Appropriation culturelle: une notion controversée

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L'appropriation culturelle remise en question en quelques exemples

Appropriation culturelle: l’acte ou l’activité d’un dominant dans le but d’usurper l’œuvre, l’identité, le génie culturels d’un dominé. Comme lorsque le Blanc dominant vole et blanchit le chant, l’accent, la poésie, l’âme du créateur Noir dominé.


Comme lorsque le Canada anglais dominant traduit en 1906 et canadianise en 1939 le Ô Canada créé par Calixa-Lavallée et Adophe-Basile Routhier et chanté pour la première fois à Québec, le 24 juin 1880 pour honorer la nation québécoise dominée, mieux connue jadis sous le nom de nation Canadienne française dominée. Comme lorsque le Canada anglais dominant s’approprie l’identité même de la nation québécoise dominée en prétendant, lors des jeux de PyongYang, en 2018, que «Nous sommes tous canadiens unis pour le Canada uni». Et alors même que Hockey Canada exige des médias de prononcer avec un accent anglophone les noms francophones des  joueurs de Team Canada uni dominant.


Appropriation culturelle et patrimoine d’humanité: l’acte ou l’activité de faire siennes les créations d’une ou de plusieurs cultures, d’hier et d’aujourd’hui. Comme lorsque l’humanité entière s’approprie les créations culturelles de l’humanité considérées comme faisant partie du patrimoine de l’humanité. Comme lorsque Robert Lepage, depuis quarante ans, s’approprie des biens culturels de toutes provenances pour en faire apprécier le génie, connaître la vérité et admirer la beauté universelle. Au théâtre, au cinéma et à l’opéra. Comme lorsque Robert Lepage et Betty Bonifassi, il faut le supposer, connaissant leur œuvre, et même si nous n’avons pas vu SLAV, se sont approprié les créations d’esclaves noirs pour en faire connaître et admirer le génie, la beauté universelle et la résiliente-vérité.


Quand, à l’école, le jeune américain que j’étais découvrait, émerveillé, les premières paroles de la Declaration of Independance, «We hold these truths to be self evident that all men are created equal...» (Nous tenons pour une vérité évidente que tous les hommes sont créés égaux...) j’ignorais que Thomas Jefferson, l’auteur, s’était inspiré et approprié des idées de Locke et de Montesquieu, qui s’étaient inspirés et appropriés, eux, des idées de Cicéron et d’Aristote qui, tous, sans doute, s’étaient inspirés de la loi naturelle, «loi immuable et non écrite, qui ne date ni d’aujourd’hui ni d’hier», évoquée par l’Antigone de Sophocle.


Et quand je récitais avec fierté le Préambule de la Constitution des États-Unis, «We the people», je ne savais pas non plus que démocratie venait d’isègoria, un mot grec qui signifie égalité de parole, mieux, le droit égal à la parole, et que dans la démocratie athénienne cette liberté de parole était d’abord un reflet de l’État avant d’être un droit individuel et que cette même liberté individuelle faisait de chacun le responsable et le promoteur de la liberté publique et politique de tous, c’est-à-dire de la cité.


Appropriation culturelle et respect des différences. Quand je découvre, devenu adulte, que pour plusieurs hommes primitifs, «l’humanité cesse aux frontières de la tribu, à tel point qu’ils se désignent eux-mêmes les “bons”, les “excellents”, les “complets”, impliquant ainsi que les autres tribus ne participant pas des vertus humaines sont, tout au plus, composés de “mauvais”, de “méchants”, de “singes de terre” ou d’“oeufs de poux”» (Lévi-Strauss, Race et histoire)... 


Et que pour d’autres, l’être inférieur, le moins que rien, le non-homme, c’est le Juif, le ROM, l’Autochtone, le Réfugié, l’Immigrant, je sais que c’est du racisme. Je sais des chrétiens, qui se sont approprié l’idée, en partie, des Romains, qui se sont approprié l’idée des Étrusques et des Grecs que la dignité inhérente à la personne n’est pas une question de race, mais de nature... Je sais d’eux tous qu’une partie de notre richesse, c’est dans nos différences qu’elle se trouve et que la vraie appropriation culturelle, comme celle de Robert Lepage et de Saint-Exupéry, se garde d’abolir nos différences, fussent-elles contradictoires, de peur d’annuler, ce faisant, la grandeur de l’œuvre qui les absorbait, s’en nourrissant en silence. 


«Ma cathédrale, qui est une, est issue de ce que celui-là qui est plein de scrupules sculpte un visage de remords, de ce que cet autre qui sait se réjouir se réjouit et sculpte un sourire. De ce que celui-là qui est résistant me résiste, de ce que celui-là qui est fidèle demeure fidèle. Et n’allez point me reprocher d’avoir accepté le désordre et l’indiscipline, car quand vous entrerez dans mon temple vous serez saisis par son unité et la majesté de son silence, et quand vous y verrez côte à côte se prosterner le fidèle et le réfractaire, le sculpteur et le polisseur de colonnes, le savant et le simple, le joyeux et le triste, n’allez point me dire qu’ils sont exemples d’incohérence, car ils sont un par la racine, et le temple, à travers eux, est devenu, ayant trouvé à travers eux toutes les voies qui lui furent nécessaires.» (Saint-Exupéry, Citadelle).


