Caroline Fourest, les fours crématoires et la Syrie

(à supposer qu’il veuille en construire un, le gouvernement syrien a-t-il vraiment besoin de l’aide de Téhéran pour ce faire ?)

Médiamensonges



lundi 27 février 2012, par Alain Gresh - Le 25 février, dans sa chronique hebdomadaire du Monde, « Les yeux ouverts sur la Syrie », Caroline Fourest écrit : « D’après Al-Arabiya, des opposants au régime iranien affirment que leur gouvernement a fourni un four crématoire à son allié syrien. Installé dans la zone industrielle d’Alep, il tournerait à plein régime… Pour brûler les cadavres des opposants ? »
On ne présente plus Caroline Fourest, porte-parole de l’islamophobie « de gauche », toujours soucieuse d’équilibre et de raison, surtout quand il s’agissait de justifier les dictatures égyptienne ou tunisienne. Depuis, elle est partie en guerre contre le président Moncef Marzouki et le gouvernement tunisien avec une hargne qu’elle n’a jamais eue contre la dictature de Ben Ali.
Mais revenons à son « information » sur la Syrie. Un four crématoire ? Si, comme cela est évident, l’information est fausse (à supposer qu’il veuille en construire un, le gouvernement syrien a-t-il vraiment besoin de l’aide de Téhéran pour ce faire ?), elle pourra répliquer : mais j’ai pris mes précautions, j’ai cité une source. Le problème, c’est qu’un journaliste doit recouper ses sources et se demander pourquoi Al-Arabiya, chaîne inféodée à l’Arabie saoudite publie une telle « information ». Et qui est le groupe d’opposants iraniens ? Elle ne le dit pas. Est-ce que ce sont les Moudjahidin du peuple ? Constituent-ils une source crédible ?
Un four crématoire fait évidemment penser au génocide nazi. En reprenant ces termes, Fourest sait qu’elle facilite l’équation : régime iranien = régime nazi, ce qui est le discours de tous ceux qui préparent une intervention militaire contre « le nouvel Hitler ».
Ironiquement, dans la page d’à côté du quotidien est publié un billet de Michaël Szadkowski, « Syrie : la guerre des commentaires », repris, sous une autre forme, par le blog Rezonances, celui des médiateurs du Monde.fr
Il dénonce, à juste titre, la propagande du régime syrien, dont l’outrance est patente. « Au Monde.fr, nous ne sommes pas dupes non plus, devant ce nouveau cas de remise en cause du travail traditionnel des journalistes. Les stratégies de communication du régime de Bachar Al-Assad sont élaborées au plus haut niveau et visent à discréditer l’opposition syrienne en faisant passer le plus largement possible le message : il s’agit de “bandes armées” terroristes ». Mais si cette propagande est outrancière, cela justifie-t-il toute action de l’opposition ? L’occultation de l’usage de la violence, y compris confessionnelle, par certaines de ses composantes ? La propagande de certaines forces d’opposition ?
Et que pense le médiateur du Monde de cette « information » sur le four crématoire ? Et-ce une information « dégagée de toute idéologie » comme l’est, paraît-il, celle du monde.fr ?

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Alain Gresh est directeur adjoint du Monde diplomatique. Spécialiste du Proche-Orient, il est notamment l’auteur de L’islam, la République et le monde (Fayard, Paris, 2004) et de Les 100 clés du Proche-Orient (avec Dominique Vidal, Hachette Pluriel, Paris, 2003). Il tient le blog Nouvelles d’Orient.





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