Baptisé Jefta (Japan-UE free trade agreement), cet accord concerne une zone de libre-échange couvrant près d'un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial. 85% des produits agroalimentaires de l'UE pourront entrer au Japon sans droits de douane tandis que les Japonais obtiennent de leur côté un libre accès au marché européen pour leur industrie automobile.
À Bruxelles
Après Pékin, Tokyo. Un jour après avoir laborieusement essayé de relancer les difficiles négociations pour un accord d'investissement avec la Chine, l'UE a signé mardi un traité de libre-échange avec le Japon. Un texte qualifié d'«historique» par la porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas, «le plus important jamais négocié par l'UE», qui doit montrer au monde que le multilatéralisme commercial n'est pas mort.
Le Jefta (Japan-EU Free Trade Agreement) vient de loin: lancées en 2013, les négociations patinaient. C'est Trump, en actant le retrait de Washington hors du traité transpacifique et la mort officielle du traité transatlantique en négociation avec Bruxelles, qui a poussé les deux partenaires à accélérer leurs pourparlers. L'accord a été validé en décembre dernier. Dans le climat actuel de guerre commerciale, l'enjeu pour les deux partenaires est à la fois économique et symbolique. La signature d'un traité réunissant 600 millions de consommateurs et représentant 30 % du PIB mondial est un signal fort en faveur de l'ouverture commerciale.
Lors d'une conférence de presse commune, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du Conseil européen, Donald Tusk, ont longuement insisté sur leur rôle de porte-drapeau du libre-échange. «Ce partenariat économique montre au monde la volonté politique inébranlable du Japon et de l'Union européenne de se faire les champions du libre-échange et de guider le monde dans cette direction alors que s'est répandu le protectionnisme», a insisté Shinzo Abe.
Produits alimentaires contre automobiles
Concernant les aspects économiques, le traité doit mettre à bas 99 % des barrières tarifaires japonaises, lesquelles représentent un total d'environ 1 milliard d'euros par an. Les exportations européennes (environ 86 milliards par an) devraient donc augmenter substantiellement - la Commission européenne a avancé le chiffre de 20 milliards d'euros supplémentaires.
«Il y a de la marge: dans beaucoup de secteurs, les parts de marché européennes au Japon sont plutôt faibles, comparées aux performances de l'Union européenne au niveau mondial», insiste Houssein Guimbard, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales. Le grand gagnant sera l'agroalimentaire, qui bénéficiera de la reconnaissance par Tokyo de 200 indications géographiques protégées, et pourrait voir ses exportations augmenter de 180 %. Le secteur du vin profitera d'une élimination totale et immédiate des droits de douane. Bruxelles vise également des bénéfices substantiels pour les produits chimiques (+ 22 % pour les exportations) et les machines électriques (+ 16 %).
Convergence réglementaire
Côté Japon, ce sont surtout les fabricants de produits manufacturés et industriels qui devraient y gagner - et particulièrement les voitures. Bruxelles n'exclut toutefois pas une croissance des exportations automobiles de l'UE vers le Japon. Ses services s'appuient sur l'ouverture du marché coréen, en 2011, qui avait triplé les ventes de voitures européennes vers cet important constructeur automobile.
Au-delà des droits de douane, l'accord contient également un important volet non tarifaire, c'est-à-dire des alignements réglementaires permettant de faciliter le commerce entre les deux blocs. Cela inclut l'ouverture de plusieurs marchés publics japonais, l'adoption par Tokyo de normes internationales déjà respectées par l'UE (automobile, textile, médicaments) et une coopération pour éviter les divergences dans le futur.
Une fois signé, l'accord devra encore être validé par le Parlement européen avant d'entrer en vigueur. Ce dernier prévoit d'achever la procédure d'ici la fin de l'année, ce qui permettrait une entrée en application début 2019.