Crise à Montréal: le ton monte à Québec

Corruption politique



Pauline Marois, chef du Parti québécois, et Jean Charest, chef du Parti libéral et premier ministre du Québec.
Photo: PC/PC


Denis Lessard La Presse (Québec) Alors que la crise qui secoue l'hôtel de ville de Montréal se déplaçait avec grand bruit dans l'arène de l'Assemblée nationale, Claude Dauphin a avoué hier qu'il avait été prévenu dès la fin de 2010 par Gérald Tremblay qu'une vérification comptable était sur le point d'être enclenchée sur son administration à Lachine. Et pendant ce temps, la grogne s'installe chez les élus du parti du maire de Montréal.
Un appel pressant de Gérald Tremblay pour la tenue d'une enquête publique sur la collusion dans la construction, et l'Assemblée nationale s'enflamme à nouveau.
Furieux de ne pas avoir été prévenu que l'escouade anticorruption allait enquêter sur Montréal, le maire Tremblay a de nouveau réclamé l'enquête publique que demandent depuis deux ans le PQ et l'ADQ.
Son appel a galvanisé l'opposition péquiste hier. Pour la chef péquiste Pauline Marois, le premier ministre Charest «est en partie responsable du pourrissement de la situation à Montréal. Il refuse la tenue de cette commission d'enquête, alors que Montréal crie au secours depuis des mois», a-t-elle lancé hier. Elle a ajouté que le mandat de l'Unité permanente anticorruption est avant tout «une manoeuvre de diversion» après l'escouade Marteau qui depuis un an «sert de paravent au premier ministre».
«Le gouvernement a pris la décision puis a fait en sorte que les moyens soient pris pour aller au fond des choses», a répliqué Jean Charest. La trêve apparue avec le départ d'Yvon Vallières à la présidence a donc pris fin hier. «On va se calmer, tout le monde. On s'est dit, il n'y a pas très longtemps, qu'il fallait se respecter. Il y a quelqu'un qui est contre ça ici?» a lancé le nouveau président Jacques Chagnon, vite forcé de calmer le jeu.
Départ d'Yvan Delorme
Le ton a encore monté quand le député péquiste de Verchères, Stéphane Bergeron, s'est interrogé sur le départ surprenant d'Yvan Delorme de son poste de directeur du Service de police de Montréal, au printemps 2010. Le contrat de M. Delorme, 47 ans, venait tout juste d'être renouvelé pour cinq ans, avec un régime de retraite bonifié. Cette nomination doit être approuvée par le ministre de la Sécurité publique - Jacques Dupuis à l'époque - et entérinée par le Conseil des ministres.
Or, le SPVM, affirme-t-il, a confirmé qu'il y a eu enquête interne au cours de l'automne 2009 et de l'hiver 2010 sur la firme de sécurité BCIA et Yvan Delorme. Au moment du renouvellement, le gouvernement aurait dû se poser des questions, selon lui. Mais ça n'a pas été le cas: «Est-ce que c'est parce qu'il est trop proche de certains dirigeants du gouvernement libéral?» a-t-il lancé.
Le leader parlementaire libéral Jean-Marc Fournier a bondi et mis au défi le député de répéter ces «insinuations» en dehors de l'Assemblée nationale où elles ne seraient plus couvertes par l'immunité parlementaire.
Selon les informations colligées de plusieurs sources par La Presse, Yvan Delorme est un ami de l'ancien ministre Jacques Dupuis. Les deux retraités font fréquemment de la moto ensemble en Floride.
Et depuis quelques semaines, M. Delorme est en relation avec Nathalie Normandeau, la vice-première ministre, ce que ne nie pas sa porte-parole. «Si cela s'écrit, elle répondra que c'est sa vie privée», a résumé Marie-France Boulay, son attachée de presse.
BCIA
Hier, le député Bergeron a souligné que le ministre Dupuis avait «démissionné quelques mois seulement après avoir été associé à une affaire nébuleuse de port d'armes impliquant BCIA». BCIA, une agence de sécurité dirigée par Luigi Coretti, avait obtenu des contrats de surveillance du SPVM, du ministère de la Sécurité publique et de plusieurs sociétés d'État.
Des sources policières indiquent par ailleurs à La Presse que le bras droit du directeur Delorme, Joe Di Feo, était un proche parent de Coretti.
Le député Bergeron a ressorti hier les révélations de La Presse, l'an dernier dans le dossier BCIA. Un contrat sans appel d'offres du SPVM, l'investissement de fonds publics par des Fonds d'intervention économique régional (FIER), relevant d'Investissement Québec, la délivrance d'un permis de port d'arme pour le patron de l'agence qui était intervenu auprès du ministre Dupuis. C'est cette même filière qui avait causé la perte du ministre Tony Tomassi, qui bénéficiait, pour ses notes d'essence, d'une carte de crédit de cette entreprise.
»Renouvellement»
Pour le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, il s'agissait d'un «renouvellement». M. Delorme «était déjà en poste. Alors, les mesures qui sont prises par le Conseil des ministres, quand il s'agit de la nomination d'un chef de police, c'est de regarder le processus dont la responsabilité première est à la Ville de Montréal et non pas au Conseil des ministres».
En point de presse, plus tard, le ministre Dutil a souligné ne pas être informé de liens entre l'ex-policier et des «dirigeants du Parti libéral».
«Personne n'est à l'abri des enquêtes. Il n'y a aucune intervention politique qui est faite. Si la police découvre des choses, elle ne tiendra aucunement compte de quelque relation que ce soit. Tous les citoyens sont égaux», a-t-il insisté.
Il explique pourquoi il n'a pas prévenu Gérald Tremblay qu'il avait demandé l'intervention de l'unité anticorruption. «Je pense que c'était inapproprié de le faire.»
«C'est rare qu'un ministre décide de déclencher une enquête particulière. Quand il le fait, il ne doit pas subir d'influence externe d'aucune façon ni en apparence. Donc j'ai décidé qu'il n'était pas approprié d'appeler pour éviter qu'on pense qu'il puisse y avoir en apparence des liens. Le gouvernement a pris sa décision. «
«Je respecte beaucoup M. Tremblay. On a siégé ensemble. J'ai été cinq ans avec lui. C'est une personne que je respecte beaucoup. Maintenant, je suis ministre de la Sécurité publique, il y a un problème, et on avise», a laissé tomber M. Dutil.


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