de Françoise David, de Gilles Duceppe et d'Henri Massé. Tous avaient annoncé qu'ils participeraient à la manifestation d'hier.
Le Comité Québec-Israël a d'ailleurs tenu à dénoncer la marche une fois de plus, hier. «Israël ne fait que se défendre, a affirmé son directeur, Luciano Del Negro. Ceux qui dénoncent Israël sont complices des groupes terroristes, qui verront dans ces manifestations des sources de motivation.»
André Boisclair n'a pas été ébranlé par l'initiative du groupe. Il croit toutefois que les manifestants devraient se distancier davantage du Hezbollah. «Je constate des débordements dans le ton de certains slogans ou sur quelques affiches, a dit le chef du Parti québécois. J'invite les gens à la retenue. Nous sommes ici pour la paix avant tout.»
Aucun drapeau du mouvement chiite controversé n'était visible durant la marche. Des responsables des services d'ordre ont dit que des mesures en ce sens avaient été prises. «On nous a dit de demander aux gens de ranger leurs drapeaux du Hezbollah», a expliqué un membre des services d'ordre, qui portait un brassard de la CSN.
Duceppe et Coderre côte à côte
Mais les accusations du Comité Québec-Israël ont peut-être permis de souder les élus québécois qui ont pris part à la manifestation. Déjà, des sondages ont montré que les Québécois réprouvent la manière dont le gouvernement Harper a géré la crise libanaise. Cela aussi pourrait rapprocher bloquistes et libéraux dans leur dénonciation des conservateurs.
En tout cas, on a pu assister hier à des scènes inusitées. Derrière la même banderole, Gilles Duceppe et Denis Coderre avançaient côte à côte. À un moment, un manifestant a apostrophé l'ancien ministre libéral de l'Immigration: «Pendant des années, vous étiez au pouvoir, a crié l'homme à Denis Coderre. Et les libéraux ont toujours soutenu Israël. Où étiez-vous quand Gaza était occupée? Où étiez-vous?»
«Bien là, il est là, dans la rue!» a répliqué Gilles Duceppe, venant à la rescousse de son adversaire politique. Ni Gilles Duceppe ni Denis Coderre n'ont mis sur le compte des sondages leur présence à la manifestation. «C'est insultant comme explication, a dit M. Coderre. Je suis ici pour la paix.» Aucun incident n'a été signalé par les policiers montréalais.


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