Collision frontale

«Les indignés» dans le monde



(Québec) Il y aura deux univers économiques bien distincts cette année au Québec, deux solitudes. D'une part, les ouvriers et les entrepreneurs des grands chantiers qui feront des affaires d'or dans les travaux d'infrastructures du gouvernement et de la société Hydro-Québec. D'autre part, les employés de l'État et des municipalités dont les salaires et les régimes de retraite sont protégés. Et il y aura les autres...
C'est à ce dernier groupe que le budget de Monique Jérôme-Forget devait répondre et offrir des lueurs d'espoir. Malheureusement, c'est concernant cet aspect que les prévisions budgétaires de la ministre sont les moins ciblées et les moins évidentes. Un grand chantier, on sait ce que c'est : des grues mécaniques, des travailleurs de la construction, du béton, etc. Les sommes annoncées pour les infrastructures, 40 milliards $ en cinq ans, sont colossales et même inquiétantes compte tenu des abus passés des entrepreneurs et des syndicats de la FTQ.
Mais l'aide gouvernementale pour une entreprise manufacturière comme Prévost Car ou Bombardier, dont les activités sont liées aux capacités financières de leurs clients ici et à l'étranger, c'est plus complexe. Comment aider une compagnie s'il n'y a plus de clients pour les produits? C'est là que le budget du Québec est le moins prometteur, pour des raisons évidentes : déjà en déficit, Québec n'avait pas les moyens d'injecter des milliards de dollars supplémentaires pour ces travailleurs. Le gouvernement mise sur le fait que les 60 000 emplois annuels créés dans les grands chantiers auront des retombées sur le reste de l'économie et nous éviteront le pire. Mais pour certains, le pire est inévitable.
On pourrait se consoler en regardant ailleurs. L'Ontario vit un drame avec les pertes d'emplois dans l'industrie de l'auto. Nos voisins se dirigent vers un déficit total de 18 milliards $ pour 2008-2009 et 2009-2010.
Le problème du Québec, c'est que sa marge de manoeuvre sera plus petite que celle de l'Ontario lorsque la récession sera terminée. Le budget de jeudi annonce que le gouvernement du Québec renoue avec les déficits pour la première fois depuis
10 ans, mais c'est faux. Nous étions déjà en déficit en 2008. Les dépenses courantes étaient plus élevées que les revenus, et seule la réserve de 2,3 milliards $ ? la fameuse sacoche de la ministre... ? nous permettait d'équilibrer les livres.
Ce qui s'est passé jeudi, au budget, c'est la première collision frontale admise de nos revenus et de nos dépenses. Pour la première fois, nous n'avons plus d'astuces comptables pour équilibrer nos finances publiques. Même sans récession, nous aurions été dans le rouge au cours de la prochaine année et il aurait fallu recourir à des hausses de tarifs ou de la TVQ. Mais nous sommes en récession, et les hausses tarifaires annoncées hier pour 2011 sont insuffisantes pour reprendre le contrôle de la dette.
«Recourir à l'endettement pour financer des dépenses courantes n'est pas équitable pour les futurs contribuables qui supporteront la charge financière de services dont ils profiteront peu», pouvait-on lire dans le document gouvernemental annonçant le Fonds des générations en 2006. Eh bien, c'est ce que nous ferons pour les prochaines années.
Nos gouvernements n'ont pas eu le courage de prendre les mesures nécessaires lorsque l'économie allait bien. On a réduit les impôts, on s'est traîné les pieds sur la tarification, et on s'est donné des services coûteux. Un beau filet social, le Québec? C'est vrai. Une belle grosse dette? C'est vrai.
À moins d'être sans-coeur, les boomers qui se dirigent vers la retraite devront fouiller dans leurs goussets pour diminuer cette hypothèque qu'ils s'apprêtent à laisser à leurs enfants et à leurs petits-enfants.


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