Caisse de dépôt et placement

Des PCAA risqués

L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau

Photo: La Presse Canadienne /Ryan Remiorz
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Du nouveau sur les 12,6 milliards de dollars de papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA) que détenait la Caisse de dépôt et placement du Québec, à la veille de la comparution du nouveau président de la Caisse en commission parlementaire à l'occasion de l'étude des crédits.
Radio-Canada a appris que la Caisse a investi de façon importante dans le plus risqué des PCAA, des titres sans aucune entente de liquidités.
L'ex-patron de la Caisse de dépôt et placement Henri-Paul Rousseau déclarait devant le comité des comptes publics: « Je gère l'argent des Québécois, je vais le gérer avec prudence. »
Des choix risqués
Mais ce qui n'a pas été dit, c'est qu'il y avait deux classes de papiers commerciaux: les séries A, assorties d'une entente de liquidité, et les séries E, sans aucune garantie.
« La Caisse de dépôt en a des milliards de cette catégorie », explique l'ex-président de la Banque Laurentienne, Pierre Goyette.
Pour 6 milliards de dollars en fait, sans garantie de liquidités. Ce qui correspond à près de la moitié des 12,6 milliards de dollars de papiers commerciaux achetés par la Caisse.
« Si la garantie de liquidité ne s'applique pas, c'est vous qui, comme client, assumez le risque », explique Carmen Crépin, vice-présidente de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières. « Je pense que plusieurs clients, s'ils avaient bien compris, n'en auraient pas acheté », ajoute-t-elle.
La Caisse de dépôt et placement n'aurait pas su ce qu'elle achetait alors qu'elle détenait presque les deux tiers des papiers commerciaux au Québec et 40 % au Canada?
La Caisse de dépôt, de même qu'Henri-Paul Rousseau, ont refusé toute entrevue avec Radio-Canada.
« On ne peut certainement pas argumenter que la Caisse de dépôt n'était pas au courant de la distinction entre les séries E et A, parce que ce sont des investisseurs avertis », s'exclame le professeur Louis Gagnon, spécialiste des produits dérivés.
De plus, la Caisse était actionnaire de Coventree, une des principales sociétés émettrices de papiers commerciaux.
Effet d'entraînement
Une partie du Québec inc. a imité la Caisse et acheté des séries E, sans plus de vérifications.
« Il y a une affaire qui se dit dans le marché du placement: "si c'est bon pour la Caisse, c'est bon pour moi" », explique Pierre Goyette.
Et c'est ainsi que la Bibliothèque nationale a acheté des séries E, ainsi que le comité qui gère la taxe scolaire de Montréal. Domtar y a investi près de 300 millions de dollars du fonds de retraite de ses employés.
« Il y a des milliards de dollars qui ont été mis en risque, sans que les investisseurs comprennent vraiment ce qu'ils ont fait. Tout cela pour des dixièmes de pourcentage de rendement de plus que le papier de série A, plus sécuritaire », conclut Louis Gagnon.
Comprendre le PCAA
Le papier commercial adossé à des actifs non bancaires (PCAA) est issu de l'achat d'actifs de différents prêteurs dans des secteurs comme les hypothèques, les prêts-baux automobiles et les cartes de crédit.
L'institution financière acquiert ces créances et les regroupe dans une fiducie. L'achat de ce portefeuille d'actifs est financé par l'émission de papier commercial.
Le papier commercial est la représentation des titres de dettes à court terme ainsi émis. Ces derniers sont des obligations dont un particulier ou une entreprise doit s'acquitter dans un délai relativement court, dans ce cas-ci de 30 à 90 jours.
Chaque fois qu'une émission arrive à échéance, d'autres investisseurs s'impliquent. La crise des hypothèques à risque aux États-Unis a rendu ces titres moins attirants et a fait chuter la demande. Des obligations sont donc restées sans preneur.


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