Commission des Valeurs immobilières: évolution déplorable d'un débat

Chronique d'André Savard

Le Québec a bombé le torse dans le cas de la création des valeurs mobilières. On se souvient des nombreux arguments soulevés contre l'initiative du Fédéral. On allait assister à un transfert des compétences vers Toronto. On se fit répondre que des individus québécois y trouveraient de magnifiques occasions de carrière.
Oui, il y aurait bien des Québécois spécialistes des valeurs mobilières qui iraient pratiquer dans la ville reine mais ce serait des individus contrôlés, de ces élites qui sont des élites à la condition d'avoir intériorisé les limites du système canadien.
Pour une fois, on se promettait de ne pas se faire avoir. On garderait nos compétences ici et on ne se ferait pas administré un coup de pioche comme ce fut le cas lors de l'annexion plus ou moins avouée de la bourse de Montréal par la bourse de Toronto. Quand on voit le Québec protester de façon unanime comme cela à l'Assemblée nationale, on voudrait presque croire que le Québec, pour une fois, ne cassera pas sa pipe.
Le Fédéral a continué son oeuvre sans se soucier le moindrement de l'opposition du Québec. Pourtant l'opposition du Québec se montrait ultra orthodoxe par rapport au credo fédéral. En effet, le Québec disait se référer au partage des juridictions tel qu'édicté il y a 142 ans.
Si le Québec fait du partage des juridictions un tel dogme dans ses plaidoiries, c'est parce que c'est le seul argument que lui laisse le cadre juridique canadien. Un palier gouvernemental a le droit d'assumer des juridictions en vertu d'un papier rédigé il y a 142 ans par les acteurs dévoués de l'époque.
Le Canada d'aujourd'hui parle beaucoup d'une convergence des cibles et des responsabilités. La Commission des Valeurs mobilières unique se place dans une logique de rupture par rapport à l'antique partage des compétences. Ce n'est pas nouveau. Autant les interventions dans les secteurs de l'énergie, de l'environnement, l'application de la charte fédérale contre la loi 101, impliquent depuis longtemps que le Canada actuel ne croit absolument pas dans le principe d'Etats fédérés souverains dans leur juridiction.
Voyant que les récriminations du Québec seraient inutiles, les fédéralistes qui endossent les limites du système, souhaitent l'abandon de principe de la souveraineté des juridictions. Ce n'est plus d'ailleurs qu'une attitude culturelle qui a de moins en moins à voir avec l'évolution pratique du fédéralisme canadien. Au lieu de voir une province comme un Etat national dans l'Etat fédéral, toute la classe politique canadienne préfère la voir comme une administration souple capable d'orienter son action en fonction des cibles communes au Canada.
Le terrain des "ententes" censées témoigner de "l'ouverture", loin de marquer un arrêt dans l'inféodation du Québec à l'appareil canadien, en augure l'accroissement. Le plan d'avenir sous-jacent à nombre d'initiatives porte la marque d'une colonisation mentale en faveur du Canada. Le Fédéral peut viser certaines cibles d'envergure et le Québec peut assumer des cibles de "proximité", entretien des parcs, santé, éducation de niveau primaire et secondaire. Un telle vision donne des sueurs froides.
Les fédéralistes québécois se rassurent par d'innombrables discours sur la stature énorme du gouvernement québécois. Tout ceci, pour nous cacher le fait que cette logique unitariste canadienne est déjà bel et bien opératoire.
Le gouvernement québécois n'est pas démoli à coup de pioche, soit. Il est bien plus gros qu'il y a quarante ans, soit. Seulement, ce n'est pas un gouvernement national profitant de juridictions souveraines. C'est une administration assumant des fonctions.
Il est pitoyable de voir le Québec organiser la riposte. S'il doit renoncer aux valeurs mobilières, on voudrait l'induire à négocier des pouvoirs en échange. Le gouvernement provincial du Québec pourrait brandir sa spécificité provinciale. Il dirait vouloir défendre la langue française comme Terre-neuve et l'Alberta défendent la mainmise sur les ressources énergétiques.
Or, même cette version minimale de la vocation spécifique de la province de Québec a mauvaise presse. Le Canada aime mieux se dire qu'il est une grande nation et que son peuple unique est appelé à surmonter tous les clivages linguistiques.
C'est avec un évidente mauvaise foi que les fédéralistes québécois se plaisent à dire que les compétences du Québec sont protégées par des portes blindées et qu'il faut des autorisations spéciales pour les ouvrir. Les cibles du jour au Canada exigent un relâchement dans un domaine puis dans l'autre. L'appareil canadien, comme un immense phénomène organique suit les inclinations de la société en marche et les administre avec les contraintes, les normes que la nation canadienne veut bien se donner.
André Savard


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