Violences en Grande-Bretagne

Au tour de Manchester de s'embraser

La tension reste vive à Londres, où 16 000 policiers ont été déployés hier pour cette quatrième nuit d'émeutes

Crise - Angleterre - 2011



Marco Bélair-Cirino - Les rues de Londres, qui ont été secouées par trois nuits d'émeutes, étaient relativement calmes la nuit dernière, tandis que des étincelles de violence ont notamment enflammé la quatrième ville du pays, Manchester.
Des centaines de jeunes encapuchonnés ont affronté les policiers antiémeutes, semant la pagaille dans cette ville du nord-ouest du pays. Certains d'entre eux ont fait voler en éclats des vitrines de magasin avant de les piller, alors que d'autres ont lancé des projectiles contre les agents de police.
«Nous avons été attaqués plusieurs fois, a déclaré à la BBC le gérant du principal centre commercial de Manchester, Glen Barkworth. J'ai vu deux magasins attaqués, pillés, incendiés. C'était surréaliste.»
«C'est une zone de guerre», a ajouté un commerçant dont la boutique a été mise à sac, tandis que des policiers s'affairaient derrière lui à disperser des protestataires.
«Ces dernières heures, la police du Grand Manchester a dû faire face à des actes d'une très grande violence commis par des groupes de criminels», a souligné le chef adjoint du Service de police du Grand Manchester, Garry Shewan. M. Shewan, qui a rejoint le corps de police à l'aube des années 1980, a évoqué une intensité dans les affrontements qu'il «n'avait jamais observée auparavant».
À Londres, aucun incident n'avait été signalé, après le déploiement de 16 000 policiers, c'est-à-dire 10 000 policiers de plus que la veille. Mais une forte tension était perceptible: un grand nombre de magasins avaient notamment baissé leurs rideaux avant l'heure de fermeture habituelle dans Canning Town, un quartier très défavorisé de l'est de la capitale. La police a fait face à des groupes de jeunes, mais aucun affrontement n'avait eu lieu au moment de mettre sous presse.
D'autres incidents ont toutefois éclaté pour une deuxième nuit consécutive dans la seconde ville du Royaume-Uni, Birmingham (nord-ouest de Londres), et dans sa banlieue.
À Nottingham (au nord-est de Birmingham), un poste de police a été incendié à coups de cocktails Molotov sans que personne soit blessé.
De retour au 10 Downing Street, le premier ministre, David Cameron, qui a écourté ses vacances, a convoqué le Parlement en séance extraordinaire demain. D'ici là, il présidera aujourd'hui une nouvelle réunion d'urgence du gouvernement.
«La population ne doit avoir aucun doute sur le fait que nous ferons tout ce qui est nécessaire pour rétablir l'ordre dans les rues et les rendre sûres pour ceux qui respectent la loi», a-t-il affirmé avec fermeté devant la résidence officielle du chef du gouvernement.
«Si vous êtes assez vieux pour commettre de tels crimes, vous êtes également assez vieux pour être punis», a-t-il souligné aux jeunes émeutiers, dont certains n'ont guère plus de 15 ans.
Si la classe politique y voit de la «violence gratuite et du vol opportuniste, ni plus ni moins», selon les termes du vice-premier ministre, Nick Clegg, certains commentateurs attribuent les émeutes aux tensions entre les jeunes et les forces de l'ordre, aux difficultés économiques en cette période d'austérité et aux écarts de richesse croissants.
De nombreux émeutiers, qui viennent souvent de quartiers où le chômage règne en maître, se disent marginalisés. «On n'a pas de boulot, pas d'argent. On a entendu que des gars prenaient des trucs gratos, alors pourquoi pas nous?», a dit E. Nan, entouré d'autres jeunes gens dans un quartier populaire de l'est de Londres très touché par les émeutes.
Le gouvernement britannique a fait tomber le couperet sur les dépenses sociales et a augmenté les impôts, tout cela dans l'espoir de faire fondre le déficit budgétaire. Jusqu'à présent, le premier ministre, David Cameron, a résisté aux appels à freiner cette cure d'austérité.
Un recours à l'armée est pour l'instant exclu, même si les émeutes ont fait tache d'huile ces derniers jours dans Londres et dans le pays face à des policiers qui en ont visiblement plein les bras.
D'autre part, les images de jeunes gens masqués pillant des magasins et des immeubles en flammes passent en boucle sur les télévisions, ternissant l'image du pays à un an des Jeux olympiques de Londres.
Les émeutes, qui ont démarré samedi soir à Londres, ont fait leur premier mort hier, tandis qu'un homme âgé de 26 ans, blessé par balle au cours de violences lundi, a succombé à ses blessures.
La police métropolitaine (MET) a de son côté fait état de plus de 110 blessés dans ses rangs depuis le début de ce qui est désormais qualifié de «pires violences depuis plus de 20 ans».
Pour décourager les émeutiers, la police a diffusé les photos de fauteurs de troubles prises par les caméras de surveillance et a à l'oeil les réseaux sociaux qui sont le moyen de communication privilégié des perturbateurs.
Les premiers troubles avaient éclaté samedi dans la foulée d'une manifestation réclamant «justice» après la mort de Mark Duggan, tué d'une balle lors d'un échange de coups de feu avec la police.
D'ailleurs, la colère des émeutiers pourrait être alimentée par les conclusions rendues hier soir par la commission chargée d'enquêter sur les conditions dans lesquelles la police l'a abattu.
Les premiers rapports faisaient valoir que l'homme, âgé de 29 ans, avait tiré sur les forces de l'ordre avec un pistolet retrouvé à ses côtés, mais selon une commission indépendante, «il n'existe à ce stade aucune preuve que l'arme retrouvée sur la scène [de crime] a été utilisée».
«Nous sommes dégoûtés, a affirmé la famille de la victime. Nous sommes très, très en colère, et nous voulons des réponses de la police [afin de savoir] pourquoi il [Mark Duggan] a été tué.»
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D'après Reuters, l'AFP et la BBC


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