Marco Bélair-Cirino - Faisant fi des avertissements, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a solennellement exposé hier la demande d'adhésion de la Palestine à l'Organisation des Nations unies (ONU), faisant bondir le Quartette pour le Proche-Orient, qui a mis moins de quatre heures pour soumettre une offre détaillée de reprise du dialogue entre les Israéliens et les Palestiniens.
Malgré les pressions exercées par Tel-Aviv et Washington pour tenter de l'en dissuader, Mahmoud Abbas a remis, à 11h46, une lettre au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le priant de transmettre la demande de reconnaissance de l'État palestinien au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale.
Puis, après avoir gagné l'estrade de la salle de l'Assemblée générale sous des applaudissements nourris, il a déclaré: «En tant que président de l'État palestinien et président du comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine, j'ai présenté à Son Excellence Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, une candidature d'adhésion de la Palestine sur la base des frontières du 4 juin 1967 et avec Jésuralem-Est pour capitale en tant que membre à part entière de l'ONU.»
«Le soutien des nations du monde à notre action signifie une victoire du bien, de la justice, de la liberté et du droit international», a-t-il ajouté, alors que des milliers de personnes en liesse s'étaient rassemblées notamment sur la place principale de la ville cisjordanienne de Naplouse pour regarder son allocution sur un écran géant.
D'autre part, M. Abbas n'a pas manqué de dénoncer la poursuite de la colonisation israélienne sur les terres revendiquées par les Palestiniens. Le feu vert à la colonisation, qui «est responsable de l'échec persistant des tentatives successives pour sauver le processus de paix [...], menace la structure de l'Autorité palestinienne et risque même de mettre un terme à son existence», a-t-il mis en garde.
De son côté, le premier ministre d'Israël, Benjamin Nétanyahou, qui a pris la parole après Mahmoud Abbas, a donné l'assurance que son pays «avait la volonté de faire des compromis douloureux».
«Je tends la main au peuple palestinien», a lancé le chef du gouvernement israélien. «La vérité est qu'Israël veut la paix, la vérité est que je veux la paix. Mais nous ne pouvons pas parvenir à la paix par des résolutions de l'ONU.»
Le premier ministre a averti que les Palestiniens devaient reconnaître Israël en tant qu'État juif, ce qu'ils refusent de faire, considérant que cela compromettrait les droits des réfugiés palestiniens. «Reconnaissez l'État juif et faites la paix avec nous», a déclaré M. Nétanyahou, rejetant la position palestinienne selon laquelle le fond du conflit, c'est la question de la colonisation.
Les Palestiniens, a-t-il poursuivi, «devraient vivre dans un État libre à eux, mais ils devraient être prêts à des compromis [et] commencer à prendre au sérieux les inquiétudes d'Israël en matière de sécurité».
M. Nétanyahou a aussi réitéré son invitation de rencontrer sur-le-champ M. Abbas, alors que les négociations directes sont interrompues depuis un an entre les deux parties.
Le Quartette saute dans la mêlée
Les dirigeants palestinien et israélien étaient à peine descendus de la tribune que le Quartette (États-Unis, ONU, Russie, Union européenne) s'est empressé de fournir un calendrier de négociation, et de fixer l'objectif d'un accord final au plus tard à la fin de 2012.
«Le président Abbas a présenté sa lettre, il est impératif d'en prendre note et d'offrir des idées en réponse. Nous devons retourner à l'essentiel, qui est de trouver le moyen de relancer les négociations», a expliqué un haut responsable américain.
D'ici un mois, les deux parties se rencontreraient une première fois afin d'adopter «un calendrier» et «une méthode de négociations». Ils prendraient notamment l'engagement de conclure un accord définitif «au plus tard» à la fin de l'année prochaine, 2012. Les négociateurs des deux camps soumettraient ensuite «des propositions complètes d'ici trois mois» sur la sécurité, dont la question des frontières, et s'engageraient à «des progrès substantiels en six mois».
La déclaration du Quartette s'inspire largement du discours de mai du président des États-Unis, Barack Obama, dans lequel il propose de reprendre les négociations sur la base des frontières d'avant la guerre israélo-palestinienne de 1967, avec des échanges de territoire acceptés par les deux camps. Mais, le Quartette n'aborde pas, par exemple, la question épineuse des colonies juives, ni la demande d'Israël d'être considéré comme l'État-nation du peuple juif.
Le plan prévoit en revanche de tenir «au moment qui conviendra» une conférence internationale à Moscou pour faire un état des lieux.
Les Palestiniens ont rapidement appelé Israël à «saisir l'occasion offerte par le Quartette», présentant toutefois des conditions. «Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités [...], mais Israël doit prendre les siennes et arrêter la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est», a déclaré à l'AFP le négociateur Saëb Erakat.
«Nous sommes en train d'étudier la déclaration [du Quartette]», a fait savoir de son côté à l'AFP un haut responsable israélien.
La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a appelé les deux ennemis à saisir la main tendue par le Quartette et à «tirer profit de cette occasion de retourner au dialogue».
194e membre de l'ONU
La demande de reconnaissance palestinienne s'appuie sur deux résolutions onusiennes portant sur la partition de la Palestine et les frontières d'avant la guerre des Six Jours en 1967, a précisé un diplomate palestinien sous le couvert de l'anonymat.
M. Abbas exhorte l'ONU à reconnaître un État palestinien dans les frontières de 1967 — y compris la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza —, qui deviendrait le 194e État membre de l'organisation internationale si la requête était acceptée.
Pour être adoptée, la requête doit recevoir l'aval de neuf des quinze membres du Conseil de sécurité et ne faire l'objet d'aucun veto parmi les cinq membres permanents; la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie.
Mais il semble exclu que le Conseil de sécurité — dont l'accord est indispensable — donne son feu vert, car les États-Unis ont promis d'opposer leur veto à la requête palestinienne, répétant que la création d'un État palestinien fera suite à des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens.
Si la demande est rejetée comme prévu, les Palestiniens demanderont probablement à l'Assemblée générale de l'ONU de rehausser leur statut actuel d'«observateur non membre» en leur accordant celui d'«État observateur non membre», ce qui leur permettrait d'adhérer à des agences onusiennes et à des traités internationaux, y compris celui qui fonde la Cour pénale internationale (CPI).
Le Conseil de sécurité se penchera sur la requête de la Palestine à compter de lundi, mais ne devrait toutefois pas se prononcer par un vote sur celle-ci avant des semaines, laissant libre cours à un époustouflant ballet diplomatique.
Le discours avive les tensions
Les tensions autour de l'initiative palestinienne faisaient craindre une nouvelle flambée de violence au Proche-Orient. L'armée israélienne s'est placée en état d'alerte élevée en prévision d'une «attaque imminente» du Hamas le long de la frontière entre Israël et l'Égypte.
Près du village de Qusra, en Cisjordanie, des soldats israéliens ont abattu un Palestinien durant des affrontements entre villageois palestiniens et des colons israéliens, selon Tsahal.
La soirée a été marquée par des incidents pour la plupart sans gravité, alors que des milliers de Palestiniens en liesse s'étaient rassemblés dans les rues afin de suivre sur des écrans géants le discours historique de Mahmoud Abbas à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé