G8 de Deauville

40 milliards pour le printemps arabe

Le Canada fait bande à part sur Israël et l'aide aux pays arabes

Nouvel Ordre mondial


Deauville — Alors que les pays du G8 ont décidé hier de s'engager dans un effort de 40 milliards de dollars en faveur des pays du printemps arabe, le Canada a continué à marquer sa différence en ne proposant pas de nouvelle aide directe à ces pays en voie de démocratisation et en affirmant sa solidarité avec les positions d'Israël dans les négociations de paix.
Après deux jours de sommet dans la station balnéaire de Deauville, les huit pays les plus puissants de la planète se sont engagés à aider massivement les pays arabes qui progressent vers la démocratie. Cette aide se déclinera de plusieurs façons. Vingt milliards de dollars viendront des banques multilatérales
comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque africaine de développement et la Banque européenne de développement. L'aide bilatérale des pays du G8 totalisera 10 milliards de dollars, de même que celle des pays du Golfe.
Avec la Russie et le Japon, le Canada est le seul pays du G8 à ne pas avoir annoncé de nouvelle aide directe. Après les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni, la France a annoncé hier qu'elle consacrerait 1 milliard d'euros à aider l'Égypte et la Tunisie.
Interrogé sur ce qui est perçu par plusieurs comme un manque d'enthousiasme envers le printemps arabe, Stephen Harper a rappelé que le Canada est déjà engagé militairement en Libye. Le Canada s'est «engagé à soutenir le développement économique et démocratique en Tunisie et en Égypte», dit le premier ministre. «Nous ferons notre part des actions du G8 à cet égard», conclut-il sans plus de précision. Dans son entourage, on explique que le Canada contribue déjà amplement en contribuant aux grandes banques multilatérales dans lesquelles il a augmenté sa participation.
La résolution 242
Le Canada s'est aussi démarqué lors de ce sommet par sa proximité avec les positions de l'actuel gouvernement israélien. Selon l'agence Reuters, c'est à cause de l'opposition du Canada que la déclaration finale des dirigeants du G8 ne mentionne pas la nécessité d'une reprise des négociations sur la base des frontières d'Israël de 1967, conformément à la résolution 242 des Nations unies. La plupart des leaders du G8 étaient d'accord avec cette mention, que l'on retrouve d'ailleurs dans le dernier discours de Barack Obama destiné à relancer le processus de paix. Un discours à l'endroit duquel la déclaration du G8 affirme son soutien.
Stephen Harper n'a pas démenti cette information. Il dit simplement qu'il est «d'accord avec la déclaration du G8 qui est tout à fait équilibrée», comme il est aussi «très à l'aise avec le discours de M. Obama». Mais le premier ministre répète que ce dernier doit être considéré «dans son entièreté». «J'aurais aussi voulu que des éléments du discours d'Obama y soient considérés [...] comme la création d'un État juif et d'un état palestinien démilitarisé». Traditionnellement, le Canada a toujours défendu la résolution 242 de l'ONU qui intime à Israël de réintégrer ses frontières d'avant l'invasion de la Cisjordanie et de Jérusalem.
Le président Nicolas Sarkozy, hôte du sommet, s'est ouvertement démarqué de la position canadienne. Dans sa conférence de presse finale, il a fermement insisté sur l'importance des frontières de 1967. «Je crois que c'est opportun de parler des frontières de 1967. [...] Ce qui fait le courage du discours d'Obama, c'est qu'il a évoqué les frontières de 1967.»
Le président s'est aussi félicité de voir la Russie se joindre à une condamnation de la Libye et de la Syrie. Le président Medvedev s'était jusque-là opposé à toute ingérence en Libye même s'il s'était abstenu à l'ONU lors du vote sur l'intervention militaire. Le président russe a offert sa médiation dans le conflit en Libye. Nicolas Sarkozy a précisé que la résolution sur la Syrie, pourtant une ancienne alliée de la France, avait été durcie pendant le sommet. Il a repris à son compte les mots de Barack Obama qui disait que le président syrien, Bashar al-Assad, devait choisir entre une transition démocratique ou quitter le pouvoir.
Invité au sommet, le premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, s'est déclaré satisfait même si les détails de l'aide doivent encore être précisés. La Tunisie réclamait 25 milliards de dollars sur cinq ans. Pour l'instant, seule une aide d'urgence de 1,3 milliard de dollars a été confirmée.
L'aide offerte à la Tunisie sera sous la responsabilité d'une Caisse des dépôts et d'un fonds d'investissements stratégiques, le Fonds des générations. «En contrepartie de cette aide, nous allons réussir la révolution tunisienne», dit le premier ministre.
Interrogé sur l'absence d'aide bilatérale canadienne, le ministre des Finances de la Tunisie, Jaloul Ayed, a dit espérer «qu'il sera possible de développer des liens plus profonds avec le Canada. Mais, ce n'est pas encore le cas» Le plus grand défi aujourd'hui, «c'est de répondre aux attentes des jeunes», dit-il.
Le premier ministre tunisien en a profité pour dire quelques mots sur les membres de la famille Ben Ali, dont le beau-frère, Belhassen Trabelsi, s'est enfui au Canada. Le premier ministre Essebsi a dit être «en contact avec les autorités canadiennes». Selon lui, «ces membres de la famille ont profité de beaucoup de situations illégales. Normalement, les peuples ont le droit de juger leurs citoyens».
Nicolas Sarkozy a aussi annoncé un renforcement des sanctions contre l'Iran qui, dit-il, aurait profité du printemps arabe pour «faire oublier sa marche inexorable» vers le nucléaire. La question la plus discutée dans les couloirs a été la candidature proposée par l'Europe à la direction du FMI, celle de la ministre des Finances française, Christine Lagarde. Le président français s'est montré optimiste sur la position américaine. «Je crois savoir que sa décision est prise et qu'il se réserve le moment opportun pour l'annoncer.»


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