D'importants annonceurs larguent Limbaugh et cie

La cote de Rush Limbaugh et de ses émules ultraconservateurs est en baisse aux États-Unis.

Médiamensonges





Richard Hétu, collaboration spéciale La Presse (New York) Le sort de Jeff Fillion attend-il Rush Limbaugh et tous ses imitateurs radiophoniques, qui ont inondé les ondes hertziennes d'un discours politique ultraconservateur au cours des 20 dernières années aux États-Unis?
La question se pose sérieusement depuis vendredi. Ce jour-là, Premiere Networks, la société qui distribue les talk-shows de Limbaugh et de plusieurs de ses semblables, a transmis à ses stations affiliées une liste de 98 annonceurs ayant demandé de limiter leurs publicités à des émissions dont le contenu n'est pas «offensant ou controversé».
De grands noms
Premiere Networks a donné en exemple d'émissions à éviter celles de Limbaugh, Sean Hannity, Glenn Beck, Mark Levin et Michael Savage, quelques-unes des plus grandes gueules de la droite américaine. Et qui sont ces annonceurs désireux de ne plus être associés avec ces animateurs? L'on trouve notamment parmi eux des géants de l'automobile (Ford, GM, Toyota), de l'assurance (Allstate, Geico, Prudential, State Farm) et de la restauration (McDonald's, Subway).
La note de Premiere Networks à ses stations affiliées fait suite à la tempête soulevée aux États-Unis par les propos misogynes tenus par Limbaugh à l'endroit de Sandra Fluke, étudiante en droit de l'Université de Georgetown et militante féministe. Le 3 mars, l'animateur de radio s'est excusé d'avoir traité la jeune femme de «salope» et de «prostituée» à la suite des interventions publiques de celle-ci en faveur de la politique de l'administration Obama en matière de contraception.
Mais les excuses de Limbaugh n'ont pas suffi à mettre un terme à la controverse. Quelque 50 annonceurs ont abandonné son émission depuis le 2 mars. À New York, la station WABC a notamment dû se résigner vendredi à diffuser gratuitement des messages d'intérêt public pendant la plupart des pauses publicitaires du Rush Limbaugh Show.
Effet d'entraînement
La liste des 98 annonceurs contenue dans la note de Premiere Networks indique non seulement que le boycottage contre Limbaugh prend de l'ampleur, mais qu'il s'étend également à d'autres animateurs controversés.
Serait-ce le début de la fin pour Rush Limbaugh et cie?
La question se pose également depuis que les cofondatrices de l'organisation Women's Media Center - Jane Fonda, Robin Morgan et Gloria Steinem - ont appelé au retrait de Limbaugh des ondes.
«Ironiquement, la misogynie propagée pendant trois jours par Rush Limbaugh au sujet de Sandra Fluke n'était pas pire que sa diffusion régulière de propos sexistes, racistes et homophobes», écrit le célèbre trio de féministes en donnant des exemples de ce discours «haineux» dans une tribune publiée samedi sur le site internet de la chaîne de télévision CNN.
«Limbaugh ne fait pas que traiter les gens de tous les noms. Il promeut un langage qui déshumanise de façon calculée ses cibles», ajoutent les trois femmes en faisant notamment référence au mot «féminazie» que l'animateur utilise pour critiquer certaines femmes.
Le trio de féministes demande à Clear Channel Communications, le groupe de médias qui possède Premiere Networks, de «nettoyer ses ondes», faute de quoi il encouragera les gens à se plaindre au FCC, le CRTC américain.
«Ce n'est pas politique, assurent Fonda, Morgan et Steinem. Bien que nous soyons opposées au point de vue politique de Limbaugh, ce qui est en jeu est l'impact sociétal d'un discours toxique qui incite à la haine. Pendant 20 ans, Limbaugh s'est caché derrière le Premier amendement, ou a déclaré qu'il ne faisait que de l'humour ou du divertissement. Il a effectivement un droit constitutionnel à ses opinions. Mais il n'a pas un droit constitutionnel aux ondes publiques.»
Appui d'un gauchiste
Limbaugh aura été défendu par au moins une grande gueule de la gauche. L'humoriste Bill Maher a en effet affirmé vendredi, dans le cadre de son émission Real Time présentée sur la chaîne HBO, que l'animateur de radio ne devait pas être ciblé pour «une mauvaise blague».
Il faut dire que Maher est lui-même sur la sellette. Plusieurs commentateurs de droite ont rappelé qu'il avait déjà utilisé des termes dégradants pour parler de Sarah Palin et de Michelle Bachmann, entre autres. Ils ont en outre demandé à un comité d'action politique favorable à Barack Obama de rendre le don de 1 million de dollars que lui a versé récemment Maher.
Le responsable de ce comité, Bill Burton, a refusé cette demande. Selon lui, il n'y a aucune comparaison possible entre ce qu'a pu dire «un comédien au cours de sa carrière à propos de personnalités publiques» et ce que Limbaugh, «leader de facto du Parti républicain», a dit au sujet de Sandra Fluke.


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