D'où vient cette allergie au leader charismatique ?

Tribune libre


« Comme je l’évoquais récemment, le drame que vit le Québec actuellement est celui de l’effondrement moral de sa classe dirigeante . Plus on réfléchit à cette problématique, plus on acquiert la conviction que la solution ne réside pas tant dans l’apparition soudaine à l’horizon d’un quelconque chevalier sans peur et sans reproche ou d’une version locale de Jeanne d’Arc, que dans celle d’un projet à la fois audacieux, nécessaire et mobilisateur qui redonnerait aux Québécois un motif de fierté, de confiance et d’espoir, comme l’avait fait au début des années 1960 le projet de nationalisation de l’électricité… »

Extrait de l’article de Richard Le Hir paru sur cette tribune libre sous le titre « Quand le panier de crabes déborde » en date du 3 juillet 2013.
À cet effet, qui d’autre que René Lévesque se serait érigé en
« chevalier sans peur et sans reproche » pour avoir l’audace de proposer la nationalisation de l’électricité? Qui d’autre que René Lévesque, le politicien charismatique, aurait suscité, telle « une version locale de Jeanne d’Arc », une telle mobilisation autour du projet de la souveraineté du Québec?
Comment se fait-il que les oies migratrices, d’instinct, se disposent en V pour atteindre leur destination, confiant à l’une d’entre elles, le soin de les diriger alors que nous, êtres humains, censément raisonnables, remettions en question la pertinence de l’« oie dirigeante »?
Et, pour reprendre les termes de Richard Le Hir, pourquoi le « projet à la fois audacieux, nécessaire et mobilisateur qui redonnerait aux Québécois un motif de fierté, de confiance et d’espoir » ne serait-il pas la marche du Québec vers son indépendance?
D’où vient cette allergie au leader charismatique? D’où nous vient cette utopie que le mouvement syndical ne serait pas ce qu’il est devenu aujourd’hui sans la détermination sans limite de Michel Chartrand ou que les Noirs américains auraient atteint un tel niveau d’égalité avec les Blancs sans le « rêve » que caressait Martin Luther King?
De tout temps, des leaders ont exercé leur pouvoir de mobilisation autour de la cause qu’ils défendaient…Pourquoi aujourd’hui en serait-il autrement? À mon sens, le « projet mobilisateur » dont fait allusion Richard Le Hir, quel qu’il soit, ne saurait atteindre son but sans le moteur incarné par un leader charismatique qui saura le mener à terme avec la complicité des Québécois qu’il aura su mobiliser…sinon, nous nageons en plein scénario de science fiction!
Henri Marineau
Québec

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Henri Marineau2033 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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10 commentaires

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    14 juillet 2013

    @ Henri Marineau
    Si vous m'avez bien lu, j'ai écrit que Lévesque et Lesage avaient dirigé des équipes qui ont accompli des changements.
    En tant que leader charismatique, Bourgault, Lévesque, Parizeau et Aussant ont en commun d'avoir séduit les foules tout en abandonnant le peuple avant d'avoir complété leur engagement essentiel.
    Moi je vous dit que les leaders charismatiques ne servent à rien sinon qu'à nous faire perdre notre temps (ils sont le fantasme le plus tenace de la grande noirceur nationaliste) : seul le peuple qui prendra la rue comme les Égyptiens l'ont fait à deux reprises et le referont jusqu'à ce qu'ils obtiennent ce qu'ils cherchent peut arriver à nous libérer.
    Si on veut que quelque chose arrive, il faut le faire soi-même et surtout pas le confier à un politicien professionnel qui n'a en tête que de prendre le pouvoir, ce qui est l'objet de l'obsolète démocratie représentative. Une fois au pouvoir il fait ce qu'il veut en bien ou en mal mais n'a aucun compte à rendre pendant 4 ans de ses engagements fondamentaux.

  • Luc Bertrand Répondre

    10 juillet 2013

    À "O", Jean Lesage a été le seul des quatre à avoir pu faire coïncider son intérêt personnel avec celui du peuple, parce qu'il faisait parti du "parti traditionnel du pouvoir", le Parti libéral. Également, il a capitalisé sur le rejet de l'ère Duplessis et sur l'organisation électorale montée par son prédécesseur, Paul-Émile Lapalme.
    Le problème avec ce qu'est devenu Hydro-Québec est le fait que le PLQ, qui n'a plus rien en commun d'avec ce qu'il était du temps de Lesage, a placé ses pions pour le saboter de l'intérieur au profit des amis de Jean Charest. Son règne de 3 mandats (presque 4) n'a été possible que par son appui massif par les anglophones et l'Oligarchie à sa solde, face à un vote francophone divisé en absence d'alternative sérieuse ou rassembleuse.
    Il ne faut pas perdre espoir encore. Jacques Parizeau et Jean-Martin Aussant ont démontré que les auditoriums des cégeps et universités ont remplacé les sous-sols d'église, notre population étant plus instruite que dans les années 1960, qu'elle s'est malheureusement désolidarisée en délaissant les églises et qu'elle a perdu son homogénéité du fait de l'entrée massive d'immigrants et de la baisse drastique de notre taux de natalité. Tant qu'on se tiendra debout pour défendre qui nous sommes et qu'on démontrera que tous y gagneront avec l'indépendance (incluant les immigrants et les allophones), l'appui à l'indépendance pourra recommencer à progresser.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    9 juillet 2013

