Élections: les libéraux sont restés à la maison, les péquistes sont allés ailleurs

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« Toute la structure partisane du PLQ est rendue anémique. Comme il n'y a plus beaucoup de militants, ils n'ont pas été en mesure de sortir le vote. »

Des milliers d'électeurs libéraux sont restés à la maison lundi, tandis que de nombreux péquistes ont décidé d'appuyer un autre parti. Une analyse détaillée du vote aux urners met en lumière l'abstentionnisme d'une importante partie de l'électorat du PLQ et le transfert de nombreux votes du PQ vers la CAQ et QS pour expliquer pourquoi le résultat des élections a déjoué les prévisions. Survol.


« Il y a eu une chute dramatique de la participation dans les circonscriptions moins francophones, où le PLQ domine outrageusement », observe Marc-André Bodet, du département de science politique de l'Université Laval.


DES BASTIONS LIBÉRAUX EN FORTE BAISSE


Lors des élections de lundi, 250 000 électeurs de moins ont voté par rapport à 2014. Pour trouver ces abstentionnistes, il suffit de regarder du côté des circonscriptions ayant voté pour le PLQ.


En effet, les secteurs ayant connu la plus importante chute de leur taux de participation sont tous des « châteaux forts » du PLQ, principalement dans l'ouest de Montréal. C'est ainsi dans Robert-Baldwin que le taux de participation a le plus baissé lundi soir (77 % en 2014 contre 56 % lundi). Même s'il a été réélu, Carlos Leitão a ainsi perdu plus de 14 000 votes par rapport aux dernières élections.


 


« On voit que la participation a baissé dans les circonscriptions qui ont voté libéral en 2014, tandis qu'il y a une légère augmentation dans celles qui avaient voté PQ et pas de changement dans celles de la CAQ. Visiblement, une large proportion des libéraux n'est pas allée voter », observe Jean-Herman Guay, professeur de science politique à l'Université de Sherbrooke.


RETOUR À LA NORMALE


« Il y a eu une chute dramatique de la participation dans les circonscriptions moins francophones, où le PLQ domine outrageusement », observe Marc-André Bodet, du département de science politique de l'Université Laval.


Ce membre du Groupe de recherche sur le fonctionnement de la démocratie note que les élections de 2014 avaient marqué une forte hausse de la participation dans les circonscriptions non francophones alors que le débat sur la Charte des valeurs faisait rage. « La baisse observée cette année est donc en partie un retour à la normale de 2012, et en partie une désaffection réelle d'électeurs libéraux, qui n'ont nulle part où aller lorsque le PLQ ne fait plus l'affaire », poursuit M. Bodet.


Même son de cloche d'André Blais, professeur de science politique à l'Université de Montréal : « Les anglophones se trouvent dans des circonscriptions où les libéraux sont pratiquement assurés de gagner, alors ils sont souvent tentés de ne pas voter. Ils se mobilisent quand il y a un risque de victoire du PQ ou de référendum. »


ABSTENTIONNISME LIBÉRAL


Les 32 libéraux élus lundi soir l'ont été avec en moyenne 8200 votes de moins qu'en 2014. Aucun n'a récolté plus d'appuis que la dernière fois. Or, les électeurs ne semblent pas avoir transféré leur vote du PLQ aux autres partis parce que les appuis de la CAQ et de QS ont augmenté de façon plus modeste.


