Bientôt la fin pour la Zone euro ?

Crise du capitalisme - novembre décembre 2011


Philippe Béchade
▪ Selon Sarkozy (Olivier) : la Zone euro aura cessé d’exister d’ici trois mois !… et il en pense quoi, le frangin ?
Si nous devions résumer l’actualité des dernières heures (disons de celles écoulées depuis lundi), nous retiendrions que les liquidités se font rares sur les marchés. La ressource monétaire devient chère pour l’Autriche et surtout l’Espagne. Cette dernière a émis mardi, dans la douleur, une série d’emprunts à échéance très courte, avec un écart de taux record par rapport à l’Allemagne.
Comme pour exacerber toutes les craintes des créanciers, la nouvelle équipe qui vient de prendre le pouvoir en Espagne redoute également que la réalité des déficits régionaux ait été largement travestie par le gouvernement de M. Zapatero.
▪ Ce ne fut pas la seule mauvaise surprise du jour. Les marchés ont été douchés par l’échec cuisant d’une émission obligataire de bons du Trésor à 10 ans… en Allemagne !
La “Buba” n’a pu placer mercredi matin que 3,5 milliards sur les six milliards d’euros de Bunds proposés aux enchérisseurs.
Soucieux de rassurer le gentil contribuable européen, des “experts” s’empressaient d’incriminer un niveau de rémunération peu attractif : moins de 2%. Cela ne fait pas lourd en effet… mais ce n’est pas ce genre de considération qui dissuadait les acheteurs depuis le début de l’été dernier car la sécurité, ça n’a pas de prix !
L’Allemagne est-elle aussi exemplaire qu’elle l’affecte auprès de ses partenaires européens, parfois soupçonnés de tripatouiller les chiffres relatifs à leur endettement ?
Certains articles parus en début de semaine dans la presse française et anglo-saxonne évoquent un recours à certaines astuces comptables en usage dans les Länders (régions allemandes jouissant d’un statut d’autonomie budgétaire) pour minorer le montant de la dette de l’Etat fédéral, laquelle serait en pourcentage très proche de celle de la France.
Et d’après certaines études, c’est l’Allemagne qui présente les plus forts risques de récession à l’horizon 2012/2013 dans la mesure où l’activité industrielle chinoise se contracte cet automne. Cela met en évidence des excédents de capacité de production très importants : les besoins en machines-outils de l’empire du Milieu pourraient plonger en chute libre, sans négliger la multiplication des grèves qui paralysent les usines.
Pékin ne peut pas s’opposer à une vague de fond de dizaines de millions d’ouvriers qui réclament de meilleurs salaires : c’est le seul moyen d’assurer des débouchés à la production locale si la récession s’aggrave en Occident.
S’il faut intervenir pour combler parallèlement le passif généré par des milliers d’entreprises qui cesseront d’être rentables en cas de hausse de leurs coûts de production (c’est déjà le cas dans le contexte actuel de concurrence effrénée entre pays émergents)… la Chine verra fondre ses réserves de change. Il faudrait alors s’attendre à ce qu’elle soit progressivement moins présente lors des émissions de la BCE ou de la Fed en 2012 et les années suivantes.
Brassez énergiquement toutes ces charbons ardents micro- et macro-économiques et vous obtenez une forte élévation de la température dans la cocotte-minute de la crise de la dette.
▪ Il n’en faut pas beaucoup plus pour conclure, comme M. Olivier Sarkozy (le demi-frère du président, à la tête d’une filiale du Carlyle Group) qu’un credit crunch généralisé est imminent et que l’éclatement de la Zone euro devrait survenir sous trois mois !
Nous sommes convaincu que les derniers échanges téléphoniques entre les deux frangins ont été animés. Si toutefois ils se sont parlé mercredi soir, entre un coup de fil à José Manuel Barroso (qui continue de s’accrocher à son projet d’Eurobonds) et Angela Merkel, qui se demande symétriquement pourquoi M. Barroso ne comprend pas qu’ils ne verront jamais le jour puisque l’Allemagne s’y oppose de la manière la plus formelle.
