Les odeurs nauséabondes des placards de l'Histoire

Esclavage en plein 20e siècle dans la patrie des Droits de l'Homme

Immédiatement plongés dans ce milieu aux mœurs préhistoriques, ces enfants déracinés servaient de bêtes de somme, assignés aux corvées les plus dures et les plus infâmes, dans un dénuement d’un autre âge, à la façon de Charles Dickens, vêtus de haillons.

Tribune libre

Si le Québec a eu ses "Enfants de Duplessis", voici la France aux prises avec les "Réunionnais de Debré"

En cette période très troublée par les guerres et les cataclysmes en tout genre, les faits qui suivent peuvent paraître très anodins. Et pourtant... Ces élites politiques françaises toujours prestes à donner des leçons de moral et à faire leur contraire auraient été bien inspirées de prendre des cours de modestie. On croyait en effet que la déportation et la mise en esclavage étaient révolues en France depuis les décrets de Victor Schoelcher. Devant la réalité, on tombe de haut.
Ces tristes épisodes si bien cachés remontent au tout début des années 1960. Compagnon du Général DE GAULLE, premier ministre du gouvernement français, Michel Debré au moment des faits était aussi député de l’île de la Réunion. Devant les problèmes démographiques de ce département d’Outre-mer, il eut alors “l’idée de génie“ de faire jouer les vases communiquant. Et tant qu'à y être, prendre à l’un pour donner à l’autre ce qui manquait fortement aux départements de la Corrèze, de la Creuse ou du Gers, soit de quoi les repeupler.
A l’époque, la Creuse était à tout point de vue considérée comme le dernier département de France. Fort de ce constat, Michel Debré allait planifier avec l’implication de tous les rouages administratifs une politique tout droit inspirée du “Grand Dérangement“ acadien. Cet “aller simple“ (selon les sources les chiffres diffèrent légèrement, mais on peu raisonnablement tabler sur une déportation de 1641 petits Réunionnais âgés de 7 à 13 ans) devait être sans retour dans l’esprit des autorités, dans le but de repeupler ces territoires à plus de 10.000 kms de chez eux, et allait se faire dans des conditions inhumaines pour la majorité des enfants touchés.
La chose fut présentée comme entendue, et c’est donc la DDASS (direction des affaires sanitaires et sociales) qui sera chargée de structurer ce vaste programme et de sa mise en application dans les moindres détails, les autorités préfectorales et judiciaires étant priées de se mettre à disposition pour la réussite d’un tel “chantier“.
Une stratégie de racolage ciblé fut donc élaborée pour endormir la suspicion qu’auraient pu avoir les familles de ces enfants. On fit donc courir le bruit que ces derniers auraient un brillant avenir en poursuivant des études en France et qu’ils reviendraient pour les vacances une fois l’an.
Les assistantes sociales jouaient pleinement sur le terrain leur rôle de rabatteur et d’indicateur pour identifier les familles nombreuses et les enfants, filles ou garçons, issus de milieux pauvres, ou catalogués comme enfants à risque. Ces rabatteuses faisaient miroiter aux familles que c’était uniquement pour le bien de leur enfant. La majeure partie des parents ne sachant ni lire ni écrire, il était alors aisé de leur faire signer n’importe quoi en leur faisant parapher le document d’une croix ou d’une empreinte digitale.
Regroupés dans un foyer de l’APEP au nom prédestiné de "Hell-Bourg" (ça ne s'invente pas !), ceux-ci y étaient pré-conditionnés. C'était un véritable enfer, rempli de passages à tabac, rackets, et abus sexuels de tous ordres. Certains enfants s’enfuyaient, mais ils étaient repris à chaque fois. Là, le travail de déstructuration commençait à la base, avec un changement d’identité, ce qui permettait parfois de découvrir que ce n'était pas la première fois qu'ils en changeaient. Une fois sonnée l’heure du départ, les enfants tous habillés à l'identique étaient mis dans un avion avec des hôtesses qui n’étaient autres que des assistantes sociales. Après des tribulations qui duraient parfois quelques jours, ils arrivaient enfin en France où d’autorité, au mépris des fratries, frères et sœurs étaient immédiatement séparés, les filles d’un côté, les garçons de l’autre, et expédiés manu militari en direction de Guéret, la capitale du "Reich" Creusois, située en plein triangle des Bermudes que constituaient alors les villes de Vichy, Aubusson et Riom (connue de triste mémoire pour sa Cour Spéciale pendant la période 1940/1945, et où avait sévi un certain Fernand de Brinon, Ambassadeur de France auprès des Allemands, membre du gouvernement de Vichy, qui fut fusillé pour collaboration. Les remugles nauséabonds de la guerre imprégnaient encore toute la région au moment de ces événements. Depuis, le marketing a campé une toute autre vision de ce qui est devenu, pour les fins du développement touristique, l'Irlande française.