Lucien Morin, Américain, migrant, néoquébécois, professeur émérite à l’Université Laval



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6 commentaires

  • Francis Déry Répondre

    17 juillet 2018

    @Christian Rivard,


    Je suis en schisme avec la France actuelle. Je me rapproche de Lionel Groulx pour une identité catholique et française en dépit du renoncement de la pratique. Sans doute parce que Vatican II fit écrouler l'institution. La France des Lumières ne valait pas mieux que le Cambodge des Khmers Rouges. Trop de sang versé pour satisfaire de grands égos. La France a plusieurs déclinaisons identitaires : Juifs séfarades, Maghrébins, Levantins, Africains et des vestiges coloniaux créolisés. Certaines déclinaisons se servent plus de la France qu'ils ne la servent. En fait, la France est un état malade comme le fut jadis l'Empire Ottoman avant la Grande Guerre. La France s'est séparée de nous en 1763 pour une île sucrière avec des plantations esclavagistes. Si la France doit choisir entre nous et Israël, elle choisira Israël. Le système français est pourri et dénationalisé. Israël est le poupon de la Question que posa Napoléon Bonaparte au Grand Sanhédrin.


    Je ne puis m'identifier à cette République Française qui n'est pas la France.


  • Francis Déry Répondre

    16 juillet 2018


    ...le non-nommé, c'est le Juif...



    Inversion accusatoire.



    Selon le Grand Rabbin Séfarade, Ovadiah Yossef, maintenant décédé, mais toujours respecté, la Torah est claire : les non-juifs de race ne sont pas des Humains. Seuls les Juifs sont humains. Les Goyims sont des animaux, bons pour faire des bêtes de somme, ou encore des "robots". Le terme robot signifie un travailleur. Penser aux lois que les robots doivent suivre selon Isaac Asimov.


  • Francis Déry Répondre

    16 juillet 2018

    Je suis un Canadien. C'est l'identité de mes ancêtres. Mais suite à la Conquête, et en particulier après la Confédération de 1867, et après les statuts de Westminster de 1937, les conquérants anglais se sont approprié mon ethnonyme après le territoire.



    Je suis devenu Québécois. Je croyais pouvoir avoir mon pays à moi.  En dépit des communautés alterculturelles installées par Ottawa. Mais Ottawa avait élargi le flot immigratoire pour faire voter des non-citoyens. Maintenant le flot est devenu un déluge. Chaque immigrant garde son identité. Il serait raciste de les transformer comme nous sommes. Ils se sont approprié mon identité nationales en reléguant ma culture aux oubliettes. Être Québécois, c'est être n'importe quoi.



    • Christian Rivard Répondre

      16 juillet 2018

      Francis, À mon avis, être Québécois n'est pas n'importe quoi. Ce n'est que le fruit des efforts et des choix politiques de nos anciens. Je respecte ça. Il faut respecter cette identité comme il faut aussi faire en notre pouvoir présentement de redonner de la valeur à notre identité de « nation française en Amérique ». Nous, Québécois, sommes les gardiens du foyer lumineux de l'Amérique française. Savez-vous que, selon Édouard Baraton, nous sommes toujours des Français ? Voici une courte vidéo, la seule d'ailleurs, qui nous donne un bref aperçu de sa thèse. https://www.youtube.com/watch?v=fmmiragb8Vk


      Christian B. Rivard


  • Martin Pelletier Répondre

    15 juillet 2018

    Je le dis depuis longtemps: faudrait que nous, les nationalistes-souverainistes, on  rapatrie cet hymne en en changeant simplement le titre


    O Québec, terre de nos aieux.....


    Tout le reste fitte avec notre histoire. 


    Le PQ s'achemine vers un massacre en octobre prochain. Après, il va y avoir un réalignement politique important. Rapatrier cet hymne devrait être au programme. 


    O Québec devrait devenir l'hymne national du Québec et Gens du Pays l'hymne patriotique. Un peu comme le Star Spangled Banner et le God Bless America aux USA. 


    Vous saviez que Lavallée était mort pauvre à Boston?



    http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-513/%C3%94_Canada_:_du_chant_patriotique_canadien-fran%C3%A7ais_%C3%A0_l%E2%80%99hymne_national_du_Canada.html#.W0vQSNJKiUk


    Un chant patriotique canadien-français


    La création du « Ô Canada » résulte d'une commande politique du Lieutenant-Gouverneur du Québec, l'Honorable Théodore Robitaille. Celui-ci souhaitait doter les Canadiens français d'un hymne national en prévision de la tenue à Québec, en juin 1880, du Congrès National des Canadiens français. L'événement devait culminer par une grande célébration de la fête de saint Jean-Baptiste, patron des Canadiens français, le 24 juin. C'est au juge Adolphe-Basile Routhier que fera appel le Lieutenant-Gouverneur pour rédiger le texte de ce chant. Bien qu'une incertitude plane encore sur la suite des événements, il semble que le texte de Routhier ait été remis au musicien Calixa Lavallée qui en composa ensuite la musique.


    • Christian Rivard Répondre

      16 juillet 2018

      Quelles sont les autres « choses » que nous devrions rapatrier ? Je propose de faire une carte de tous les forts (villages et villes) que nos ancêtres ont fondé en Amérique avec les noms en français ou en langue autochtone. Je propose aussi de mettre en valeur les alliances que nos ancêtres avaient conclu avec les Premières nations. Qu'en penses-vous ?


      Christian B. Rivard