Comment je suis devenu (un peu) antiaméricain

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« Il ne s’agit pas de maudire l’Amérique comme le diable, mais de développer un rapport critique avec elle. »

Longtemps, je me suis cru proaméricain. En fait, je l’étais.


Je gardais toujours en tête le vingtième siècle, la Deuxième Guerre mondiale et la guerre froide. L’Amérique avait vaincu le nazisme puis le communisme, soit les deux visages du totalitarisme. Elle avait assuré la victoire de la démocratie.


Déception


Alors, comme Michel Sardou, je chantonnais « si les Ricains n’étaient pas là... » et je me convainquais des vertus du grand empire dont nous sommes voisins. Dans la mesure où chaque époque a besoin d’une puissance dominante, je me disais que l’Amérique était la moins pire qu’on puisse imaginer.


J’ai commencé à douter autour de 2003, avec la guerre d’Irak. Contrairement à d’autres, je n’y voyais pas qu’une guerre pour le pétrole.


Je croyais les Américains sincères dans leur désir d’imposer la démocratie par la force, en renversant Saddam Hussein. Et c’est justement pour cela que je m’en méfiais.


Il ne suffit pas de bombarder un pays, d’en chasser le tyran et d’implanter une constitution à l’occidentale pour le démocratiser. Les Américains semblaient s’imaginer que, partout sur terre, les hommes et les femmes n’ont qu’un seul désir : leur ressembler et vivre à l’américaine.


Ils ne prennent pas au sérieux les cultures et les civilisations. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont enclenché une dynamique catastrophique.


De la même manière, l’impérialisme culturel américain m’a semblé de plus en plus détestable.


Cela ne veut pas dire que je rejette en soi les productions culturelles américaines. Plusieurs sont évidemment excellentes.


Mais l’Amérique aspire tout l’imaginaire du monde occidental. Désormais, réussir, c’est réussir à l’américaine, et selon des critères américains.


Mais pire encore, ce qui effraie, c’est la soumission des autres peuples à l’Amérique, comme s’ils jugeaient désormais que leur culture n’était plus qu’un folklore insignifiant devant se dissoudre dans la mondialisation.


À Montréal, à Paris, à Prague, à Londres, à New York, on entend les mêmes chansons. L’Amérique prétend unir les hommes, mais uniformise les cultures.


L’Amérique nous exporte aussi des produits idéologiques toxiques qui viennent de ses universités, souvent surcotées.


Université


La nouvelle culture universitaire qui multiplie les « safe spaces », qui dénonce « l’appropriation culturelle », et qui nous impose une vision racialiste du monde, en plus de promouvoir un féminisme radical qui nous pousse à la guerre des sexes.


On y cultive la censure, qui prend les traits du politiquement correct. Cela contribue à fanatiser les jeunes générations.


De plus en plus d’universitaires de chez nous pensent notre réalité à partir de concepts qui n’ont rien à voir avec elle.


C’est contre cet environnement idéologique étouffant qu’un Donald Trump a pu se faire élire. Le problème, c’est qu’il représente la caricature inversée de ce qu’il dénonce.


Il ne s’agit pas de maudire l’Amérique comme le diable, mais de développer un rapport critique avec elle. Il faut surtout lui résister en refusant que nos sociétés ne se fassent mentalement annexer par elle.