Ce qu’il faut retenir de la rencontre entre Poutine et Macron

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Un spectacle pour la galerie

Lundi à Brégançon, les deux chefs d’État ont appuyé la relance des relations même si les désaccords, en particulier sur la Syrie, persistent.



«Réarrimer la Russie à l’Europe, parce que c’est son histoire, son destin et notre intérêt»: Emmanuel Macron a clairement parié sur la détente en recevant lundi Vladimir Poutine dans le cadre «convivial» du fort de Brégançon. «Une Russie qui nous tournerait le dos ne serait pas notre intérêt», a insisté le président de la République devant son invité, soulignant le rôle «incontournable» de Moscou dans le règlement des diverses crises que les deux dirigeants s’apprêtaient à évoquer lors d’un entretien puis d’un dîner.


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Arrivé en hélicoptère depuis Marseille au pied du fort placé sous très haute surveillance, le président russe, au côté, de son homologue français, a d’abord fait une déclaration liminaire et répondu aux journalistes. L’occasion d’une petite passe d’armes verbale entre les deux hommes, en réponse à une question adressée sur les arrestations intervenues ces derniers jours à la suite des manifestations à Moscou.


«Des recours légaux existent» pour les candidats qui n’ont pas été autorisés à se présenter aux élections locales (qui se tiendront le 8 septembre prochain) et «manifester paisiblement est possible», a affirmé Vladimir Poutine. Et de tacler dans la foulée son hôte, en mentionnant, comme le fait fréquemment la presse proche du Kremlin, les violences observées lors des «gilets jaunes»: «Nous ne voulons pas d’une telle situation à Moscou», a lancé Poutine. «Comparaison n’est pas raison», a répliqué du tac au tac Emmanuel Macron, en soulignant que les «gilets jaunes» ont été en mesure, eux, de manifester et de se présenter aux élections…


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Une Europe «de Lisbonne à Vladivostok»


Mais face à un chef du Kremlin tel qu’en lui-même - c’est-à-dire sur la réserve -, Emmanuel Macron s’est appliqué à faire prévaloir la cordialité, invoquant l’importance majeure du dialogue franco-russe dans un environnement géopolitique «à réinventer», invoquant l’histoire, l’ancrage européen de la Russie et citant les grands auteurs russes, tel Dostoïevski s’affirmant «d’autant plus russe qu’(il) est plus européen». Le président de la République, qui a annoncé qu’il se rendrait à Moscou en mai 2020, a notamment insisté sur le projet d’une nouvelle architecture «de sécurité et de confiance» sur le continent qui irait «de Lisbonne à Vladivostok» et où la Russie aurait, cela va de soi, toute sa place.


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La thématique n’est pas nouvelle - «on la doit à de Gaulle», a rappelé Poutine - mais elle fait vibrer des cordes sensibles à Moscou, qui invoque, en la surjouant, sa mise à l’écart du champ géopolitique mondial après l’effondrement de l’URSS. Le dirigeant russe a précisé vouloir «en savoir plus» concernant les positions de la France sur divers sujets de sécurité, mentionnant à deux reprises la militarisation de l’espace - évoquée par Emmanuel Macron dans son discours à l’Hôtel de Brienne, à la veille du 14 juillet dernier.


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Divergences sur la Syrie


Sur les crises, si des avancées majeures n’étaient pas envisageables, des jalons ont été posés à Brégançon. Sur l’Ukraine, «qui conditionne le retour de la Russie» dans le G8, a rappelé Macron, les deux dirigeants ont évoqué d’un nouveau sommet en «format Normandie» (France, Allemagne, Russie, Ukraine) dans les prochaines semaines. Tel est tout au moins l’objectif visé par Emmanuel Macron, en quête d’une «nouvelle dynamique» sur le sujet et qui a fait valoir le «vrai changement» incarné par les prises de position du nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky. Plus retenu, le président russe a néanmoins estimé qu’il y avait désormais sur le dossier ukrainien des «choses dignes de discussions», parlant aussi d’un «certain optimisme». Les deux interlocuteurs se sont rejoints pour dire qu’une rencontre dans le «format Normandie», si elle se tenait, devait produire des résultats.


Sur la Syrie, par contre, les deux interlocuteurs ont campé sur leurs positions, le président français réclamant le respect du cessez-le-feu dans les féroces combats d’Idlib (dans le nord-ouest de la Syrie), tandis que son homologue russe, allié du régime de Damas, assurait, imperturbable, que la Russie resterait engagée jusqu’à la fin de son combat contre les «terroristes».