C’est dans ce microcosme que débarquèrent par vagues successives ces enfants, dont un cas à lui seul est emblématique, Jean-Pierre Gosse, qui résume le chemin de croix qu’ont vécu la quasi totalité de ces « bouts-de-choux », débarqués en plein hiver de leur île natal, mal habillés, passant littéralement d’une température de + 35° à -10° C, et qui après quelques jours dans un centre de Guéret étaient mis à disposition sur le “marché“, non pas pour poursuivre leurs études, mais pour servir littéralement d’esclaves en grande majorité sur des exploitations agricole de la région. Imaginez le désarroi de ces pauvres enfants.
Les “familles d’accueil“, pour utiliser un euphémisme, postulaient et passaient commande pour un esclave auprès de la DDASS, et elles étaient ainsi pourvues en matériel humain en plus de se voir verser par l’Etat français une rente mensuelle pour “l’hébergement“ et “l’éducation“... très spéciale… de ces enfants.
Immédiatement plongés dans ce milieu aux mœurs préhistoriques, ces enfants déracinés servaient de bêtes de somme, assignés aux corvées les plus dures et les plus infâmes, dans un dénuement d’un autre âge, à la façon de Charles Dickens, vêtus de haillons. Ils subissaient les mauvais traitements de leurs “maîtres“ dans ce département réputé pour son climat très rigoureux et humide, couchant dans le froid sans couverture avec les animaux sur les litières couvertes d’excréments, sans aucune autre possibilité de se laver que de casser la glace pour ce faire, et de manger les restes des chiens ou les vomissures des bébés dans le meilleur des cas, sans jamais pouvoir changer de vêtement. Combien eurent les mains et pieds gelés et ne durent leur survie qu’à un miracle.
Bien des enfants fuguèrent, furent repris puis ramenés dans leurs « familles d’accueil » si pleines des “meilleures intentions“ à leur égard. Combien sombrèrent dans la maladie mentale, déboussolés, perturbés par d'horribles cauchemars, ou tentèrent de s’ouvrir les veines ou se pendirent… Tout ceci avec la complicité totale des services sociaux et judiciaires, à telle enseigne qu’un membre du Barreau de ce département du Limousin confessait: « ici nous sommes dans un département qui vit en dehors des lois, où certains peuvent tout se permettre avec les complaisances à tous les échelons ». La chape de plomb qui entourait toutes ces injustices explique comment ces mises en esclavage aient pu être perpétrées dans l’indifférence la plus totale. En fait, c'est l’Etat français lui-même qui a été l’instigateur et le bras armé de cette Déportation.
Les très rares cas d’enfants qui réussirent à avoir un meilleur traitement ne doivent en aucune façon faire perdre de vue les enfants de 1960 qui aujourd’hui sont des vieillards malades et perclus de douleurs essayant tant bien que mal de faire valoir leur misère et les promesses non tenues à leurs familles réunionnaise, ayant même perdu tout contact avec celles-ci, ne connaissant même pas leur nom d’origine, complètement déstructurés, floués par le mirage d’un avenir idyllique, sans jamais avoir eu la chance de revoir leur terre natale, pourtant vantée comme paradisiaque. À côté de leur sort, celui des "Enfants de Duplessis" passerait pour éminement enviable.
Sous l’égide de leur président Simon A-POI, ils se sont regroupés au sein de « l’Association des Réunionnais de la Creuse » et ont assigné l’Etat en justice pour le mettre aux pieds de ses responsabilités en demandant réparation de toutes ces exactions commises sous le couvert de la DDASS et de la Mutualité Sociale Agricole de Guéret. C'est bien le moins que puisse faire le pays qui se targue d’être la patrie des « Droits de l’Homme » pour ces malheureux. Comme à l’accoutumée, l’Etat français joue la montre, en espérant que, de guerre lasse ou par extinction naturelle, ces oubliés d’un autre siècle se feront oublier.
Christian SÉBENNE


