Du Poutine bashing au Trump bashing

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Le nouveau maccarthysme


Méfions-nous des comportements moutonniers et des manipulateurs qui les provoquent…


On sait qu’en France la politosphère et la médiasphère sont en osmose permanente. L’une et l’autre viennent de passer du Poutine bashing au Trump bashing. On s’est félicité qu’Emmanuel Macron ait fait un geste réparateur vis-à-vis du président russe. Mais les propos qu’il lui a tenus ne dégagent pas vraiment sa politique de celle de ses prédécesseurs. Quand on parlera du retour légitime de la Crimée à la Russie au lieu de parler de son « annexion », on fera preuve de bon sens, et de politique. Curieux que nos russophobes de service ne parlent jamais de l’annexion de la Palestine par l’État d’Israël, ni de celle de la moitié de l’île de Chypre par la Turquie… Poids et mesures vont rarement ensemble.


« Climatoagnostique »


Quant au président américain, il vient de soulever la réprobation apparente de la planète en annonçant le retrait de son pays du fameux Accord de Paris sur le climat. Beaucoup de ces indignés reprochent souvent aux élus de ne pas tenir leurs engagements de campagne ; les mêmes jugent scandaleux que Donald Trump en tienne un. La question climatique ne cesse de soulever les passions depuis quelques années. Le moins qu’on puisse dire est que cette question ne fait pas l’unanimité, mais engendre en revanche un certain terrorisme.


Ce terrorisme a été fort bien décrit et analysé par Olivier Postel-Vinay dans son ouvrage La Comédie du climat – comment se fâcher en famille sur le réchauffement climatique (1). L’auteur est le contraire d’un réactionnaire sceptique et grincheux ; il renverrait plutôt au vieux clivage de la gauche ou de l’écologie, mais il pense par lui-même. Ce qu’il écrit sur ce sujet mérite d’être médité : « Chez les scientifiques, qui ne sont pas toujours des êtres de raison, l’adhésion à la Thèse a parfois des connotations quasi religieuses. Plus souvent qu’on le souhaiterait, ils s’appuient sur une idéologie : un système d’idées, une doctrine, qui commande un comportement au plan individuel et collectif. […] Où suis-je ? Si j’avais à me trouver un qualificatif, ce serait celui de climatoagnostique. Pour l’agnostique, l’existence de Dieu est possible, mais ne peut n’être ni démontrée ni infirmée ; l’agnostique réserve son jugement. De mon point de vue, il en va de la Thèse comme de Dieu. Pour l’heure, elle ne peut n’être ni démontrée ni infirmée. L’un des objets de ce livre est d’expliquer pourquoi. »


Postel-Vinay ajoute : « Le besoin de croire est un de nos ingrédients essentiels, observait Gustave Le Bon, le fondateur de la psychologie des foules. Ce besoin n’épargne pas les experts, qui sont des hommes comme les autres ; si bien qu’une erreur collective d’experts peut être renforcée par le fait qu’elle apporte du sens à l’existence. Dans les milieux cultivés de nos démocraties, ceux qui adhèrent à une religion admettent qu’il s’agit d’une croyance collective autant que personnelle. Mais jamais la philippique d’un athée n’a égratigné la foi d’un croyant. » Voilà un auteur qui a l’esprit clair dont certains de nos commentateurs et politiciens feraient bien de s’inspirer.


Les contradictions de Trump et d’Obama


Les Occidentaux avaient beaucoup critiqué Barack Obama, principalement parce qu’il avait refusé, au grand dam de Hollande et de Fabius, de bombarder la Syrie, instruit qu’il était des politiques précédentes qui avaient détruit l’Irak et la Libye. On lui doit aussi un certain retour à la normale dans les rapports avec Cuba, que les États-Unis ont asphyxié pendant cinquante ans sans autre résultat que de fortifier le régime qu’ils condamnaient. De même Obama est-il parvenu à un accord avec Téhéran, que Fabius voulait faire capoter, et que Trump veut remettre en question pour satisfaire la grande démocratie de Riyad.


Alors qu’il y a tant de problèmes au Proche-Orient dont il faudrait s’occuper plutôt que d’envoyer des armes à des pays qui disposent déjà de l’arme nucléaire, il nous est difficile de comprendre pourquoi les États-Unis soutiennent une nouvelle guerre religieuse entre sunnites et chiites, dont ils ignorent tout. On sombre même dans l’aberration lorsque Trump accuse Téhéran de soutenir le terrorisme alors que l’Iran le combat en Syrie, et le subit même dans ses propres frontières, ce que se gardent de faire les Saoudiens. Et alors que Donald Trump lui-même envoie des commandos de la CIA pour soutenir des rebelles syriens qui, au lieu de combattre Daech, luttent contre Damas.


Donald Trump s’empêtre dans les contradictions, c’est entendu. Mais il est permis de se demander pourquoi on lui reproche, en Amérique même, d’avoir tenté de sortir de l’absurde politique de retour à la guerre froide, poursuivie par Barack Obama, qui n’était pas lui-même à une contradiction près. En France, plusieurs candidats à l’élection présidentielle avaient soin de rompre avec l’imbécile politique anti-russe de Hollande, et s’étaient même rendus en Russie pour baliser l’avenir. Il est peu compréhensible qu’aux États-Unis, les pouvoirs établis se comportent comme si la Russie était un ennemi déclaré et comme s’il pouvait relever de la trahison d’avoir quelques contacts, d’ailleurs indirects, avec Moscou. Et alors ?


Vers un nouveau maccarthysme


Nous sommes dans un nouveau maccarthysme. C’était plutôt une bonne nouvelle que de vouloir en finir avec la guerre froide. Mais il semble qu’à Washington on ne se souvienne pas que, dès décembre 1966, le sénateur Joseph Clark dénonçait déjà la mainmise croissante « de la CIA, du FBI et du complexe militaro-industriel » sur la conduite des affaires, et rappelait que, en son temps, « le général Eisenhower a mis en garde contre les liens établis entre les industriels et les militaires et dont l’existence est clairement démontrée par leur pression énorme sur l’opinion publique et sur le Parlement, ainsi que par l’importance de l’aide américaine aux régimes militaires des différentes régions du monde ». (2)


N’oublions pas que Donald Trump a été élu contre Hillary Clinton, dont le bellicisme avait de quoi inquiéter. N’oublions pas non plus que le directeur limogé du FBI n’avait pas peu contribué à déstabiliser la candidature d’Hillary Clinton. Aujourd’hui, il se laisse manipuler pour déstabiliser Donald Trump. Ceux qui émettent des doutes sur l’état mental du président américain feraient bien de s’intéresser à celui de James Comey.


(1) Éditions JCLattès, 2015


(2) Le Monde, 20 décembre 1966



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