Loi 101

Berlue, vous dites?

Tribune libre


Berlue, vous dites?
Dans « La berlue du PQ », un texte publié dans la Presse le 23 octobre, l’avocate Mélanie Dugré emploie les termes «dictature», «politiques répressives et contraignantes», «contrôle obsessif et maladif» et bien d’autres, pour décrire le projet du PQ de prolonger la loi 101 jusqu’aux garderies. Le raisonnement de Me Dugré ne tient pas la route. Depuis quand vouloir parler et offrir des services en anglais en Angleterre et en allemand en Allemagne est-il considéré comme étant de la dictature? Pour autant que je sache, la seule langue officielle du Québec est le français.

«Il est totalement farfelu de prétendre que la survie du français est menacée parce que des enfants de moins de 5 ans ne le parlent pas couramment dans leur milieu de garde», affirme-t-elle. N’est-il pas pourtant évident que la langue d’apprentissage aura un impact sur la langue parlée à la maison? Que plutôt que de rester en vase clos, dans leur langue maternelle autre que le français, les enfants apprendront à socialiser en français, ce qui ne peut qu’être bénéfique à la poursuite de leur apprentissage? Et ces enfants qui fréquenteront l’école deux ans plus tard n’auront-ils pas une large avance si la langue de Molière leur est familière? Et de toute façon, en quoi est-il répressif d’offrir aux gens de participer à ce projet collectif qu’est la survie d’un français de qualité en Amérique du Nord et l’ouverture à la culture francophone?

Madame Dugré poursuit sa dérive en ajoutant que «la maîtrise de cette langue doit devenir une priorité absolue même si on doit pour ce faire empiéter sur les cours de musique et d'arts plastiques, ou même allonger l'horaire de classe». Que de contradictions! Les enfants du Québec peuvent fréquenter une garderie qui offre des services en anglais et tant qu’à y être, retirons la musique et les arts de leur vie une fois au secondaire. Désireriez-vous en faire des incultes anglophones, madame?
Quant aux «alarmantes proportions» de futurs enseignants de français qui échoueraient le test de maîtrise du français (comme on en a soupé, de celle-là!), peut-être serait-il bon de préciser que la note de passage se situe à 85% et que loin de représenter les savoirs que doit transmettre un enseignant à ses élèves, ce test ne s’intéresse, mis à part une partie rédactionnelle, qu’aux innombrables pièges de la langue française et que nombre de journalistes et autres chroniqueurs improvisés qui ressassent cette même nouvelle depuis dix ans ne le réussiraient sans doute même pas. Quelqu’un veut tenter sa chance?
L’auteure du texte saborde elle-même son argumentaire en qualifiant la loi 101 d’«utile, pertinente et nécessaire», mais insuffisante. Pour preuve, elle ajoute qu’il faut plutôt hausser les standards, puisque dans nos écoles, «nous n’avons jamais si mal parlé et écrit le français» - ce qui est incommensurablement faux et la chose est vérifiable -. Je dois dire à cet égard qu’il m’apparaît plutôt contreproductif qu’une langue soit magistralement bien parlée… par une poignée de gens. L’arrivée, chaque année, d’environ 45 000 immigrants de toute origine n’est pas sans accroître le taux d’allophones qui se tourneront un jour ou l’autre vers l’anglais… si nous n’y faisons rien. Le projet de loi proposé par le PQ vise justement à étendre cet accès à la langue, à la culture francophone. N’est-ce pas plutôt rassurant?
Franchement, je crois que ce diktat linguistique dont vous parlez est une création de votre esprit, madame. Berlue, vous dites?
Geneviève Bernèche
Enseignante de français au secondaire

Squared

Geneviève Bernèche1 article

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Enseignante au secondaire





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    30 octobre 2012

    Je suis entièrement d'accord avec votre texte mais je voudrais apporter une correction. Ce ne sont pas 45 000 nouveaux immigrants qui entrent chaque année au Québec mais 55 000 avec la bénédiction du PQ qui se vante d'être souverainiste. Pas surprenant qu'après 44 années de sa fondation que nous attendions encore le pays de ce parti vendu à l'establishment économique de Bay Street et au fédéralisme 'canadian".
    Le mouvement souverainiste, c'est une faillite monumentale!
    André Gignac 30/10/12