Aide médicale à mourir : les chefs fédéraux interpellés par une citoyenne

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La culture de mort banalisée par tous les chefs


Tous les chefs des principaux partis fédéraux se sont entendus, jeudi, pour réformer la loi sur l'aide médicale à mourir et en élargir les critères.




Cette rare démonstration d'unité politique est survenue au début du dernier segment du débat, qui portait sur l'identité, l'éthique et la gouvernance.


Alors qu'un jugement de la Cour supérieure du Québec a récemment remis en question de vastes pans de la loi fédérale et de la loi québécoise sur l'aide médicale à mourir, une femme atteinte de plusieurs maladies graves a réclamé que le prochain gouvernement en fasse davantage pour que les citoyens contrôlent plus étroitement le moment choisi pour passer de vie à trépas.


Pour permettre aux êtres humains de mourir dans la dignité, promettez-vous aux Québécois, oui ou non, d'alléger la loi actuelle, comme le recommande la Cour supérieure, et surtout de ne rien tenter pour créer des embûches supplémentaires? a ainsi demandé Lise Pigeon, dont les diverses maladies la confinent à un fauteuil roulant.



Je vous offre mes sympathies, a d'abord répondu la chef du Parti vert, Elizabeth May, avant d'« offrir son engagement ».


On doit en faire plus, on doit changer la loi, a-t-elle ajouté. J'ai fait mes efforts lors de l'étude du projet de loi au Parlement, histoire de donner aux citoyens le droit de choisir le moment pour mourir dans la dignité, et je veux faire la même chose au sein du prochain Parlement.


Oui, je m'y engage, a poursuivi le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh. C'est clair, avec le jugement au Québec, que les critères sont trop limités, et que l'on n'offre pas la dignité. Ce que je veux faire, c'est enlever les limites, je veux vous donner plus de pouvoir pour avoir le droit de mourir dans la dignité.


C'est une décision difficile, mais il faut avoir accès à ces droits importants, a-t-il ajouté.


Une « philosophie nouvelle »


Le chef bloquiste a été tout aussi direct que ses homologues : La réponse est évidemment oui; c'est un phénomène, une loi, une philosophie nouvelle au Québec, comme au Canada.



Je vous félicite, et je félicite ceux qui sont allés au tribunal, parce que vous vous êtes emparés de cette loi, et vous avez dit "c'est à nous, et nous voulons maintenant participer à la façon dont cela va se vivre et s'appliquer. Je crois que les gouvernements doivent s'engager à respecter le jugement sans condition, quitte à travailler en parallèle, par la suite, pour améliorer cette loi, a ajouté Yves-François Blanchet.


Quant au chef libéral Justin Trudeau, il a parlé d'une « question extrêmement personnelle pour les individus et les familles », avant d'indiquer que « nous devons être là, en tant que gouvernement, pour naviguer à travers ces questions difficiles ».


Oui, nous allons alléger la loi dans les prochains six mois, parce que nous reconnaissons depuis le début que c'est une nouvelle loi, et qu'il fallait chercher un équilibre entre la protection des plus vulnérables et le respect des droits et des choix de chacun et chacune. Et on comprenait que les tribunaux, la société, tout allait évoluer, et nous, nous évoluerons aussi, a-t-il ajouté.


M. Trudeau avait déjà promis, lors du premier débat en français à TVA, qu'un nouveau gouvernement Trudeau modifierait la loi actuelle « d'ici six mois ».


Du côté des conservateurs, le chef Andrew Scheer a parlé de « l'un des moments où j'ai trouvé que tous les partis avaient vraiment essayé de trouver un terrain commun pour répondre à la décision de la Cour, tout en trouvant l'équilibre pour protéger les gens vulnérables ».


Nous allons toujours respecter les décisions des tribunaux; en même temps, nous allons effectuer un examen de la décision, parce que c'est tellement nouveau que nous devons nous assurer que nous trouvions la bonne loi, a ajouté M. Scheer.


Le chef du Parti populaire, enfin, a affirmé que « cette loi-là doit être révisée ». Je peux vous dire que j'ai voté en faveur de la loi, et on prône la liberté et la responsabilité personnelle au Parti populaire; je m'apprête à m'engager à regarder cette législation-là pour m'assurer que les personnes qui veulent poser ce geste puissent le faire en fin de vie. Vous avez l'appui intégral du Parti populaire dans votre démarche, a mentionné Maxime Bernier.


L'ensemble des réponses des chefs a définitivement plu à Mme Pigeon.



C'est parfait! Ils ne peuvent plus revenir [en arrière], là.


Lise Pigeon


Ils ne sont plus capables de revenir... ils ne peuvent plus rien faire, maintenant, a-t-elle ajouté en entrevue avec Radio-Canada, à la suite du débat.


Mme Pigeon s'est par ailleurs dite « étonnée » du fait que sa question ait suscité une réponse aussi claire. J'ai regardé le premier débat en français, mais je trouvais que les réponses étaient vagues. On aurait dit que [les chefs] n'étaient pas sûrs.


Notre dossier Élections Canada 2019

Des dispositions anticonstitutionnelles


Dans un jugement rendu vers la mi-septembre, la juge Christine Beaudouin, de la Cour supérieure du Québec, a estimé que plusieurs critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir étaient trop restrictifs, comme l'affirmaient les deux plaignants montréalais qui avaient intenté les démarches devant les tribunaux.


Au dire de la magistrate, les précédents critères d'admissibilité, soit que la mort naturelle d'une personne soit « devenue raisonnablement prévisible », pour l'État fédéral, ou encore que la personne soit « en fin de vie », au Québec, contrevenaient aux droits fondamentaux des demandeurs.


Les gouvernements d'Ottawa et de Québec ont déjà fait savoir, plus tôt ce mois-ci, qu'ils n'entendaient pas porter ce jugement en appel.




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