Dette américaine

Décote historique pour Washington

Le Trésor américain dit avoir découvert une grossière erreur de 2000 milliards dans l'analyse de l'agence Standard & Poor's

Dettes et Décote américaine


François Desjardins -
Une semaine déjà tendue sur les marchés a pris fin de façon pour le moins spectaculaire en soirée lorsque Standard & Poor's, une des trois grandes agences de cotation, a retiré au Trésor américain sa cote AAA, la plus haute qui soit, en estimant que Washington est aux prises avec un endettement inquiétant et que le climat politique n'est pas propice à un assainissement des finances publiques.
L'humiliante décote des États-Unis, dont la note passe de AAA à AA+, est une première dans son histoire. Cela risque de miner la confiance des investisseurs de manière significative, une décote ayant en outre l'effet très concret d'augmenter le coût d'emprunt lors des émissions d'obligations gouvernementales puisqu'elle pose un bémol sur la capacité de rembourser. Le geste survient alors que Fitch et Moody's, cette semaine, ont chacune maintenu la cote AAA.
Les médias américains rapportaient en soirée que l'annonce de S&P avait été reportée de quelques heures, car le Trésor américain a découvert une grossière erreur de 2000 milliards dans les projections que S&P faisait quant à l'évolution de la dette. Présentement, la dette atteint 14 400 milliards.
Après la forte baisse des marchés, jeudi, qui a eu pour effet d'amener les Bourses en territoire de correction, la journée d'hier avait débuté par une nouvelle spirale descendante avant un étonnant revirement qui a permis de regagner à peu près tout le terrain perdu.
Alors que la Bourse de Toronto a perdu 1,76 % à 12 162 points, ce qui porte à 7 % son recul sur la semaine, la situation était moins claire à Wall Street, où le S&P 500 a fini à peu près au même point tandis que le Dow Jones a gagné 0,5 % à 11 445 points. Les marchés asiatiques et européens ont essuyé des baisses oscillant entre 1 et 4 %.
Avant que Standard & Poor's ne fasse son annonce hier soir, l'attention du jour était allée aux données du chômage américain, qui n'ont pas été la catastrophe appréhendée. La semaine prochaine sera cruciale, tant sur le plan politique qu'économique, car la Réserve fédérale américaine entend se réunir mardi dans ce qui est devenu un contexte de grande volatilité boursière et de pessimisme d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique.
Panique
«On a eu une semaine extrêmement volatile, a dit Mathieu d'Anjou, économiste principal au Mouvement Desjardins. On peut même parler de panique à certains moments. Il faut dire que depuis quelques semaines, il y a eu une accumulation de nouvelles inquiétantes. Les problèmes d'endettement de certains pays européens font craindre un risque de contagion, ce que les investisseurs n'aiment pas.»
À New York, la hausse de l'indice Dow Jones a permis de limiter à huit le nombre de séances consécutives en baisse. L'agence Bloomberg a d'ailleurs calculé que depuis le 26 juillet, le recul des marchés un peu partout dans le monde a effacé 4500 milliards en valeur boursière.
Selon les données publiées en matinée, l'économie américaine a créé 117 000 emplois au cours du mois de juillet et le taux de chômage — perçu comme un baromètre de la croissance — est passé de 9,2 % à 9,1 %. Cependant, les données montrent que près de 200 000 personnes ont carrément quitté le marché du travail, ce qui explique la baisse. Il est généralement convenu que l'économie, pour suivre la croissance de la population, devrait générer 150 000 emplois.
«Malgré un certain soulagement offert par le rapport, la Réserve fédérale demeurera aux aguets, car plusieurs indicateurs d'activité économique ont fait état d'un ralentissement important en juillet, après la croissance médiocre enregistrée en première moitié d'année», a écrit le Mouvement Desjardins dans une note à ses clients.
Mardi, tous les yeux seront donc rivés sur la Fed, qui peut difficilement réduire son taux directeur encore plus, mais qui pourrait agir autrement pour essayer de soutenir l'économie. L'hiver dernier, elle a acquis pour environ 600 milliards en obligations gouvernementales pour fournir aux établissements financiers des liquidités afin de poursuivre leurs opérations de prêts.
Ce genre de mesure, appelée «assouplissement quantitatif», est également utilisée par d'autres banques centrales dans le monde, notamment en Europe, où les dirigeants cherchent par tous les moyens à éviter une nouvelle opération de sauvetage, cette fois auprès de l'Italie.
Probabilité d'une récession
Lors d'un entretien avec le service télé de l'agence financière Bloomberg, le professeur d'économie Nouriel Roubini, qui avait prédit la crise de 2007-2008, a indiqué hier qu'il estime à plus de 50 % la probabilité d'une nouvelle récession en sol américain. Si l'économie n'est pas encore techniquement en récession, a-t-il dit, elle croît à un rythme si faible — 0,8 % en cadence annuelle pendant la première moitié de 2011 — que pour le monde ordinaire, c'est comme si la récession était déjà en cours.
La situation est d'autant plus compliquée que l'Europe est, elle aussi, aux prises avec de graves problèmes. Les investisseurs ne cessent de se départir de leurs obligations gouvernementales émises par l'Italie, à tel point que Rome doit maintenant offrir plus de 6,1 % d'intérêt si elle veut en émettre de nouvelles.


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