Nous ne sommes pas loin de nous demander si M. Sarkozy (Olivier) n’a pas un peu raison !
Les marchés, qui excluaient l’hypothèse d’un éclatement de l’Eurozone jusqu’au 27 octobre dernier (adoption à reculons du principe mort-né du FESF), commencent également à se dire que la situation commence à prendre une bien étrange — et bien inquiétante — tournure.
▪ Ces sombres pensées alimentent un courant vendeur qui ne s’est pas tari depuis cinq séances de repli consécutif. Le CAC 40 s’est donc enfoncé un peu plus profondément sous les 2 850 points mercredi soir, vers 2 822 points. De son côté, l’Euro-Stoxx 50 dévissait de 1,9%, sous les 2 100 points ; le voici revenu à 2% de son plancher annuel.
Le biais restait également baissier à Wall Street, qui accélérait à la baisse après deux heures et demi de cotations. Le Dow Jones qui chutait de 200 points, retombant sous les 11 300 points.
Pendant ce temps, de fin stratèges tentent de rassurer leur clients avec des “ça baisse mais il n’y a pas de panique” ou “ce n’est pas très alarmant, il n’y a pas de volumes”.
Les épargnants qui se laissent convaincre que rien de grave ne saurait survenir se font laminer… Cela fait 400 points perdus sur le CAC 40 en huit séances et — 600 points depuis le 27 octobre dernier (3 410/2 820).
Pour couronner le tout, notez que l’ensemble des supports graphiques moyen terme ont été cassés en même temps, aussi bien en Europe qu’à Wall Street. L’un des aspects techniques les plus alarmants de la séance de mercredi, c’est la franche cassure du plancher des 1,3430 $ par l’euro en direction des 1,3350.
▪ Prétendre dans ces conditions que l’absence de volumes rend le mouvement de repli actuel presque bénin est manifestement une lourde erreur d’appréciation. Paris a perdu 10% en huit jours sans jamais rebondir : c’est clairement un scénario qui fait mal au portefeuille.
Si l’on creuse un peu la question des volumes, leur étroitesse renforce à mon avis notre sentiment de malaise. Vous y voyez la preuve évidente d’une raréfaction de la liquidité.
En effet, nous savons que la plupart des gérants font face à un flux de retraits des fonds actions, notamment en provenance de l’assurance-vie. L’affirmation selon laquelle les SICAV sont gorgées de cash est une sorte de conte de fées pour faire croire qu’elles attendent juste le bon moment pour revenir en force sur le marché.
Mais ce n’est pas l’aspect le plus inquiétant : la contraction des volumes va de pair avec le gel des échanges interbancaires. C’est tellement évident que personne n’ose faire le lien… tant cela donne des sueurs froides.
Les BFI (banques de financement et d’investissement) n’ont plus d’argent pour spéculer. Et les banques européennes au sens large ont de plus en plus de mal à trouver du dollar pour poursuivre leurs opérations sur les marchés aux Etats-Unis.
Autrement dit, si l’on enchaîne les séances à 2,5 milliards d’euros, cela traduit également le manque de moyens des acheteurs. C’est une situation particulièrement alarmante compte tenu du mode de fonctionnement des marchés depuis 10 ans — des marchés qui vivent surtout à crédit.
Il est facile d’observer que les phases d’expansion des cours correspondent à celles de gonflement de liquidités — généralement les périodes d’assouplissement quantitatif. Les indices ont grimpé deux à trois fois plus vite en 2009 et 2010, que ce que justifiaient les conditions économiques sous-jacentes.
C’était typiquement des marchés de bulles d’actifs.
Nous sommes tout simplement en train de vivre le processus inverse : contraction de la liquidité, récession économique en Occident, baisse de la croissance dans les émergents, chute des effets de levier dans leshedge funds, sous pondération des OPCVM en actions.







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