Conflit libyen - Prise 2

Géopolitique — Afrique du Nord



Il y a deux jours, les gouvernements britannique, français et italien ont annoncé l'envoi de conseillers militaires à Benghazi, la «capitale» des insurgés libyens. Le lendemain, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, indiquait que des drones espionneraient Tripoli, le fief de Kadhafi. Aussitôt, certaines chancelleries — on pense à Moscou — et bien des commentateurs traçaient la diagonale entre ces gestes et le possible enlisement des forces de l'OTAN en évoquant l'exemple vietnamien. On craint en effet que la conséquence aussi logique qu'inévitable de cette présence physique de conseillers qui sont aussi des militaires soit le parachutage dans les environs de Benghazi d'un contingent.
Avant toute chose, il faut s'attarder aux mots. À ceux qui qualifient. Pour Londres, la dizaine de personnes dépêchées auprès du Conseil national transitoire libyen sont des «conseillers»; pour Rome, il s'agit «d'instructeurs militaires»; pour Paris, d'«officiers de liaison.» En soit, ces distinguos sémantiques en disent long sur le malaise ou la difficulté qu'éprouvent les autorités concernées à respecter la résolution 1973 de l'ONU. Celle-ci interdit «le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen».
À l'évidence, les gouvernements impliqués marchent sur des charbons ardents. Ils sont pris entre l'arbre et l'écorce. Mais encore? Sur le plan militaire, les insurgés étant sous-équipés et mal entraînés, ils ne sont pas en mesure de résister à un ennemi qui par ailleurs s'est vite adapté à l'introduction de l'OTAN dans l'espace aérien. Les aviateurs britanniques et français détruisent les tanks de Kadhafi? Celui-ci déploie, entre autres, des camionnettes armées au milieu des civils. Voilà pour l'arbre, si l'on peut dire.
L'écorce, si l'on ose dire, présente un caractère éminemment diplomatique. Lorsqu'il a appris la nouvelle implication du trio européen, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s'est écrié: «Nous sommes mécontents des derniers événements en
Libye, qui entraînent la communauté internationale dans un conflit au sol.» Pas besoin d'être grand clerc pour avancer que la retenue de Moscou au Conseil de sécurité lors du débat sur la résolution de 1973 pourrait changer avec l'appui, cette fois-ci, de... la Chine.
La fissure observée sur ce flanc a été constatée au sein même de l'OTAN. Après un mois de conflit ouvert, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a également rugi. À son avis, les Allemands et l'Europe de l'Est au complet s'étant inscrits aux abonnés absents, les Italiens faisant de la figuration — ils volent mais ne tirent pas —, les États-Unis ne voulant pas être aux premières lignes pour des raisons que l'on devine aisément, l'OTAN, de souligner donc Juppé, ne joue pas son rôle.
De fait, voilà que le premier ministre britannique, Dave Cameron, et le président Nicolas Sarkozy envisagent d'accomplir un «gros» coup médiatique: se rendre ensemble à Benghazi. Autrement dit, ils préparent un pied de nez à l'endroit des Européens en général et de la chancelière Angela Merkel en particulier.


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