J'étais dans la salle du Métropolis le soir où Richard Bain a tenté d’assassiner « le plus de souverainistes possible ». Et il y a longtemps que je me retiens de commenter ce qui a probablement constitué le seul et unique réel attentat politique de ce début de siècle au Québec.
D’une part, parce que les émotions ne sont pas toujours de bonnes conseillères et que le sujet est délicat. D’autre part, parce qu’à l’époque, tout s’est passé très vite. L’idée qu’il s’agissait d’un acte de folie isolé avait rapidement occupé l’essentiel de l’espace médiatique. J’en étais profondément dérangé, mais la mise en place d’un nouveau gouvernement avec son lot de nouvelles avait tôt fait de reléguer le débat à un second plan. Puis, il fallait laisser le temps à la justice de faire son travail…
Aujourd’hui, je dois le dire : le fin fond de l’affaire, ce n’est pas la folie présumée de Bain. Le fond de cette affaire est l’acceptation sociale ou le rejet, voire la stigmatisation du projet politique d’indépendance du Québec.
Depuis que j’habite le Québec et que j’ai épousé la cause de son indépendance, il ne se passe pas une année sans que je sois frappé par le fait qu’appuyer ce projet tout à fait démocratique et pertinent est un fardeau à tous points de vue. C’est un fardeau sur le plan professionnel. C’est un fardeau sur le plan social. C’est un fardeau sur le plan idéologique.
Sur le plan professionnel : c’est probablement la dernière chose que vous souhaitez faire connaître à un éventuel employeur tant il est vrai que vous pourriez en être pénalisé.
Sur le plan social : mis à part le tout petit univers des militants et militantes de l’indépendance, ce n’est certainement pas une position qui vous attirera des amis. Au pire, on vous invectivera ; au mieux, on vous tolérera.
Sur le plan idéologique : c’est un projet qui vous place toujours sur le terrain du fardeau de la preuve. Pourquoi ? comment ? etc. Les mêmes questions mille fois, les mêmes réponses mille fois.
Les fédéralistes, eux, ne connaissent pas ce genre de problème. Ils sont dans la norme sociale. Le Canada est une affaire « tout croche », qui place à dessein le peuple québécois dans une délétère position de minorité historique, mais ce n’est pas grave. Ils n’ont pas à s’en justifier. Ils ont simplement besoin de tabler sur ses apparentes qualités (paix, prospérité, etc.). Le reste — le système, les institutions, les grands médias… — fait le reste de ce travail de normalisation canadienne. Pire, il est devenu normal d’accepter un discours politique qui se construit essentiellement par opposition au « séparatisme ». Le gouvernement actuel, dont le ministre Gaétan Barrette fait partie, a remporté les élections de 2014 par défaut, en agitant « l’épouvantail de la séparation » plutôt que pour la valeur de son propre programme politique. Il est donc de bon ton de dénigrer le projet d’indépendance et, par extension, ses partisans.
Tolérance et acceptation
Nous, militants et militantes indépendantistes, sommes en quelque sorte des marginaux dans une étrange société qui se refuse à elle-même les pleins pouvoirs. Parias à l’échelle du Canada, nous ne sommes des « acceptables » à l’échelle québécoise que lorsque nous ne parlons pas de l’indépendance. Les élites politiques du PQ ont d’ailleurs très bien intériorisé cet « air du temps ».
Hier, j’entendais Justin Trudeau faire la distinction entre tolérance et acceptation de la différence. Je suis d’ailleurs tout à fait d’accord avec lui. Idéalement, nous voulons vivre dans une société dans laquelle il ne s’agit pas simplement de « tolérer » les personnes différentes, mais plutôt dans laquelle nous souhaitons « accepter les différences ». Paradoxalement, j’ai bien souvent l’impression qu’il a lui-même de la difficulté à « tolérer » les indépendantistes québécois…
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