Autre signe de l'abstentionnisme libéral : le taux de participation dans ces 32 circonscriptions libérales a globalement reculé de 12 %. Une partie de l'abstentionnisme pourrait s'expliquer par des problèmes de rodage au PLQ, alors que le nombre de membres a fondu de plus de moitié ces dernières années, dit Jean-Herman Guay. « Toute la structure partisane du PLQ est rendue anémique. Comme il n'y a plus beaucoup de militants, ils n'ont pas été en mesure de sortir le vote. C'est peut-être la machine qui est devenue déficiente à l'ère de Philippe Couillard. »


UN DÉSINTÉRÊT QUI COÛTE CHER


La faible sortie du vote libéral pourrait avoir coûté leur siège à certains libéraux. C'est notamment le cas de Pierre Moreau dans Châteauguay. Celui-ci a en effet récolté 6700 votes de moins qu'en 2014. Sa rivale caquiste MarieChantal Chassé a réussi à tabler sur ce désintérêt, récoltant 5000 appuis de plus qu'en 2014, ce qui lui a permis de rafler la mise.


Dans Ungava, le candidat de la CAQ a bénéficié de la chute du vote libéral et de celle du vote péquiste. Le député sortant Jean Boucher a perdu plus de la moitié de ses appuis (- 2500) tandis que le PQ a perdu 1400 votes. Même si la CAQ a attiré moins de 500 nouveaux électeurs par rapport aux dernières élections, son candidat Denis Lamothe a pu se faufiler dans cette chaude lutte à trois.


ÉCHANGES PÉQUISTES


Même si le PQ a lui aussi perdu de nombreux votes lundi, Jean-Herman Guay ne croit pas que ses électeurs aient boudé pour autant les urnes. Il en veut pour preuve le taux de participation, qui a légèrement augmenté dans les circonscriptions qui avaient élu le PQ en 2014.


En analysant les résultats, il conclut plutôt que ces électeurs ont changé d'allégeance. « Les péquistes ne sont pas restés chez eux, ils sont allés voir ailleurs », dit le politologue.


COMMENT EXPLIQUER LES SONDAGES ?


La faible sortie du vote libéral pourrait expliquer en partie pourquoi les sondages étaient si éloignés des résultats. « Les gens disaient aux sondeurs qu'ils allaient voter libéral, mais ils ne sont pas allés voter », résume Jean-Herman Guay.


Mais cet abstentionnisme n'explique qu'une partie de l'écart, précise la spécialiste des sondages Claire Durand, professeure à l'Université de Montréal. « Ça ne peut pas tout expliquer. Ça peut être un facteur, mais il y a un écart trop important pour que ce soit juste cela. Objectivement, c'est la pire erreur des sondages au Québec depuis le début des sondages », tranche-t-elle. La spécialiste soumet aussi l'hypothèse que les sondages pourraient avoir été faussés par les échantillons.


La proximité sur le spectre politique des deux meneurs pourrait avoir brouillé les cartes, comme ce fut le cas en Colombie-Britannique en 2013. Claire Durand estime enfin que des mouvements de dernière minute pourraient être survenus en fin de campagne.


TRANSFERTS À L'EXTÉRIEUR DE MONTRÉAL


Hors des circonscriptions anglophones, André Blais soupçonne que, plutôt que bouder les urnes, des électeurs libéraux mécontents ont pu déserter le PLQ pour voter pour la CAQ. « Il y a toujours plus de mouvement qu'on pense », évoque le politologue.


D'ailleurs, quand on regarde le vote des 72 circonscriptions remportées par la CAQ, on y note que la formation de François Legault a récolté en moyenne 5800 votes de plus qu'en 2014, soit à peu de chose près les pertes du PLQ. À noter, le vote péquiste a aussi grandement baissé dans ces secteurs (- 3700) tandis que QS a haussé ses appuis de 2900. Les solidaires n'auraient donc pas récupéré la totalité des péquistes ayant abandonné le navire.


UNE BAISSE PROFITABLE À QS ET AU PQ


La faible sortie du vote libéral a aussi profité à QS et au PQ. Dans Laurier-Dorion, au coeur de Montréal, le candidat libéral qui tentait de conserver la circonscription a récolté 6600 votes de moins que Gerry Sklavounos en 2014. Le candidat solidaire Andrés Fontecilla a réussi à se faire élire en obtenant 4900 appuis de plus qu'aux dernières élections.


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