    "...la dite cause serait restée lettre morte n’eût-été du charisme et des convictions de ces leaders !"
    Coquin de sort, lettre morte demeure encore pour la cause. Lévesque n'a pas de relève, Bourgault est mort dans l'oubli et Chartrand n'a jamais éveillé d'intérêt pour le revenu minimum garanti... Y'a Lesage, qui a semé l'idée de l'Hydro, qui périclite devant les magnats du pétrole à tout crin.
    Enfin tous ces orateurs charismatiques produisaient leur effet, mais à leur époque, celle des grandes assemblées de sous-sol d'églises.

  • Henri Marineau Répondre

    9 juillet 2013


    @ Gérald McNichols Tétreault,
    Vous dites: "C’est la naïveté du peuple à l’égard de ses dirigeants qui le maintient dans la soumission. Les leaders charismatiques mènent leurs peuples à la guerre, ils les ruinent pour assouvir leurs rêves personnels. Les gens pleurent quand ils meurent parce qu’alors ils réalisent leur extrême solitude et qu’ils ont été trompés."
    Êtes-vous en train de me dire que les Lesage, Lévesque, Chartrand, Bourgault etc ont ruiné leur peuple pour assouvir leurs rêves personnels? Vous confondez le leader positif et le leader négatif!
    Moi, je vous parle de leaders charismatiques positifs qui ont su mobiliser des partisans autour de la cause qu'ils défendaient et, je persiste et je signe, la dite cause serait restée lettre morte n'eût-été du charisme et des convictions de ces leaders!

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    8 juillet 2013

    Faire porter le destin d'un peuple sur les épaules d'un "leader charismatique" c'est accepter de réduire le gouvernement de ce peuple aux qualités et aux faiblesses d'un seul individu. À l'opposé, le travail d'équipe de personnes compétentes qui savent écouter, penser et échanger (l'équipe du tonnerre de Jean Lesage en est un exemple ou celle du premier mandat du gouvernement du PQ en 1976) permet les échanges, la confrontation des points de vue, la valorisation des meilleures idées, l'écartement des mauvaises.
    Aucun leader charismatique ne tolère la critique. Tous les tyrans, les despotes, les dictateurs sont des "leaders charismatiques" et narcissiques. Ils imposent le silence et la langue de bois à tous les dissidents fussent-ils leurs propres ministres. Ces jours-ci, ils tombent un à un ces despotes: ils démissionnent et vous abandonnent pour d'autres rivages; même ceux en qui vous aviez cru il n'y a pas si longtemps, alors que je vous mettais en garde, ils sont renversés par les mouvements de libération, ou encore lorsque démasqués et on s'aperçoit qu'ils ne sont que des humains trop humains. Le premier geste de libération d'un peuple consiste à se débarrasser des leaders charismatiques. C'est en découvrant des faiblesses de nos parents que nous acquérons notre autonomie et devenons des adultes. Certaines personnes continuent toute leur vie à rechercher des parents de substitution.
    C'est la naïveté du peuple à l'égard de ses dirigeants qui le maintient dans la soumission. Les leaders charismatiques mènent leurs peuples à la guerre, ils les ruinent pour assouvir leurs rêves personnels. Les gens pleurent quand ils meurent parce qu'alors ils réalisent leur extrême solitude et qu'ils ont été trompés.
    Le Québec a déjà trop donné en ce domaine. Il y a une part de sadomasochisme dans la relation perverse entre un peuple soumis et un "leader charismatique". C'est un divertissement qui nous maintient dans la dépendance et nous fait perdre le précieux temps de nos vies.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    8 juillet 2013

    8 juillet 13
    L’oie dirigeante n’est pas plus charismatique que les
    autres: il s’agit d’un effort à relais. Si on observe un moment, on voit l’oie dirigeante « lever le pied » pour se laisser porter vers la fin, sans abandonner le trajet.
    Il est toujours difficile de se comparer au monde animal. Les fables de Lafontaine en témoignent.
    La ministre des ressources naturelles tente souvent de faire la promotion des énergies renouvelables, mais elle subit de la résistance d’en haut... Temps de faire un changement de relais??