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3 commentaires

  • Christian Sébenne Répondre

    15 septembre 2011

    Additif
    Mon propos était de sensibiliser et faire connaître un déni de justice actuel dont le sort des malheureux n’intéresse personne et pour lesquels les responsables ne veulent surtout pas de vagues, à fortiori dans un endroit qui tôt ou tard devra rendre des comptes et dont la caste de ces suppôts tombera un jour ou l’autre vue la tournure que prennent les événements en France, une fois que vous aurez vu cela vous verrez que ce régime est amené à être traduit devant une Haute Cour.
    http://www.dailymotion.com/video/xhktd8_pedo-satanicus-corrige_news?start=58#from=embed
    En ce qui concerne l’exploitation des enfants en Côte d’Ivoire, je me permettrais juste d’ajouter pour l’avoir dénoncé haut et fort, l’intervention onusienne truquée de la France pour placer Alassane Ouattara dans le but d’assurer la continuité du transport des valises comme l’a si bien décrit l’avocat des basses œuvres Me Robert BOURGI, et me fait dire que certains ont la mémoire courte, Ouattara premier ministre de la Côte d’Ivoire est parti en 1993 en vidant les caisses de l’Etat avec un pactole de 10 milliards de Francs CFA avant dévaluation et bien entendu hors prédation des biens de l’Etat ivoirien laissant un pays exsangue, la communauté internationale avec « Sarko m’a tuer » viennent de remettre le loup dans la bergerie avec cet escroc international, on prend donc les mêmes et on recommence, il ne faut donc pas s’étonner dans ces conditions de voir des enfants exploités par telles ou telles compagnies.
    J’en finirais juste en précisant que la résultante de tout cela maintenant en Côte d’Ivoire, est que ce sont des enfants de 10 ans, qui fusil mitrailleur à la main tuent pour survivre, l’exemple du Libéria voisin n’a servi à rien. Il est loin le temps de l’Akwaba qui fut tant prôné dans ce pays par le père de la Nation Ivoirienne, dont la paix était une culture et un art de vivre.
    Christian Sébenne

  • Archives de Vigile Répondre

    14 septembre 2011

    Autre anecdote, livrée par Les grands reportages cette semaine:
    Avec la complicité de Nestlé's (Suisse) Callebaut (Belgique) et autres, la Côte d'Ivoire ferme les yeux sur le traffic d'enfants (12 ans)enlevés dans les pays voisins pour travailler sans salaire dans les fermes de cacao!
    Pour que nous puissions nous régaler de ces bons chocolats belges et suisses...

  • Archives de Vigile Répondre

    14 septembre 2011

    Pas besoin d'aller chez les Français. La même chose s'est passée au Canada, le plusse meilleur pays au monde, avec de bon petits Britanniques importés «from England».
    C'est comme l'anti-sémitisme dont les Canadians essaient d'affubler les Québécois en interprétant avec de grands haut-le-coeurs les écrits de Lionel Groulx. Le chanoine était peut-être un théoricien de «la race» canadienne-française, mais ce n'était pas lui qui gouvernait le Canada quand Mackenzie King a dit NON aux Juifs poursuivis par les Nazis. Il y a bien eu un certain Adrien Arcand, mais n'était-il pas un «royaliste» et un Canadian convaincu?
    Et au fait: ce ne sont pas les Québécois qui ont mis les Indiens dans les réserves et massacré les Métis.