Bolduc défend les fouilles à nu d’élèves

L’opposition condamne les propos du ministre, pour qui cette pratique est permise si elle est «respectueuse»

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Où s'arrêtera-t-il?

Une fouille à nu a-t-elle sa raison d’être dans une école ? Oui, si l’on en croit le ministre de l’Éducation Yves Bolduc, pourvu que ce soit fait respectueusement. « Il est permis de faire des fouilles à nu, à une seule condition, il faut que ça soit très respectueux, il y a un cadre qui doit être respecté », a-t-il déclaré mardi.

Soupçonnée de posséder de la drogue, une jeune fille de l’école secondaire de Neufchâtel s’est fait demander de se dévêtir derrière une couverture que tenait une intervenante, en présence de la directrice de l’école, rapportait Le Journal de Québec mardi. La jeune a dit s’être sentie « intimidée », voire « violée ».

Pour le ministre Bolduc, ces interventions « doivent se faire de façon très encadrée ». « Il y a des raisons pour lesquelles on peut être obligé de faire des fouilles, mais l’important, c’est qu’on respecte la loi et qu’on respecte le cadre qui a été émis et que ça se fasse dans le respect de la personne », a-t-il dit. Sur le site gouvernemental d’Éducaloi, il est précisé que la fouille doit effectivement être la plus respectueuse possible, notamment en se faisant « par-dessus [les] vêtements. »

La Commission scolaire de la Capitale indique avoir agi en tout respect, soulignant qu’un écran a été mis en place pour assurer la protection de la nudité de l’individu et que ce sont les vêtements qui ont été fouillés et non l’individu. Selon elle, la fouille est également acceptable si elle se déroule en présence de deux personnes du même sexe que la personne fouillée et qu’il n’y a « aucun contact direct avec l’élève pour le palper ».

« C’est clairement abusif », a lancé le député péquiste Pascal Bérubé. « Ce n’est pas le rôle du personnel scolaire de faire une fouille à nu, on n’est pas à Guantánamo quand même. Ça pose plusieurs questions. D’abord, sur le jugement du ministre, mais aussi, est-ce une pratique répandue au Québec ? »

« Le ministre Bolduc vient de manquer une bonne occasion de se taire », a déclaré pour sa part la députée de Québec solidaire Françoise David sur son compte Twitter. Jean-François Roberge, porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière d’éducation, a accusé M. Bolduc de banaliser la situation. « Comment le ministre peut-il penser qu’une fouille à nu peut être respectueuse ? C’est absolument ridicule. »

Ce qu’en dit la Cour suprême

Par ses déclarations, le ministre Bolduc défendait la position de son gouvernement, qui se base sur un jugement de la Cour suprême rendu public en 1998, a-t-on précisé au Devoir, concernant le cas d’un élève de 13 ans de la Nouvelle-Écosse soupçonné de trafic de drogue et fouillé à son école secondaire par le directeur adjoint en présence de la GRC. Ses poches ont été vidées et les bas de pantalon du jeune homme ont été relevés, permettant de découvrir de la marijuana dans sa chaussette, preuve qui a plus tard servi à l’accuser de possession d’un stupéfiant. L’école a eu raison d’agir ainsi, estime la Cour suprême, car le directeur avait des « motifs raisonnables » de croire qu’une règle de l’école avait été violée. Mais encore faut-il que la fouille soit effectuée de manière « raisonnable », « délicate » et « être la moins envahissante possible », ajoute-t-elle, reconnaissant toutefois qu’à première vue, « une fouille effectuée sans mandat est abusive ».

Un juge a toutefois exprimé sa dissidence et croit que la marijuana ne peut pas être retenue comme élément de preuve contre l’élève, faisant valoir que les gestes et actions posés par les responsables d’une école, « en tant que prolongement du gouvernement », sont assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés. Un élève peut s’attendre à ce qu’on respecte sa vie privée, croit-il.

Le ministre Bolduc laisse entendre que dans certaines situations, des mesures, comme une fouille à nu, sont justifiées, notamment quand il s’agit de protection et de sécurité. « Là, la question est : est-ce qu’on devrait, chaque fois qu’on suspecte une situation particulière, ne pas utiliser le protocole et appeler la police ? »

Fouillés à nu pour un cellulaire

L’incident de l’école de Neuchâtel n’est pas sans rappeler des souvenirs, constate Nadyne Brochu, porte-parole de la commission scolaire Rivière-du-Nord. En mai 2013, des membres du personnel de l’école Cap-Jeunesse à Saint-Jérôme avaient imposé une fouille à nu à une trentaine d’élèves durant un examen pour que soit démasqué celui ou celle qui cachait un téléphone cellulaire dans le but de tricher. La chose avait surpris les élèves et plusieurs avaient dit en avoir été traumatisés. Les filles avaient dû se dévêtir en présence d’une femme et les garçons, en présence d’un homme.

Le geste avait été qualifié de « démesuré » par la commission scolaire et une enquête administrative avait été instiguée. Des réprimandes ont été adressées aux membres du personnel enseignant qui avaient donné leur accord à une telle procédure, confirme Mme Brochu, disant ne pas vouloir revenir sur le sujet. « Quand il y a des motifs importants de croire qu’il faut [procéder à une fouille à nu] et qu’il y a matière à le faire, ça peut se faire. Les filles et les gars séparés », a-t-elle expliqué. « Ils appellent ça une fouille à nu, mais ce n’est pas vraiment une fouille à nu [….] car ça se fait derrière un drap. » Elle rappelle que la fouille est utilisée dans « des situations extrêmes ».

À la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, la fouille à nu « n’est jamais la première option », note le porte-parole Jean-Michel Nahas. « La première étape, si on a un motif raisonnable de croire qu’un geste criminel a été posé, c’est d’appeler les services policiers ». Mais si les délais ne le permettent pas, la fouille à nu peut être exigée aux conditions évoquées par les autres commissions scolaires.

La Commission scolaire de Montréal n’a pas voulu commenter et a préféré rediriger les questions vers le Service de police de la Ville de Montréal. « Ce n’est pas nous qui répondons à ça. C’est le SPVM qui va pouvoir s’expliquer sur sa façon de faire. »


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