  • André Vincent Répondre

    7 juillet 2013


    Parce que c'est le peuple qui crée le leader,et non l'inverse.Et le peuple, présentement,il est pas très inspirant le peuple. Il se distraie le peuple ; il rit le peuple,il rit just' pour rire le peuple,et il fait du fric et il consomme et il mondial et il met tout en devanture — le peuple.
    AVe

  • Marcel Haché Répondre

    7 juillet 2013

    À vous lire, M. Marineau, René Lévesque aurait sorti de son chapeau un projet à ce point mobilisateur qu’il serait devenu subitement charismatique. Informez-vous bien, provenant de la bouche même du cheval, dans ses mémoires, vous verrez que René Lévesque avait été le plus surpris de sa gang lorsqu’il réalisa que le gouvernement Lesage supportait et s’engageait à promouvoir la Nationalisation des années soixante, au point d’en faire l’enjeu de l’élection générale de 1962. Hydro-Québec existait bien avant la venue des libéraux au pouvoir et bien avant la venue de René Lévesque lui-même.
    Je reconnais cependant avec vous que René Lévesque fut immensément charismatique, qu’un projet « porteur » suppose quelqu’un de fort pour le porter. Mais un projet « porteur » peut être lancé sans son porteur au début, sur sa seule force. L’inverse de ce que vous espérez est d’ailleurs déjà arrivé, qu’un grand projet « porteur » fut lancé par quelqu’un sans aucun charisme : Robert Bourassa et sa Baie James.
    Il est trop tard pour les indépendantistes qui attendent un sauveur « porteur » de notre projet. Notre Cause est en déclin depuis 1995, en même temps que, et c’est bien là le plus triste paradoxe, jamais l’Indépendance ne fut plus proche de Nous que maintenant.
    À défaut de pouvoir susciter un sauveur, rien n’empêcherait Catherine Dorion d’être une vedette de l’Indépendance, sans pour autant qu’elle ne s’enfarge dans ce que le charismatique René Lévesque appelait des « chinoiseries » : le programme du parti, les statuts et tout le bataclan partisan… Mais bon, Catherine n’a pas signifié qu’elle était candidate au vedettariat, et puis O.N. persévère dans sa chevauchée fantastique…
    Fake… On jase là.

  • Luc Bertrand Répondre

    6 juillet 2013

    Il serait intéressant de faire une étude de tous les grands leaders du mouvement indépendantiste afin d'établir une corrélation entre leur personnalité et leurs antécédents avec leur influence et leurs réalisations. Nous avons certainement au moins une personne qui correspond au profil idéal dans nos rangs et qui s'ignore peut-être? Sinon, il est à espérer qu'il ne soit pas déjà trop tard pour nous lorsque Jean-Martin Aussant sera prêt à reprendre du service!

  • Luc Bertrand Répondre

    6 juillet 2013

    Monsieur Marineau, compte tenu de la précarité de notre nation, de sa dépendance économique à un autre État qui ne cesse de faire étalage de sa puissance et de son contrôle, de l'omniprésence des médias et de leur influence et l'attrait des avantages financiers de notre système politique quand on accepte de jouer son jeu, l'émergence d'un chef charismatique au sein de la mouvance indépendantiste québécoise est une mission quasi impossible.
    En face de nous, nos adversaires fédéralistes, au contraire, disposent de moyens pratiquement sans limites, non seulement pour favoriser mais même former des leaders, appuyés par une machine médiatique omniprésente et complaisante et une infrastructure industrielle influente et complice. On n'a qu'à penser à la machine à fabriquer des politiciens qu'est Power Corporation, sa filiale médiatique Gesca, ses filiales d'assurances et d'affaires qui bénéficient des largesses des deux États ainsi que de son influence par ses importantes subventions aux universités, organismes culturels et philanthropiques.
    Outre les talents de communicateur, de rassembleur, de pédagogue, d'honnêteté et de franchise, de connaissance approfondie de notre histoire, de notre combat pour notre reconnaissance comme peuple original de langue française, ce chef charismatique a également des obligations que ses adversaires sont exemptés, à savoir:
    - L'indépendance financière et personnelle, sans quoi il pourrait être victime de pressions malveillantes de nos adversaires;
    - Une probité absolument irréprochable, autrement les valets au service de nos adversaires ne manqueront pas de le discréditer aux yeux de l'opinion publique;
    - Une abnégation absolue envers la cause de l'indépendance et de son incontournabilité pour nous prendre en main comme nation vraiment libre de ses choix. Sinon, le doute quant à la nécessité de l'indépendance persistera dans la population;
    - Le courage de nommer les choses par leur nom. La dictature de la rectitude politique empêche nos politiciens d'adresser les vraies causes des problèmes qui minent l'avenir du Québec français et libre;
    - Un visionnaire quant à la société qu'on voudra se donner une fois débarrassés du carcan canadian. Je pense à la question du nationalisme ethnique vs civique et du droit de détenir la citoyenneté québécoise et en assumer les devoirs et privilèges, ou encore le règlement des revendications ancestrales des Premières nations, les droits de la minorité anglophone et l'approche à privilégier dans l'intégration des immigrants et citoyens des communautés culturelles à la société civile québécoise.
    Comme vous pouvez le constater, c'est tout un contrat à remplir, dans un contexte où les électeurs sont désabusés des tergiversations des prédécesseurs du titulaire, désinformés par les médias contrôlés par nos ennemis et déstabilisés économiquement par les milieux financiers et économiques qui jouent le jeu de ces mêmes ennemis à la nation québécoise libre.